Vis ma vie... de pauvre

« Les prospectus, ils arrivent dans la boîte à lettres des pauvres comme dans celles des riches, soupire l'épouse de Christian Leone, chauffeur-ripeur. Alors, nous, les catalogues, on se fait plaisir en les regardant, et c'est tout. De toutes façons, moi, si j'achetais des chaussures à 140 € , je marcherais sur les mains, de peur de les abîmer ! » Avec cinq jeunes enfants et un revenu de 1 420 € net par mois, ce couple bataille chaque mois avec la calculette : « Il nous reste onze jours avant la paie, et on n'a déjà plus rien, peste Christian. Mais je vais pas parler de misère, car on mange quand même tous les jours. » Même s'il est quelque peu lassé de manger, à chaque repas, les oeufs du poulailler... A l'image des autres familles dont Lily et Jean-Pierre Franey ont recueilli les témoignages dans Fins de mois difficiles (reportage diffusé sur LCP Assemblée nationale), les Leone sacrifient le superflu et rognent même sur l'essentiel. « Il faudrait que les hommes politiques viennent voir comment on vit », tranche Bernard, 67 ans. Ce retraité de la SNCF s'en sort, quant à lui, avec 1 230 € par mois. « Pauvre », il apporte néanmoins son aide aux « plus pauvres » en tant que bénévole au Secours populaire - « je me suis aperçu que la misère n'était pas que chez moi, mais qu'elle était partout », déplore-t-il. Nono, 44 ans, est mécanicien-pêcheur. Ses revenus, qui ont toujours été irréguliers, ont beaucoup baissé depuis trois ou quatre ans. Difficile, dans ces conditions, de financer les études de ses filles. Et lui aussi en a parfois assez de manger du poisson ! Une voisine, mère célibataire, remarque : « On se considère pauvres, mais on a un toit et on arrive à payer les factures, bref on est des pauvres riches ! » Et chacun, petits et grands, filmés sans commentaire, de livrer son point de vue sur les riches - ceux qui sont « nés du bon côté de la barrière ». Christian conclut : « Faudrait que, pendant une journée, les pauvres deviennent riches et les riches deviennent pauvres, pour voir comment ça fait. »