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Emploi des jeunes : un plan de plus ?

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La Commission de concertation sur la politique de la jeunesse mise en place par Martin Hirsch parviendra-t-elle à inverser la tendance en matière de chômage des jeunes ? Michel Franza, directeur général de l'Unasea (Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes), se montre pessimiste : les premières pistes esquissées et la composition de l'instance ne lui paraissent augurer d'aucune rupture salutaire dans les politiques publiques.

«La volonté partagée par l'Etat et les partenaires sociaux de s'attaquer à la question de l'emploi se heurte toujours - malgré le «Grenelle de l'insertion» - à la triste réalité historique d'un échec social permanent : les courbes du chômage, et notamment de celui des jeunes, ne s'améliorent pas. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur l'ensemble des dispositifs ciblés et autres plans d'urgence qui ont toujours permis de contenir un chômage endémique et d'empêcher une irréparable rupture générationnelle, même si les tendances ont rarement pu être inversées. Au regard des ressources financières de l'Etat, de la mobilisation des instituts de formation relayés par les actions des associations et le soutien des collectivités locales, sans omettre l'engagement des entreprises, personne ne peut douter que les politiques publiques de l'emploi, même sans en avoir le label, constituent de grandes causes nationales.

Cependant, depuis des décennies, les chiffres contredisent notre indéfectible croyance en une société autorégulée et appuyée sur l'idée généreuse d'un progrès pérenne dont la jeunesse constituerait la plus sûre balise.

En effet, comme le rappelle le Haut Commissaire à la jeunesse, «le chômage des jeunes augmente deux fois plus vite que celui du reste de la population». Le nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans a augmenté de 12 % depuis novembre 2008. Avec un taux de chômage atteignant 21,1 % en février 2009, c'est aussi l'un des plus élevés d'Europe. La crise économique n'engage pas à l'optimisme et les jeunes seront les premières victimes de la récession, et plus particulièrement les jeunes sans diplôme.

Mais, quand on sait par ailleurs que le taux d'activité des jeunes est de 30 % en France, alors qu'il est de 52 % en Allemagne, pour approcher les 70 % en Grande-Bretagne, c'est bien toute la politique d'accès à l'emploi qui est interrogée. Deux approches différentes, certes, entre une Allemagne qui, historiquement, associe de façon étroite les entreprises à la formation, quand le Royaume-Uni libère le marché de l'emploi en fonction d'une croissance socialement décomplexée. Face à ces deux systèmes opposés, le Rhénan et le libéral, il n'existe pourtant pas de modèle français car, en France, la formation est paradoxalement déconnectée de la réalité des marchés ou du monde de l'entreprise.

Ainsi, l'école seule, arche sainte d'une République fatiguée, serait à la source du renouveau. Malgré le respect que l'on doit à nos derniers hussards noirs, il est permis de douter, surtout s'il n'y pas une réelle réforme de son formalisme éducatif. Et ce n'est pas l'école de la deuxième chance qui masquera les échecs répétés de notre système, au premier rang desquels figure l'illettrisme, plaie ouverte de notre vénérée République de lettrés.

Inadaptation à l'offre

La première question qui doit se poser est : pourquoi la France ne se mobilise-t-elle sur le chômage des jeunes et ne redécouvre-t-elle les vertus de la formation et de l'accompagnement vers l'emploi qu'en temps de crise ?

En période de croissance, ce souci est moindre, et l'on considère que l'effet naturel de l'expansion ouvrira l'emploi à toutes les catégories, bien que celui-ci soit souvent déqualifié et surtout, de façon contradictoire, encadré à l'excès. Alors surgit le problème non plus de l'offre mais de l'inadaptation à l'offre. Paradoxalement, on se retrouve toujours avec un volant incompressible de chômeurs, le plus souvent des jeunes - sans qualification ou diplômés - déconnectés de la demande. Preuve de l'inefficacité de notre système, les entreprises recrutent à l'étranger par manque de main-d'oeuvre qualifiée.

D'ailleurs, les projets de Martin Hirsch en sont un nouveau symbole puisque la formation apparaît de nouveau comme le remède à l'échec scolaire, sans que l'école n'ait pourtant réagi depuis tant d'années à son opacité face au marché du travail et n'ait conduit sa propre révolution. En effet, comme le soulignent Jacques Delors et Michel Dollé, dans leur ouvrage Investir dans le social (Ed. Odile Jacob), chaque année ce sont 200 000 jeunes qui sortent du système scolaire et des premiers cycles universitaires sans diplôme. C'est pourquoi, face à l'inégalité d'accès au marché du travail, ils prônent, en amont, une vraie réforme de l'école et la nécessité de réorienter et de redéployer les budgets en faveur du primaire. Mais qui relèvera ce défi ?

De plus, de vastes plans nationaux sont engagés mais dont l'envergure affichée ignore les expériences réelles qui non seulement agissent sur les causes profondes du chômage, la formation, mais aussi maintiennent, avec la foi du charbonnier, le lien social.

Il en est ainsi des centres éducatifs et professionnels (CEP), dont l'Unasea ne cesse depuis deux ans de présenter l'utilité et l'opérationnalité, mais qui disparaissent en raison d'un multifinancement complexe et d'une absence de pilote ministériel. Si la formation est le coeur de l'accession à l'emploi, pourquoi refuser à ces CEP une reconnaissance et un statut ? D'autant que le public pris en charge et accompagné appartient justement à cette cohorte de jeunes sans formation, en danger ou sous main de justice, et en très grande difficulté d'insertion. Il en est de même pour les jeunes en situation de handicap pour lesquels la formation est essentielle car elle offre un cadre social d'autonomie personnelle encore plus affirmé.

Y aurait-il des formations adaptées et d'autres seulement organisées pour constituer une sorte de tampon social ? Ainsi, si l'on a conscience de l'absence de lien entre les formations scolaires et universitaires et le futur marché de l'emploi, que dire de la formation des jeunes en échec soumis à une sorte de second marché professionnel, le plus souvent occupationnel ?

L'erreur de la globalisation

De même, pourquoi généraliser les politiques publiques ? Il en a été ainsi du dispositif des emplois-jeunes, indéniable réussite du gouvernement Jospin, mais que l'on a voulu généraliste alors qu'il aurait dû être mieux ciblé car finalement seuls les diplômés en ont réellement tiré bénéfice. Un nouvel exemple de l'erreur récurrente d'une politique globale qui confond les jeunes sans tenir compte de leurs qualifications, de leur environnement et de leurs parcours.

Le paradoxe politique est à son comble du fait du décalage qui existe entre le fonds d'expérimentation, destiné aux jeunes les plus en difficulté, dont s'occupent les associations, et une commission de concertation jeunesse d'un classicisme déconcertant !

Si personne ne doute de la volonté du Haut Commissaire, révolutionner en quatre mois la politique de l'emploi des jeunes, alors que 25 ans d'efforts partagés ne l'ont pas réussi, tiendrait du miracle. Autre paradoxe dans la modernité affichée, on ne craint pas de retomber dans les mêmes travers avec une commission de concertation jeunesse où les mêmes représentants, du moins leurs héritiers, se retrouvent autour de la table avec comme mission de révolutionner ce que leurs illustres aînés ont déjà analysé avant d'abdiquer. Un cadre bien huilé et équilibré où les représentants attitrés d'un syndicalisme, dit «représentatif», encadrent les représentations étudiantes et lycéennes, éclairé par les églises confessionnelles et laïques, protégé par les parlementaires de tous horizons idéologiques et territoriaux, sanctifié par les oeuvres familiales et enrichi par la pensée des personnes qualifiées qui, d'expériences affichées ou de recherches scientifiquement validées, analyseront doctement un bilan désastreux pour mieux cautionner les orientations nécessaires d'une politique renouvelée... par les mots.

Le pari du miracle hexagonal ?

Mais, dans ce bel ordonnancement républicain, on cherche en vain, même si elles n'ont pas la prétention de détenir la vérité, les organisations de jeunes des quartiers, de travailleurs sociaux ou d'associations en prise directe avec le terrain quotidien de l'exclusion. On n'y retrouve pas plus les fédérations d'associations représentatives qui oeuvrent par leurs réseaux au suivi et à la prise en charge des personnes les plus en difficulté, notamment ces jeunes exclus de 16 à 25 ans baladés de dispositif en dispositif et qui ne peuvent trouver refuge dans un RSA adapté, pas même de représentant des syndicats d'employeurs du secteur sanitaire et social, les promoteurs de micro-projets locaux... et, au moment des élections européennes, aucun membre de syndicat, d'entreprise ou d'organisation de l'Union, comme si la France, une fois de plus, faisait le pari de l'autonomie d'action et du miracle hexagonal.

On ne peut que regretter cette normalité alors que la volonté politique est affirmée.

La politique de la jeunesse doit être une priorité nationale et désormais européenne.

Au moment où les commissions spécialisées sont supprimées ou réorganisées, ne conviendrait-il pas de créer une commission permanente de la jeunesse, sans personne qualifiée ni docte penseur. Une commission qui pourrait se réorganiser sur la base du comité interministériel à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté créé par le décret du 21 octobre 1983 et qui ne s'est pas réunie depuis plus de 18 ans !

Voire d'envisager une vraie rupture institutionnelle, comme l'a proposée l'Unasea lors de la campagne de l'élection présidentielle, en créant enfin un ministère d'Etat chargé de l'enfance, de la jeunesse et de la famille.

Il y a urgence car, pour paraphraser Xavier Musca, le sherpa du président de la République pour la préparation du dernier G20, «nous n'avons pas le droit à l'échec. Les jeunes ne nous le pardonneraient pas». Surtout à un moment où, pour la première fois depuis 1945, l'avenir des enfants sera plus sombre que celui de leurs parents. C'est-à-dire nous. »

Contact : 118, rue du Château-des-Rentiers - 75013 Paris - Tél. 01 45 83 50 60

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