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Lutte contre les discriminations : la HALDE dénonce l'immobilisme du gouvernement

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La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a adressé en janvier 2008 des recommandations au gouvernement sur les discriminations visant les gens du voyage et concernant la carte d'identité, le droit de vote, les titres de circulation, la scolarisation et l'accès au stationnement sur des aires d'accueil aménagées (1), puis plusieurs relances au cours de cette même année. « A l'exception d'une circulaire de novembre 2008 sur la carte d'identité » (2), ces recommandations « n'ont pas encore été suivies d'effet », constate l'instance le 7 avril dans un communiqué, rappelant au passage qu'environ 300 000 citoyens français sont considérés comme des gens du voyage.

Par un courrier du 2 février dernier, les ministres de l'Intérieur, du Logement, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales ont pourtant adressé une réponse commune à la Haute Autorité reprenant l'ensemble des questions soulevées dans ses recommandations. Mais l'instance l'a jugé insatisfaisante et a réagi à son tour, point par point, dans une nouvelle délibération du 6 avril, avec à la clé de nouvelles recommandations et la menace de « rendre sa position publique par la voie d'un rapport spécial » publié au Journal officiel.

L'accès au droit de vote

En ce qui concerne l'accès au droit de vote des gens du voyage, la Haute Autorité a demandé aux pouvoirs publics de mettre fin à l'exigence, à l'encontre de cette population, d'un rattachement ininterrompu de trois années à une commune alors même qu'un rattachement de six mois seulement est exigé pour les personnes sans domicile fixe. Dans sa réponse à la HALDE, le gouvernement indique que les gens du voyage « pourraient bénéficier d'un dispositif plus favorable » que celui en vigueur pour eux actuellement et qu'« une réflexion peut être engagée sur l'harmonisation des différents dispositifs ». Ce faisant, souligne la Haute Autorité, il reconnaît implicitement le caractère « injustifié et discriminatoire » des règles actuelles. Elle recommande par conséquent au gouvernement de changer la loi pour ramener à 6 mois de rattachement à une commune le délai imposé aux gens du voyage pour accéder au droit de vote.

Les titres de circulation

Autre source de discriminations à l'encontre des gens du voyage : les titres de circulation qui leur sont imposés. En vertu d'une loi du 3 janvier 1969, les gens du voyage français qui n'ont pas de ressources régulières doivent, pour pouvoir se déplacer, être munis d'un carnet de circulation à faire viser tous les trois mois par la police ou la gendarmerie. La circulation sans ce carnet est punie d'une peine de prison allant de trois mois à un an. Pour la HALDE, cette réglementation met en oeuvre des moyens disproportionnés de contrôle, que ce soit au regard de leur fréquence ou de la gravité des peines. L'instance a par conséquent recommandé aux pouvoirs publics d'éliminer l'obligation de faire viser le titre de circulation et d'aligner les peines encourues pour défaut de carnet sur celles des commerçants ambulants. Réponse du gouvernement : « les documents de circulation seront maintenus, mais ce maintien est assorti d'un réexamen des conditions dans lesquelles ces documents sont visés ». Une réponse insatisfaisante aux yeux des membres de la Haute Autorité, qui reviennent donc à la charge pour demander que les conditions de délivrance et de suivi du carnet de circulation soient redéfinies afin d'éliminer l'obligation de le faire viser tous les trois mois. Elle recommande également, une fois de plus, que les peines encourues pour défaut de carnet ne soient plus des peines de prison mais uniquement des amendes pour contravention.

La scolarisation des enfants

La HALDE avait recommandé au ministre de l'Education nationale d'évaluer le taux de scolarisation des enfants des gens du voyage et, le cas échéant, les conditions de cet accès à l'éducation. En guise de réponse, le gouvernement a indiqué ne pas disposer de statistiques et souligné que les statistiques ethniques ne sont pas autorisées en France. Mais pour la Haute Autorité, « il est tout à fait possible pour le ministère d'évaluer le nombre de titulaires de titres de circulation ainsi que d'enfants mineurs qui y sont rattachés ». Rappelant que le Conseil constitutionnel a expressément reconnu la possibilité d'avoir recours à des données objectives pour évaluer l'ampleur des phénomènes discriminatoires, l'instance estime également que, de la même manière, « il n'est pas interdit de recenser le nombre de dispositifs pédagogiques mis en place par ou en collaboration avec l'Education nationale et intervenant sur des aires d'accueil des gens du voyage ». Elle recommande par conséquent au gouvernement de mener une étude sur le sujet en s'appuyant sur ces éléments.

La création des aires d'accueil

Evoquant enfin les difficultés d'application de la loi « Besson » du 31 mai 1990 réactualisée en juillet 2000 - qui impose à toute commune de plus de 5 000 habitants de prévoir les conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet -, la Haute Autorité demande au gouvernement d'établir le bilan du nombre de communes ne s'étant pas conformées à leurs obligations au regard du schéma départemental d'accueil des gens du voyage au 1er janvier 2009 et des démarches engagées par l'Etat pour « forcer » la création d'aires d'accueil (mise en demeure par le préfet ou réquisitions de terrains avec réalisation des aménagements nécessaires).

A noter : la HALDE rendra sa position publique par la voie d'un rapport spécial publié au Journal officiel à défaut de réponse satisfaisante à l'ensemble de ces recommandations, dans un délai de trois mois s'agissant du droit de vote et des titres de circulation et dans un délai de six mois s'agissant de la scolarisation et des aires d'accueil.

[Délibération n° 2009-143 du 6 avril 2009, disp. sur www.halde.fr]
Notes

(1) Voir ASH n° 2541 du 18-01-08, p. 6.

(2) Voir ASH n° 2594 du 30-01-09, p. 14.

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