« L'heure de la cantine. Les jeunes se ruent dans la salle à manger en se poussant et en riant, comme tous les ados du monde. » Ces jeunes, pourtant, vivent un quotidien particulier : chaque matin, ils viennent à l'hôpital de jour qui prend en charge leurs troubles liés à l'autisme, à des psychoses et autres « syndromes imprononçables ». C'est la chronique de sept années passées aux Jonquilles, cette institution spécialisée anonyme, que Brigitte Lavau raconte dans Je vais passer une bonne journée cette nuit. « Aux Jonquilles, le travail ne peut pas se compter par mois ni par années, mais par tranches de longues années », explique l'éducatrice spécialisée. Dans ce carnet de bord d'une jeune professionnelle, le lecteur fait la connaissance de la trentaine de résidents avec qui elle partage son quotidien. Il y a Léo, qui envoie une rafale de postillons accompagnée d'un grand sourire pour dire bonjour, Ramon, accueilli aux Jonquilles depuis dix ans et qui n'a jamais parlé, ou encore Antony, dont Brigitte Lavau n'aperçoit pas le visage, caché sous son pull Simpson. « Souvent, quand je dis que je travaille avec des adolescents autistes, les gens soupirent : «Ah, ça doit être dur !» Chaque fois, je réponds : «Non, c'est marrant», mais je vois bien qu'on ne me croit pas, et c'est fort compréhensible. » Bourré d'anecdotes, le livre revient sur l'expérience de l'éducatrice spécialisée de monter une buvette au sein de l'institution - « Le bar est tout vert » - avec des jeunes volontaires qui travaillent avec elle pour le service : « Ce n'est pas une mince affaire de servir, compter la monnaie, éviter les mouettes voleuses et ne pas s'énerver... mais c'est aussi valorisant pour eux d'être en position de travail et d'avoir une responsabilité. »
Je vais passer une bonne journée cette nuit - Brigitte Lavau - Ed. du Seuil - 17,50 €