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Une alliance fragile entre familles et professionnels

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On redécouvre aujourd'hui l'investissement et le rôle majeur que les aidants familiaux, longtemps oubliés de la construction des politiques publiques, jouent dans la prise en charge de la perte d'autonomie ou du handicap. Les soutenir devient donc un enjeu pour un grand nombre d'acteurs, ainsi que le montre le succès d'un appel à projets lancé par la CNSA.

L'histoire de Madame C. n'a rien que de très ordinaire (1). Elle et ses quatre frères et soeurs sont impliqués dans l'accompagnement de leur mère de 93 ans, classée en GIR (groupe iso-ressources) 2. Un « choix » qui, dès les premières semaines, a conduit la fratrie à comprendre la difficulté de la tâche et à se tourner vers les dispositifs locaux pour chercher du soutien. Ce que peut vivre une famille dans ces instants « d'appel au secours », Madame C. s'en souvient avec un sentiment encore mêlé d'incrédulité : « Nous avons à affronter des lourdeurs administratives, des délais à n'en plus finir. Nous n'osons pas demander, exprimer ce que nous ressentons. Les institutions paraissent figées dans des fonctionnements inadaptés. »

Tenaces et solidaires, Madame C. et ses frères et soeurs ont néanmoins réussi à surmonter les obstacles et à construire leur propre coordination en s'accordant avec les professionnels. Une des filles de la fratrie, rémunérée sur la base de quatre heures et demie par semaine payées en chèque emploi-service, assure les courses, l'entretien, la coordination des aides avec les intervenants extérieurs, et veille au respect du planning familial, « soit deux passages par jour, une garde de nuit, plus toute l'aide chaque week-end car il n'y a pas d'intervention professionnelle ». Son verdict est sans appel : « Un véritable fossé existe entre le discours officiel sur les aidants familiaux et la réalité du terrain. » Elle s'est d'ailleurs inscrite dans un groupe d'échanges et d'information mis en place par le centre local d'information et de coordination (CLIC) de Lesneven (Finistère).

Après plusieurs décennies de construction des dispositifs de maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie, les proches des usagers sont encore en grande partie délaissés par les politiques sociales et médico-sociales. Le rôle des « aidants familiaux » était d'ailleurs absent de la loi 2002-2 et n'a été reconnu qu'avec la loi « handicap » du 11 février 2005. Résultat : « Alors qu'on redécouvre que les familles sont très présentes dans l'aide, on s'aperçoit qu'elles sont peu soutenues, matériellement et psychologiquement, observe Bernard Ennuyer, sociologue et directeur de l'association d'aide à domicile Les Amis, à Paris. L'aide aux aidants apparaît comme un slogan mis en place dans les années 90 et utilisé par les politiques de tous bords, mais qui s'est mis à sonner creux, compte tenu de la faiblesse des pratiques qu'il recouvre. »

Dans le secteur des personnes âgées, cette aide est essentiellement apportée via les missions d'information dévolues aux CLIC ou aux réseaux gérontologiques. C'est trop peu, assure Bernard Ennuyer, au regard de l'investissement des familles. Selon les derniers chiffres cités par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) - qui datent, il est vrai, d'il y a dix ans (2), sur plus de trois millions de personnes de plus de 60 ans aidées régulièrement en raison d'un handicap ou d'un problème de santé, la moitié le sont uniquement par leur entourage ; 30 % bénéficient d'une aide professionnelle en association avec celle des proches et 20 % d'une aide uniquement professionnelle. L'observation est identique pour les personnes de moins de 60 ans en situation de handicap : 66 % sont aidées par un ou plusieurs membres de leur famille et 25 % bénéficient d'un accompagnement mixte faisant intervenir professionnels et familles. Par ailleurs, une personne soutenue seulement par son entourage reçoit en moyenne cinq heures d'aide par jour, contre 1 h 50 lorsqu'elle n'est aidée que par des professionnels (3). « Dans la mesure où il faut quatre à six heures d'aide par jour pour quelqu'un en perte d'autonomie, explique Bernard Ennuyer, l'investissement des familles représente souvent ce qui permet d'éviter l'institutionnalisation. »

Complexité administrative et faible soutien financier

Pourtant, la conférence nationale de la famille de juillet 2006 avait plaidé pour une « politique publique d'aide aux aidants familiaux », passant notamment par une coordination « efficace » avec les professionnels (voir encadré, page 36). Quelques mesures avaient été adoptées par la suite, comme la mise en place du congé parental, le droit au répit, ou la possibilité de rémunérer un aidant naturel. Reste que, sur le terrain, le sentiment d'inertie l'emporte. Le simple recours à un service d'aide à domicile ou à l'emploi direct « induit un certain nombre de démarches administratives (contrôle des heures effectuées, établissement de contrats de travail, déclaration à l'Urssaf) qui sont loin d'être toutes prises en charge par les institutions ou les associations, et renforcent au contraire l'implication des proches », constate la DREES. A cela s'ajoute la faiblesse des soutiens financiers prévus par la loi. « Quand on sait que le dédommagement horaire d'un aidant familial est de 3,36 € , éventuellement porté jusqu'à 85 % du SMIC s'il renonce à son activité professionnelle, peut-on parler d'une reconnaissance ? », s'indigne Brigitte Lacroix-Coquil, médecin territorial, responsable de l'unité d'évaluation à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Quimper (Finistère). « Dans le champ de l'enfance handicapée, on est frappé par le sens du devoir des parents. Nous faisons face à des situations familiales critiques avec des parents souvent âgés de plus de 80 ans qui, en dépit de leurs problèmes de santé, se font une obligation d'accompagner leur enfant aussi loin que possible, à tel point qu'on a du mal à imaginer que la fratrie puisse prendre le relais. » L'investissement est si fort que l'étude de solutions alternatives peut s'avérer très délicate. « Dans la situation du handicap, les parents ont parfois accompagné un enfant depuis sa naissance. Les possibilités de relais par les professionnels sont donc assez peu utilisées en raison de la difficulté à faire rentrer un tiers dans une relation qui peut être fusionnelle. Et quand cette aide est acceptée, note encore Brigitte Lacroix-Coquil, se pose alors la difficulté d'articuler de façon satisfaisante les interventions de l'entourage avec celles des professionnels, contraintes par des horaires. »

Patrice Leclerc, consultant formateur au cabinet Brigitte Croff Conseil, s'est livré à une enquête auprès des aidants familiaux et des aides à domicile d'une structure de la région parisienne, afin d'étudier quelle place les uns et les autres s'accordaient. « Du côté des aidants naturels, beaucoup avaient tendance à se représenter l'aide à domicile comme la fille ou la femme de la maison. D'autres encore n'acceptaient pas de déléguer, si bien que l'aidant professionnel n'arrivait pas à prendre sa place. Quant aux aides à domicile, coincées entre les exigences de la famille et celles de leur structure, elles reprochaient à l'entourage de la personne de ne pas comprendre les situations, d'exiger toujours plus, et finalement de compliquer leur travail. » Cette différence de perception a conduit à la mise en place de groupes d'échange réunissant aidants familiaux et professionnels et alternant mises en situations avec des comédiens, ateliers d'écriture, apports théoriques sur le deuil, la fin de vie, ou la maladie d'Alzheimer. « Cela a été une vraie révélation », commente Patrice Leclerc. Pour lui, le changement de regard des protagonistes de ces groupes a été radical au fur et à mesure qu'ils découvraient leurs différences de savoir-faire, et réalisaient que tous pouvaient souffrir à leur niveau des mêmes situations. Conclusion du formateur : « Les compétences des aidants naturels ne sont pas suffisamment intégrées dans le mode d'action des professionnels. Il y a une révolution à faire dans nos pratiques pour associer cette dimension de l'accompagnement. » La première leçon qu'en a tirée la structure a été de mettre en place une évaluation des actions croisant les regards des professionnels avec ceux des aidants familiaux.

La structuration est en cours

Pour autant, le succès rencontré par l'appel à projets lancé fin 2006 par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) afin de promouvoir des actions de soutien pour les aidants de personnes âgées et handicapées montre qu'une évolution est en cours. Dans un premier bilan arrêté en juin 2008, la CNSA fait état de près de 300 dossiers de participation. « Ce nombre très important a été une réelle surprise ! Les acteurs qui interviennent auprès des personnes âgées ou des personnes handicapées ont compris qu'il fallait répondre aux besoins des familles », commente Anne Kieffer, chargée de l'appel à projets au sein de la direction de la compensation de la CNSA.

Les initiatives émanent d'une grande diversité de promoteurs : associations d'usagers, collectivités territoriales, CLIC, établissements d'hébergement, hôpitaux, organismes de protection sociale, instituts de formation. Si la majorité d'entre elles se concentrent toujours sur l'entourage des personnes de plus de 60 ans, elles se diversifient avec des actions communes aux personnes âgées et handicapées et de nouvelles modalités de soutien, qui viennent compléter les classiques groupes de parole (techniques de gestion du stress, actions de prévention de la santé de l'aidant, cafés des aidants, médiation familiale). Pour Anne Kieffer, « l'aide aux aidants est en train de se structurer. Avec la prise en compte des besoins de l'entourage dans l'évaluation de la situation individuelle d'une personne, nous passons à des approches plus systémiques, tendant à créer les conditions d'un travail en réseau autour du binôme aidant-aidé. Or, jusqu'alors, les réponses se centraient uniquement sur les besoins des personnes en perte d'autonomie. »

Les priorités se portent actuellement sur l'entourage des personnes présentant des troubles du comportement, comme dans la maladie d'Alzheimer, mais aussi l'autisme, le traumatisme crânien et le handicap psychique. Pour les porteurs de projets, les premiers besoins à combler sont ceux de l'information et de la connaissance de ce qu'implique le processus d'aide. A l'Espace senior de Baume-les-Dames (Franche-Comté), Brigitte Bourny, aide médico-psychologique, se rend, par exemple, au domicile des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sitôt leur admission dans le réseau gérontologique local. Par l'intermédiaire des séances de stimulation par le jeu et l'appel à la mémoire qu'elle prodigue au malade, son rôle vis-à-vis de l'aidant naturel est de l'informer sur la maladie et de lui permettre d'adapter son comportement à l'évolution de son parent ou de son conjoint. « Souvent dans un couple, le conjoint culpabilise à l'idée de s'en remettre aux professionnels, explique Brigitte Bourny. Il faut instaurer un lien de confiance en l'impliquant dans les séances de stimulation. Ce qui lui permet de réaliser ce qu'est la maladie neuro-dégénérative et de mieux anticiper la suite. » A mi-parcours d'un programme d'une vingtaine de séances, un bilan réalisé avec une psychologue et une infirmière permet de réajuster les objectifs de l'accompagnement et de décider d'un passage de relais progressif aux aides à domicile ou à la famille. Consciente de l'importance de cette phase préparatoire au passage de relais, l'AMP et la psychologue du réseau gérontologique prévoient d'aller au-devant des familles en ouvrant un groupe de formation-échange dans une salle de la mairie, « une sorte d'accueil de jour, avec un temps d'activité, qui permettra à l'aidant de participer aux côtés de la personne malade, et un temps de parole, animé par la psychologue ».

A travers le développement de leur capacité d'accueil de jour, certains établissements médico-sociaux sont eux aussi interpellés par les familles qui viennent leur confier un proche quelques heures. La maison de retraite « Les Savarounes », à Chamalières (Puy-de-Dôme), un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) entièrement dédié à la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, a ouvert, depuis 2005, une cellule d'écoute à leur attention. « Installée dans un salon de thé, elle fonctionne une fois par semaine et permet à une psychologue de délivrer aux aidants des informations sur la prise en charge de leur parent malade », précise Béatrice Poey, directrice de l'établissement. Constatant que des familles pouvaient se trouver dans des situations de vie particulièrement critiques, un programme d'assistance a été mis en place en 2006. Celui-ci combine séances d'écoute où les aidants font part de leur ressenti, réponses sous forme de modules de formation et « ressourcement » grâce à des cours de sophrologie et de taï-chi-chuan. « Comme ce dispositif fonctionne en relais de l'accueil de jour, les malades Alzheimer sont pris en charge dans l'établissement pendant le temps des actions. Ce qui a permis aux aidants de venir progressivement vers nous pour obtenir de l'aide sans culpabiliser », commente la directrice. Environ 70 auraient déjà franchi le pas.

Des familles difficiles à toucher

Les effets du retard pris dans les politiques de soutien aux aidants naturels restent néanmoins perceptibles, en particulier à travers la difficulté de toucher les familles qu'évoquent l'ensemble des porteurs de projet. Monsieur A., un aidant familial impliqué dans un groupe de parole organisé par le CLIC de Crozon (Finistère), s'étonne ainsi « du manque de participants à ces réunions, pourtant indispensables car elles permettent de comprendre que les problèmes que nous vivons sont partagés ». La CNSA pointe à son niveau « des difficultés importantes qui persistent pour faire reconnaître à l'aidant son statut, alors qu'il se voit d'abord comme l'enfant ou le conjoint de la personne qu'il accompagne ».

En outre, quand des actions parviennent à emporter l'adhésion de principe des aidants, trop peu de moyens sont mis à leur disposition pour qu'ils puissent s'en saisir. Ainsi le bilan en demi-teinte d'un programme de formation de grande ampleur lancé en 2008 à destination des aidants de traumatisés crâniens, en partenariat avec l'Association française des traumatisés crâniens et l'association les Amitiés d'Armor, gestionnaire d'établissements médico-sociaux et de services à domicile. « Déstabilisant d'un jour à l'autre la cellule familiale, jusqu'à parfois la briser, le traumatisme crânien s'accompagne de handicaps associés et de troubles sévères du comportement, qui désemparent l'entourage de la victime. D'où la demande des familles d'être aidées à préparer l'avenir », explique Gilles Rolland, directeur général des Amitiés d'Armor. Côté positif : à raison de trois modules de formation de trois heures chacun, plusieurs dizaines de familles ont pu bénéficier d'une information sur la pathologie, les différentes situations rencontrées au quotidien et les aides financières, techniques ou professionnelles mobilisables. Côté négatif : une partie seulement des aidants ont pu assister aux formations et certains n'ont pu suivre qu'un module. Les raisons ? La fatigue due à leur âge souvent élevé, les problèmes de coût de déplacement en milieu rural, la difficulté de mettre en place un accueil de répit pendant le temps des actions. Le tout souvent mêlé. L'action a été reconduite en 2009, ce qui n'empêche pas Gilles Rolland de penser qu'un des enjeux futurs de l'aide à domicile « va être d'apporter l'information aux aidants naturels qui ne peuvent se déplacer ».

Même constat du côté du service départemental d'accompagnement aux aidants familiaux (SAAF), mis en place dans le Loiret fin 2007. Emanation d'un réseau d'associations animé par l'APHL (Association pour l'accompagnement des personnes en situation de handicap dans le Loiret) (4), le SAAF représente une des premières tentatives d'installer un service départemental autonome de soutien aux aidants familiaux de personnes en situation de handicap. Fonctionnant avec une équipe de quatre personnes, il propose des actions individuelles ou collectives, telles que groupes de paroles, réunions d'information, modules de formation, permanence d'accueil, et peut également s'appuyer sur le réseau des associations partenaires pour organiser l'accompagnement des personnes aidées le temps des actions. Aussi novateur que soit ce service, Jean-Paul Guichard, son responsable, reconnaît que « le premier travail consiste à essayer de toucher les aidants ». Plaquette institutionnelle diffusée par le réseau associatif et les municipalités, communication auprès des médias locaux, annonces sur des panneaux lumineux, « l'information sur l'existence du SAAF doit être sans arrêt relancée. Faute de quoi, les aidants n'expriment que peu, voire pas du tout, leurs besoins », commente le directeur. C'est donc par l'intermédiaire de questionnaires diffusés par le réseau associatif local et la MDPH qu'ont pu être identifiées les attentes de ceux qu'il appelle « les oubliés du handicap ». Un tiers d'entre eux se disaient prêts à suivre une formation sur des thèmes qu'ils définissaient en priorité comme leurs droits juridiques et la gestion du stress, et un quart ressentait le besoin de participer à des groupes de paroles. D'où la volonté du service de se rapprocher davantage encore des familles en organisant des rencontres sur quatre secteurs géographiques du Loiret.

Ces problèmes n'étonnent pas Daniel Pinchanzon, conseiller technique national à la direction de l'action sanitaire et sociale de la Mutualité sociale agricole (MSA). « La France part de très bas dans l'aide aux aidants. Avant le plan Alzheimer 2008-2012, il n'existait pas d'action généralisée d'ampleur nationale avec des programmes qui affichaient clairement cette priorité. En ouvrant un droit de quatorze heures de formation aux aidants, le plan Alzheimer a donné l'impulsion nécessaire, qui s'est traduite par une évolution dans la construction des dispositifs. » Pour accompagner ce mouvement, la MSA propose, depuis juillet 2008, aux caisses de son réseau de s'engager dans un contrat d'action destiné à consolider le soutien aux aidants de personnes âgées. « Plutôt que d'appliquer des solutions préétablies, il est demandé aux caisses d'initier une démarche de développement social local, qui consiste à faire s'exprimer les aidants et les acteurs locaux sur leurs besoins, puis à construire des réponses avec eux », précise Daniel Pinchanzon. Trois grands objectifs sont visés : le soutien psychologique des personnes à travers des groupes de paroles, le développement d'accueil de répit via des financements incitatifs et, enfin, la formation. Parallèlement, les caisses pourront s'impliquer dans des actions de préservation de la santé des aidants, à travers notamment le financement d'un diagnostic santé réalisé par un médecin généraliste.

Il reste que la plupart des initiatives demeurent fragiles et se heurtent à la faiblesse des moyens disponibles. A la CNSA, on est conscient que leur développement passe par un « cofinancement » durable. Dans le cadre des travaux sur la création d'une cinquième branche de protection sociale, celle-ci a proposé au cabinet du ministère du Travail et de la Solidarité d'intégrer l'aide aux aidants dans une nouvelle prestation d'autonomie pour les personnes âgées. « Sur le modèle de la prestation de compensation du handicap, la solution que nous préconisons consisterait à ouvrir un module «aide aux aidants», à côté de deux autres modules «aides techniques» et «aides spécifiques», chacun avec leur propre montant », explique Anne Kieffer. Le dossier est sur le bureau de Brice Hortefeux.

UNE NOUVELLE FIGURE : LE COORDONNATEUR

Une des mesures phares du plan Alzheimer 2008-2012 réside dans la proposition de faciliter l'articulation des aides sanitaires et sociales autour des malades Alzheimer en instituant un coordonnateur (5). A la fois correspondant unique et responsable de la prise en charge globale du malade, cette nouvelle figure du champ médico-social va avoir un rôle facilitateur pour les aidants naturels. Selon les termes du plan Alzheimer, le coordonnateur interviendra « dès le diagnostic ». Il sera chargé de « l'élaboration d'un plan de soins et d'accompagnement », « de veiller à faciliter sa mise en oeuvre en apportant son expertise aux personnes malades et à leurs familles » et ce, « de manière continue dans le temps, y compris lors d'hospitalisations ». Interlocuteur du médecin traitant de la personne, le coordonnateur assurera le lien avec les services d'aide à domicile en veillant à la qualité de l'accompagnement. Son rôle sera aussi de « prévenir les situations de crise » en orientant les aidants vers des structures de soutien et en étudiant avec eux les solutions de répit et d'hébergement temporaire. De même, le coordonnateur pourra aider à la constitution des dossiers de demandes d'aides sociales, en lien avec les différentes institutions, et orientera si besoin vers un soutien juridique. Enfin, les familles pourront le joindre via les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (MAIA) au travers d'un numéro unique. Plusieurs expérimentations sont actuellement engagées en s'inspirant du modèle de gestionnaire de cas développé au Québec (6). Les bilans qui seront prochainement tirés vont permettre de mieux préciser les besoins de formation à cette fonction. Ni la direction générale de l'action sociale, ni la CNSA, qui travaillent sur le référentiel de formation, ne souhaitent aboutir à un nouveau métier, mais bien à « une nouvelle compétence » ouverte à des professionnels du domicile, des CLIC, des équipes d'APA ainsi qu'à des travailleurs sociaux et des professionnels de santé. Enfin, indique-t-on à la CNSA, ce dispositif pourrait ne pas être exclusivement réservé aux seuls malades Alzheimer, « mais à toute situation complexe liée au handicap, voire à toute maladie chronique ». A l'échéance de 2012, un millier de coordonnateurs devraient être répartis sur l'ensemble du territoire à partir des MAIA.

LA PLACE DES AIDANTS : UNE QUESTION CENTRALE DANS LES POLITIQUES DE LA FAMILLE

La conférence nationale de la famille de 2006 a représenté un tournant dans la reconnaissance des besoins des aidants familiaux. En prônant la réconciliation entre solidarité familiale et solidarité collective, le rapport La famille, espace de solidarité entre générations (7), présenté à cette occasion, a reconnu, pour la première fois, l'aide aux aidants comme un enjeu des politiques de la famille. Appelant à « accompagner et soutenir l'engagement solidaire au sein des familles », il milite pour le développement « d'une politique publique d'aide aux aidants ». Plusieurs axes prioritaires sont définis. D'abord, la mise en place d'une « politique de prévention au profit des aidants familiaux comparable à celle déclinée pour les personnes aidées du fait de leur perte d'autonomie ». Concrètement, les rapporteurs recommandent d'installer un suivi de santé et un soutien psychologique des aidants familiaux, à travers un diagnostic santé et un remboursement adapté des frais de recours à un thérapeute. De même, « un volet d'évaluation des besoins des aidants familiaux » devrait être intégré au plan personnalisé de compensation du handicap et au plan d'aide de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Par ailleurs, le développement des formules de répit est reconnu comme une urgence absolue. « La question n'est pas celle d'une interrogation sur la nécessité de développer des structures d'accueil adaptées, qui fait l'objet d'un large consensus, mais celle de considérer cette ambition à un haut degré de priorité dans les choix de politiques publiques », insistent les rapporteurs. Parallèlement au développement des accueils de jour ou des accueils temporaires, la nécessité de mettre en place des services de nuit ou d'urgence destinés à soulager l'aidant en cas de crise inopinée de la personne aidée est, elle aussi, réaffirmée. Plusieurs mesures sont également proposées afin d'alléger les conséquences de l'implication des aidants sur leur trajectoire professionnelle. Ainsi, le Conseil d'orientation des retraites est invité à se pencher sur le problème du maintien de leurs droits à la retraite « dans la mesure où beaucoup d'entre eux interrompent toute activité pour s'occuper de leur proche ». Parmi les pistes suggérées, l'une d'entre elles consisterait à « tenir compte du temps de présence au domicile pour accompagner un proche en perte d'autonomie », ou, lorsque cet accompagnement oblige l'aidant à exercer son activité professionnelle à temps partiel, à « maintenir des droits à la retraite analogues à ceux qui auraient été ouverts par la poursuite d'une activité à temps plein ». Dans l'objectif de faciliter le retour à l'emploi des aidants familiaux d'âge actif, une extension de la validation des acquis de l'expérience est également demandée afin de permettre à un aidant de valoriser son expérience dans un titre des métiers de l'action sociale ou du sanitaire. Enfin, les rapporteurs proposent de rouvrir le débat sur les modalités d'indemnisation des aidants familiaux en préconisant de rémunérer ces derniers par le biais de l'APA ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Prudents, ils recommandent d'évaluer la pertinence du contrat de travail comme forme d'indemnisation « dont on perçoit l'intérêt en termes de droits ouverts, mais qui soulève un risque de confusion entre la sphère professionnelle et la sphère familiale ».

Notes

(1) Madame C. est venue témoigner lors du colloque « Aides aux aidants : quelles pratiques pour demain ? », organisé par la MSA du Finistère, le 18 novembre 2008, à Brest.

(2) « Les aides et les aidants des personnes âgées » - DreEs - Etudes et résultats n° 142 - Novembre 2001.

(3) « Les effets de l'allocation personnalisée d'autonomie sur l'aide dispensée aux personnes âgées » - Drees - Etudes et résultats n° 459 - Janvier 2006.

(4) L'APHL anime un réseau d'une vingtaine d'associations, dont l'APF, l'Unafam, l'AFM, l'Adapei, le GEIST 21.

(5) Voir ASH n° 2544 du 8-02-08, p. 5.

(6) Notamment à Paris, avec l'hôpital Georges-Pompidou et le réseau gérontologique de l'hôpital Sainte-Périne ; à Lille, avec le réseau mémoire Neotis ; ou encore dans les départements de l'Aude et de l'Hérault avec l'expérimentation conduite par le centre Géronto-clef (voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 35).

(7) Remis par Alain Cordier, président de la CNSA - Avril 2006 - Voir ASH n° 2456 du 19-05-06, p. 5.

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