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Le collectif SSIG veut aller plus loin dans la sécurisation juridique des services sociaux

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S'il invite l'Etat à reprendre dans la loi de transposition de la directive « services » les propositions du rapport Thierry, le collectif SSIG estime nécessaire, sur certains points, de les compléter afin de préserver le système d'encadrement et de protection des services sociaux français.

A quel sort vont être voués les services sociaux et médico-sociaux français, plus connus dans le jargon européen sous le sigle de SSIG (services sociaux d'intérêt général), dans le cadre du « marché intérieur ouvert et concurrentiel » de l'Union européenne ? Le système d'encadrement des acteurs et de financement public destiné à protéger ces services et leurs usagers (en particulier ceux vulnérables) va-t-il voler en éclat ? Ces questions sont devenues brûlantes au vu de l'actualité. Non seulement la France doit transposer en droit interne avant la fin de l'année la directive « services », mais elle vient d'adresser son rapport sur la façon dont elle met en oeuvre les règles européennes sur les aides publiques à la Commission européenne. Rapport qui doit permettre à cette dernière d'évaluer, d'ici à décembre prochain, les conditions de leur application dans les Etats membres (voir ce numéro, page 18).

Des spécificités à sauvegarder

Le débat sur la place des services sociaux dans l'Union européenne fait rage depuis 2004, cristallisé par la proposition de directive sur les services (1). C'est dans ce contexte difficile que le collectif SSIG - qui réunit 19 unions et fédérations d'associations (2) - s'est mobilisé pour obtenir un cadre juridique européen propre aux SSIG afin que les règles du marché soient adaptées à leurs spécificités. Sans succès, puisque la Commission a rejeté, le 20 novembre 2007, toute idée de directive sur les SIG (services d'intérêt général) ou les SSIG. « Le débat sur cette question est clos, mais pourrait être réouvert après les élections européennes », estime Laurent Ghekiere, animateur du collectif. Certains, d'ailleurs, comme MP4-Champ social (Mouvement pour une parole politique des professionnels du social), continuent à réclamer un texte ayant force de loi afin de sécuriser les SSIG (3). Reste qu'en l'absence d'encadrement spécifique, ces derniers sont soumis au droit communautaire des services d'intérêt économique général (SIEG). Dès lors, comment appliquer ces règles aux services sociaux sans les dénaturer ?

Selon la jurisprudence européenne, pour qu'un service social soit reconnu comme un SIEG, il doit répondre à des exigences très précises : il faut qu'il y ait un acte de mandatement de l'opérateur établi par une autorité publique, qui définisse la mission d'intérêt général du service, les obligations de service public qui en découlent et le montant des aides publiques qui doivent se limiter strictement à compenser les coûts. De son côté, le prestataire est obligé de fournir le service aux personnes désignées par l'autorité publique. Ce qui va bien au-delà du régime français d'autorisation ou d'agrément, qui laisse à l'organisme concerné une marge d'autonomie.

C'est donc bien la notion de mandatement, (ou de mandat d'intérêt général), plus rigoureuse que notre système de régulation, qui pose problème. La directive « services » a ainsi exclu de son champ d'application un certain nombre de services sociaux à condition qu'ils soient assurés par des « prestataires mandatés par l'Etat ». Et tout l'exercice du groupe de travail piloté par Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales, a été de réfléchir à la façon de rendre compatibles les exigences du mandatement avec le système d'encadrement français des services sociaux et médico-sociaux dans le cadre non seulement de la transposition de la directive « services » mais aussi du droit communautaire des aides d'Etat, applicable en France depuis novembre 2005 (4).

Clarifier la doctrine

C'est dire l'enjeu de ce rapport et la vigilance du collectif SSIG sur son contenu et les suites qui lui seront donné. Globalement, celui-ci se dit satisfait de la qualité de la réflexion et de voir que bon nombre de ses propositions adressées en octobre 2008 ont été reprises. Il invite donc l'Etat à reprendre les suggestions du rapport dans la loi de transposition de la directive « services » et à mettre en place, à cette fin, un groupe de travail associant l'ensemble des parties prenantes.

Le collectif se réjouit de la proposition de définir un nouveau mode de contractualisation, « la convention de partenariat d'intérêt général ». Celle-ci se substituerait à la convention de subventionnement qui pose aujourd'hui problème au regard de la logique d'imposition d'obligation de service public et de compensation des coûts. Il applaudit également à sa suggestion que l'Etat, trop longtemps muet sur la question, fixe sa doctrine en matière de SIEG, dans le cadre d'une directive ou circulaire, et fasse prendre conscience, notamment aux collectivités locales, de l'importance des enjeux liés à l'application du droit communautaire. Enfin, il approuve l'idée de procéder à un recensement exhaustif des services sociaux concernés aux niveaux national, régional, départemental et local.

Néanmoins, sur plusieurs autres points, le collectif estime que le groupe de travail n'a pas été assez loin. Ainsi, il ne partage pas sa façon de relativiser l'enjeu de l'exclusion des services sociaux du champ d'application de la directive « services ». Son « approche par blocs législatifs », qui permet d'exclure un grand nombre de secteurs (loi 2002-2, lois sur le logement, textes sur la protection judiciaire de la jeunesse...), lui semble en particulier insuffisante. Bon nombre de services sociaux gérés directement par les collectivités locales (par exemple, les centres communaux d'action sociale, les crèches...) ne relèvent pas de ces blocs législatifs et nécessitent, selon le collectif, un mandatement explicite avec toutes les obligations qui en résultent au regard du droit communautaire. Par ailleurs, le groupe de travail plaide pour recourir à une méthode de « faisceau d'indices », qui seraient présents dans des textes de lois, des règlements, décrets ou délibérations, pour reconnaître la notion de mandat. Trop flou, pour le collectif, qui estime qu'il s'agit moins « de reconstituer le puzzle du caractère d'intérêt général d'un service social, que de rendre ce service public lisible, cohérent et transparent par un «acte officiel» de mandatement d'une autorité publique pilote ».

Limiter les contrôles de compensation

Autre point où il y a désaccord, le contrôle de « juste compensation ». Selon une décision de la Commission européenne de novembre 2005, les opérateurs accomplissant un service public et exerçant une activité économique sont exemptés de notification à la Commission européenne (pour examen de conformité) à certaines conditions. Faire notamment l'objet d'un contrôle régulier visant à vérifier que l'aide fournie n'entraîne pas une « surcompensation ». Face au défaut de contrôles en France de juste compensation, le rapport donne des pistes pour les améliorer. « Or il s'agit de contrôles très complexes à mettre en oeuvre puisqu'il faut s'assurer de la justesse des aides octroyées alors que les opérateurs sont extrêmement nombreux - le collectif en fédère déjà plus de 20 000 - et les co-financeurs peuvent être aussi multiples », explique Laurent Ghekiere. « La question de l'impossibilité matérielle à mettre en oeuvre ces contrôles est donc clairement posée », estime le collectif, qui demande un assouplissement de la décision de la Commission européenne de 2005. Il s'agirait d'obtenir de celle-ci que les opérateurs ne soient plus contrôlés systématiquement, mais seulement en cas de « surcompensation manifeste susceptible d'affecter les échanges intracommunautaires ». Ce qui reviendrait, en quelque sorte, à inverser la charge de la preuve.

Mais au-delà de la mécanique du mandatement et du contrôle de « juste compensation » pour lesquels le collectif espère que l'on parvienne à des solutions satisfaisantes, reste une question majeure : quelle place pour le tiers secteur de l'économie sociale et solidaire dans le système binaire du droit communautaire ? Car celui-ci est partagé entre, d'un côté, les SIEG et leur clause de réserve et, de l'autre, les services « ordinaires » soumis sans réserve aux règles de concurrence. Comment établir cette frontière ? Qu'est-ce qui relève de SIEG dans l'économie sociale et solidaire, qu'est-ce qui relève de services ordinaires ? Ce cadre, explique le collectif, ne laisse finalement au tiers secteur qu'une seule possibilité : se fondre dans ce système binaire et se voir appliquer, lorsqu'il exerce des activités économiques, le droit applicable aux SIEG avec toutes les obligations liées au mandatement. Mais qu'en est-il alors du droit d'initiative des associations, mutuelles ou coopératives ? Pour le collectif, il y a donc un vide dans le droit communautaire, qui doit reconnaître, à côté des SIEG et des services « ordinaires », le tiers secteur en tant que tel. Un enjeu majeur pour l'avenir de l'économie sociale et solidaire.

Notes

(1) Sur l'analyse des enjeux autour de la reconnaissance des SSIG, voir ASH n° 2553 du 11-04-08, p.27.

(2) Dont la FAPIL, la FEHAP, la FHF, la FNARS, la MSA, l'Unccas, l'Uniopss, l'USH.

(3) Il a lancé d'ailleurs une pétition en ce sens sur www.mp4-champsocial.org.

(4) Voir ASH n° 2600 du 13-03-09, p. 15.

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