Les annonces de la garde des Sceaux, le 16 mars dernier, sur le futur « code de la justice pénale des mineurs », n'apaisent pas l'inquiétude des professionnels mobilisés contre les orientations de cette réforme. Même si, dans l'attente de la présentation du texte et de son inscription au calendrier parlementaire, ils restent encore dans l'expectative.
« L'affirmation de principe de priorité de l'éducation sur la répression ne garantit en rien le contenu réel de propositions qui instaurent l'enfermement, la contention et la sanction pénale comme seuls leviers valables pour l'action éducative », estime le SNPES-PJJ (Syndicat national des personnels de l'éducation et du social de la protection judiciaire de la jeunesse)-FSU, pour lequel le futur code pénal des mineurs « constituerait une rupture totale avec les principes fondateurs de l'ordonnance de 1945 ».
Si le ministère a choisi de fixer l'âge de la responsabilité pénale à 13 ans, et non 12 comme l'avait préconisé la « commission Varinard », le projet d'appliquer un « régime civil spécial » sous ce seuil suscite des craintes. Dans ce cas, pour les moins de 13 ans, « seul l'acte serait pris en compte au détriment de la situation globale de l'enfant », s'indigne le SNPES. « Dans cette conception, c'est la notion de protection qui est évacuée car le passage à l'acte n'est plus considéré comme révélateur de danger. » Même avis de Catherine Sultan, présidente de l'AFMJF (Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille), pour qui la porte semble ouverte à une dérive : « Un juge des enfant pourrait ainsi être saisi en assistance éducative au titre d'une infraction pénale, ce qui serait une hérésie juridique ! Cela dénaturerait en outre la mesure, qui passerait d'une mesure de protection à une mesure de contrôle des comportements. »
La clarification du champ des sanctions éducatives, estime-t-elle par ailleurs, ne doit pas se faire au détriment d'outils reconnus comme pertinents. En l'attente de précisions sur les annonces ministérielles, plusieurs interrogations émergent. « Je suis surprise que la réparation pénale n'ait pas été citée parmi les sanctions éducatives retenues. Plus inquiétante encore est la disparition de la mise sous protection judiciaire, seule mesure éducative qui peut aller au-delà de la majorité. » Cette préoccupation est d'autant plus grande que la PJJ se désengage des mesures « jeunes majeurs ». L'association a d'ailleurs saisi de cette question Martin Hirsch, Haut Commissaire à la jeunesse.
Autre sujet sensible : le projet de confier à la PJJ un mandat de placement, en vue d'améliorer l'efficacité de la décision. « Une mauvaise réponse à un vrai constat, le manque de places », considère Catherine Sultan. Le risque, explique-t-elle, serait de désengager les juges de leur pouvoir d'orientation et de leur suivi de la décision, à la faveur de l'administration.
Afin de sensibiliser les décideurs sur les enjeux de la réforme, l'association, qui dénonce le manque de consultation des organisations professionnelles sur ce projet, prévoit d'organiser « une journée portes ouvertes de la justice des mineurs » et de proposer aux parlementaires d'assister à des audiences des juges des enfants.