Avec une quinzaine de comités locaux, l'« Appel des appels » s'organise sur le terrain

«Nous avons été agréablement surpris», explique Roland Gori, psychanalyste, au lendemain de la deuxième journée du collectif de « l'Appel des appels » (1), qui a rassemblé « plus de 1 000 personnes », le 22 mars à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Des professionnels de la psychiatrie, de la culture, des champs social, médico-social, médical, de la recherche, de l'enseignement, étaient venus encore plus nombreux que lors de la première journée le 31 janvier à Paris (2). Depuis cette date, une quinzaine de comités locaux ont vu le jour et certains (Toulouse, Marseille, Bordeaux ou Strasbourg) ont pu témoigner, le 22 mars, de leur état d'avancement. Objectif ? Débattre collectivement et de façon interprofessionnelle des « multiples normes, directives, dispositifs, auxquels les professionnels sont contraints » pour « retrouver les valeurs de nos métiers », explique Roland Gori. Entre-temps aussi, le mouvement s'est doté d'une « charte morale » signée par plus de 73 000 personnes. Ce document souligne « la nécessité de se réapproprier une liberté de parole et de pensée bafouée par une société du mépris », notamment « face à une idéologie oppressive qui promeut le culte de l'argent et la peur de l'autre, [...] face à la souffrance sociale que cette idéologie génère, [...] face au saccage de nos missions et de nos pratiques professionnelles, face à la promotion du prêt-à-penser et de procédures managériales et sécuritaires ».

A Marseille, le comité local a pris en quelques semaines une ampleur considérable : le 12 mars, sa première soirée a rassemblé 1 000 personnes à la Friche-La belle de mai, un lieu culturel prêté pour l'occasion. Magali Miané, éducatrice spécialisée, en explique l'origine : « Au niveau du secteur de la psychiatrie de Marseille, nous nous battions contre la direction qui nous demandait d'entrer les noms des enfants dans un logiciel informatique sous prétexte de réaliser des statistiques. Nous refusions cette pratique et nous ne savions plus comment résister. Nous avons décidé de monter un comité local de l'appel des appels. » Un comité d'organisation de 14 personnes (enseignants, journaliste, chercheurs, psychiatres, magistrats...) s'est constitué pour organiser la soirée du 12 mars. Rythmée par des interventions d'acteurs locaux, celle-ci a connu un vif succès et le mouvement, qui se poursuit sur le blog du comité local, se réunira à nouveau le 17 avril (3). « Cette fois-ci, la rencontre se fera dans un amphithéâtre de l'université sous la forme d'une assemblée plénière qui permettra de faire un état des lieux. Ensuite, par groupes de travail, nous tenterons de construire ensemble la résistance dans les différents champs de l'«Appel des appels». C'est dans la rencontre et l'échange au plan local que nous pourrons résister ensemble », estime Magali Miané.

A Toulouse, le comité Midi-Pyrénées s'est organisé en quatre sous-collectifs (éducation, université, recherche ; art, culture, médias ; soin, santé, justice ; coordination). « L'objectif de ces ateliers est, d'une part, l'organisation de temps d'analyse et, d'autre part, l'organisation de manifestations de solidarité en lien avec les autres comités locaux et le niveau national, les autres mouvements dont l'engagement croiserait le nôtre », explique Marie-Jean Sauret, psychanalyste et professeur de psychologie clinique à l'université de Toulouse-II-le-Mirail (4).

Quant à l'avenir de l'« Appel des appels » à l'échelle nationale, aucune nouvelle journée n'est programmée pour l'instant. Néanmoins, « nous avons décidé de réunir, le 16 mai, les 200 premiers signataires, personnalités morales de l'appel, pour réfléchir à l'articulation des comités locaux », explique Roland Gori. Parmi les débats lancés le 22 mars à Montreuil : faut-il ou non rejoindre un mouvement social ou politique ? Non, répond pour sa part Roland Gori, qui ne veut pas politiser le mouvement, mais « faire reconnaître le caractère politique des pratiques professionnelles ».