Recevoir la newsletter

SIEG/SSIG : la France pointe les difficultés d'application des règles sur les aides d'Etat

Article réservé aux abonnés

Dans son rapport à la Commission européenne sur la mise en oeuvre des règles relatives aux aides d'Etat octroyées aux services d'intérêt économique général, la France relaie le « besoin flagrant » de clarifications exprimé tant par les pouvoirs publics que par les opérateurs destinataires de ces compensations.

Le « cadre juridique [européen] applicable aux financements publics des services d'intérêt économique général (SIEG) constitue un élément de réponse essentiel à la demande récurrente de plusieurs Etats membres, dont la France, en faveur d'une sécurisation du statut des services d'intérêt général en Europe. » Toutefois, des difficultés d'application existent en raison, essentiellement, « du décalage extrêmement important [...] entre les préoccupations des collectivités publiques lorsqu'elles organisent les services publics dans les ressorts de leurs compétence, et la façon dont le droit européen appréhende ces services ». Dans un rapport remis courant mars à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne (1), la France rend ainsi compte de la mise en oeuvre sur le territoire français de la décision de la Commission européenne du 28 novembre 2005, un des trois textes du « paquet Monti-Kroes » qui régit les aides d'Etat aux SIEG et donc aussi celles versées à certains services sociaux d'intérêt général (SSIG) (2). Cet exercice, commun aux 27 Etats membres de l'Union européenne, s'inscrit dans la perspective de l'évaluation de ces normes par la Commission européenne d'ici à la fin 2009.

La décision de la Commission européenne du 28 novembre 2005 prévoit que les Etats membres sont exemptés de l'obligation de notifier à la Commission certaines des aides versées aux SIEG, dans les cas qui permettent de présumer la compatibilité de ces aides avec les règles du marché et de la concurrence. Sont comprises dans le champ de cette exemption de notification les compensations des SIEG versées par les collectivités publiques, quel que soit le secteur d'activité concerné, qui ne dépassent pas 30 millions d'euros pour des entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 100 millions d'euros. Il existe aussi certaines exemptions sectorielles, par exemple pour les hôpitaux et les entreprises de logement social. Au-delà, l'exemption de notification s'applique aussi aux compensations de SIEG octroyées par les pouvoirs publics dans le cadre d'un mandat dont l'objet est d'éviter que la compensation publique n'excède ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public. Des règles que la France applique non sans difficulté au regard notamment de la multiplicité des opérateurs et des différences de logiques et de terminologie entre le droit français et le droit communautaire.

La mise en oeuvre par la France de la décision du 28 novembre 2005

S'agissant par exemple du secteur du logement locatif social - exempté de notification à la Commission européenne -, le rapport explique que ses mécanismes de financement - qu'il détaille - « ont été améliorés afin de répondre à l'ensemble des exigences imposées ». Toutefois, « le système de paramétrage des compensations [...] requiert encore plusieurs ajustements afin de fournir une analyse [préalable] propre à chaque opération », reconnaît le gouvernement français. En outre, « conscient de la nécessité d'organiser des contrôles plus efficaces permettant de prévenir les risques de surcompensation », il a introduit deux dispositions dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (3) : « la mise en place de conventions d'utilité sociale et d'indicateurs permettant d'exercer un contrôle financier plus précis sur les aides » et « l'instauration d'un prélèvement sur les moyens financiers devenus surabondants dégagés par les bailleurs sociaux ayant une activité d'investissement réduite ». Cette seconde mesure a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel. Mais le gouvernement l'a d'ores et déjà réintroduite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009 (voir ce numéro, page 5). Selon le rapport, « ce prélèvement sera de nature à limiter le risque de surcompensation en privant les organismes dont le résultat sert peu aux nouveaux investissements d'une partie de leurs ressources ».

Le rapport aborde aussi les compensations de SIEG inférieures à 30 millions d'euros, une catégorie qui regroupe « des interventions extrêmement diverses, tant dans les missions effectuées que du point de vue de l'échelon d'organisation (missions confiées par l'Etat ou les collectivités locales), des organismes attributaires de ces missions (organismes privés dont, en particulier, les associations, ou établissements publics) et des modalités d'attribution des missions ». Les missions des SIEG ainsi identifiées par le rapport correspondent notamment au champ des politiques sociales. « Sans qu'il soit possible d'en livrer un recensement exhaustif, notamment du fait qu'il revient aux autorités locales de définir précisément les services qu'elles considèrent comme ayant un intérêt économique général dont le coût nécessite d'en assurer la compensation financière, les principales catégories de missions [...] appartiennent notamment aux champs suivants, définis par un cadre législatif et réglementaire » : l'action sociale ainsi que l'emploi, l'insertion, la formation professionnelle et l'apprentissage.

En France, indique le rapport, l'exercice des différentes missions de SIEG par les associations s'effectue principalement dans le cadre de la convention de subvention, obligatoire pour toute subvention supérieure à 23 000 € . La convention, qui peut prendre la forme d'une convention pluriannuelle d'objectifs, d'un contrat d'objectifs et de moyens ou d'un contrat de progrès pluriannuels, définit l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée. Et « différentes étapes d'instruction et de contrôle communes à l'ensemble des ministères sont mises en place tout au long de la procédure d'acceptation d'une demande de subvention, aussi bien au niveau de l'analyse du projet que lors de la constitution du dossier et du versement des fonds accordés », explique le rapport qui détaille ces différentes étapes.

Les pouvoirs publics de l'Etat peuvent également intervenir en compensation de charges de services publics par le biais de subventions accordées à des opérateurs de service public placés sous leur tutelle (établissements publics ou associations). Enfin, « outre les subventions octroyées dans le cadre classique de la convention de subvention, le financement des missions de service d'intérêt général dans le champ social et médico-social peuvent résulter de concours financiers versés dans le cadre d'une habilitation et d'un conventionnement sous forme de prix de journée, de forfait journalier ou d'une dotation globale de financement fixés au niveau national ou local et conforme à un objectif national de dépenses ». Ce système de mandatement par régime d'autorisation et conventionnement facultatif « est un exemple concret d'éclatement des éléments du mandat à travers différents actes de l'autorité publique », relève le rapport qui explique qu'un « exercice de rationalisation des mandats a permis l'intervention de l'outil conventionnel pour sécuriser le dispositif notamment au regard des exigences posées par la décision du 28 novembre 2005 ».

« Des incompréhensions fortes » entre les pouvoirs publics français et les autorités européennes

Les travaux de préparation de ce rapport ont montré, selon le gouvernement français, que les autorités locales, qui organisent le plus souvent les services à destination de la population, ont « le sentiment que, précisément parce que l'activité doit être organisée au moyen d'un financement public, il n'y a pas à proprement parler de « marché », a fortiori si cette activité est à la marge de ce qui peut être considéré comme économique », comme par exemple en matière d'accueil de personnes en difficulté. Elles estiment que, « dans ces conditions, il ne peut y avoir d'impact ni sur la concurrence, faute de concurrents, ni sur le commerce entre Etats membres [...] et que le droit des aides d'Etat ne devrait donc pas trouver matière à s'appliquer ». En outre, la pratique décisionnelle de la Commission, à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, « ne permet pas de trouver de réponse systématique à ces interrogations sur l'application du droit communautaire des aides d'Etat à des mesures purement locales », déplore le rapport. Au final, c'est aux autorités locales organisatrices du service, qui ne sont pas forcément dotées de moyens humains, financiers et d'expertise importants, que revient le soin de déterminer si le droit des aides d'Etat s'applique ou non à leurs actions, « alors même que la Commission ne leur fournit que des lignes directrices très partielles, notamment dans les champs encore relativement vastes où la Cour n'a pas eu l'occasion de se prononcer de façon détaillée ». De plus, « dans l'hypothèse où il ne serait pas possible d'exclure cette qualification, se pose alors la question de la notification et de l'examen de compatibilité, pour lesquels, là encore, une connaissance du droit communautaire est perçue comme une nécessité pour sécuriser les dispositifs ». La France entend donc poursuivre en 2009 des travaux permettant d'améliorer l'appropriation des concepts du droit communautaire des aides d'Etat, malgré les différences de terminologie et d'approche, et d'en préciser l'articulation avec les concepts de droit national telle que la convention de subvention. Elle compte aussi appeler l'attention de la Commission sur la nécessité d'une clarification de la situation des SIEG pour lesquels les compensations reçues ne sont pas susceptibles d'affecter la concurrence ou les échanges entre les Etats membres, « de façon à lever toute ambiguïté sur la question de savoir si ces compensations peuvent être qualifiées d'aides d'Etat ».

Le rapport relève également que les pouvoirs publics s'interrogent fortement sur l'obligation qu'ils auraient de recourir aux procédures de marchés publics pour organiser des missions de services publics « susceptibles d'échapper à coût sûr à la qualification d'aide d'Etat ». La jurisprudence « Altmark » pose en effet des conditions détaillées permettant d'échapper à la qualification d'aides d'Etat, et l'obligation de facto qui en résulterait d'un recours aux procédures de marchés publics. Mais là encore, les règles ne sont pas claires et « souvent source de confusion ». La France entend donc entreprendre en 2009 des travaux destinés à éclairer ces différentes notions et demande à la Commission d'assurer dans ses documents et prises de position futurs une meilleure cohérence entre les différents cadres juridiques en matière d'aide d'Etat et de droit des marchés publics.

Notes

(1) Rapport de la France sur les compensations de services d'intérêt économique général : mise en oeuvre de la décision de la Commission européenne du 28 novembre 2005.

(2) Selon la Commission européenne, les SSIG sont des services d'intérêt général dont la mission vise à répondre aux besoins vitaux de l'Homme (services de santé, d'éducation, d'aide aux personnes vulnérables, d'insertion économique et sociale, d'inclusion sociale, régimes de protection sociale). S'ils relèvent d'activité de nature économique au sens du Traité, ils sont alors qualifiés de SIEG.

(3) Voir ASH n° 2598 du 27-02-09, p. 3.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur