«Heureusement, le rapport débattu au Sénat paraît être celui à partir duquel les choses vont s'organiser. » Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), président (PS) du conseil général des Côtes-d'Armor, voit plutôt d'un bon oeil les conclusions du rapport d'étape de la mission sénatoriale sur la réforme des collectivités territoriales, rendues publiques le 11 mars, et qui envisage de poursuivre ses travaux jusqu'en mai prochain. « Le débat revient là où il aurait toujours dû être », a-t-il ajouté, le 17 mars, devant l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS), réaffirmant l'hostilité de l'ADF aux propositions du « comité Balladur » (1). La mission présidée par le sénateur Claude Belot (UMP) formule 27 préconisations adoptées à l'unanimité par ses membres, sans pour autant avoir encore tranché sur tous les sujets. Elle propose de conforter les départements dans leurs missions de « solidarités sociale et territoriale ». Plus prudente sur la constitution de métropoles, elle préconise dans ce cas le maintien des compétences départementales. Rien à voir avec ce que le président de l'ADF qualifie de « disparition progressive des départements », contenue à ses yeux dans le rapport du « comité Balladur ».
Une vieille idée qui aurait donc peu de chance de voir le jour. D'autant que les départements se voient confier toujours plus de compétences en matière sociale, sans que soient pour autant résolues les questions de la gouvernance ou du financement. La mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA), auquel seront éligibles près de 4 millions de personnes, en incluant les travailleurs pauvres, risquerait d'en être une nouvelle illustration. « Le comité Balladur a peu interrogé le monde économique et les partenaires sociaux, relève Claudy Lebreton. Or, avec le RSA, se pose un problème de gouvernance. On a beau clarifier les compétences, cette question est toujours sur la table. » Estimant que les régions « ne se sont pas complètement investies dans la formation des allocataires du RMI », il souhaiterait notamment leur plus grande implication dans le dispositif. Les futures conventions passées entre l'ADF et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), d'une part, et Pôle emploi, d'autre part, devraient fixer les cadres d'intervention des partenaires, qui seront également négociés au niveau local. « S'il y a co-pilotage, il faut un commandant », a-t-il indiqué en évoquant la volonté de certaines CAF de piloter le dispositif, y compris en matière d'accompagnement. « Les conseils généraux revendiquent d'être pilotes du dispositif. A mon sens, les CAF doivent instruire les dossiers, avec les centres communaux d'action sociale, et les départements se recentrer sur la politique d'accompagnement social. » La logique des « droits et devoirs » des allocataires nécessite en outre de revoir la dimension contractuelle qui prévalait pour les allocataires du RMI. « Si la question des sanctions possibles sera prévue par voie réglementaire, nous souhaitons être prudents sur le sujet et poser les termes du débat avec Pôle emploi », précise Jean-Michel Rapinat, chef du service « développement social » à l'ADF.
Autre point épineux soulevé par le RSA : la compensation des charges financières induites par les compétences confiées aux départements. Si, selon Claudy Lebreton, ces derniers seront prêts à servir le RSA au 1er juin (2), subsistent « aujourd'hui beaucoup d'inquiétudes sur son financement ». Inquiétudes renforcées par la crise économique et l'augmentation du chômage, mais aussi par les arriérés cumulés de l'Etat : 1,8 milliard au titre de la compensation du RMI, 3,5 milliards pour l'allocation personnalisée d'autonomie. A cela, liste encore Claudy Lebreton, sont venues s'ajouter les « dettes de l'Etat » au titre de la protection de l'enfance. Le décret créant le fonds destiné à financer la réforme du 5 mars 2007 n'étant jamais paru, les 30 millions d'euros prévus à cet effet par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 pour la branche famille n'ont jamais été versés.
Dans le cadre du comité de pilotage installé par le gouvernement pour la mise en oeuvre du RSA, l'ADF a réclamé la remise à plat des comptes. D'autant que les départements auront en plus la charge de l'actuelle allocation de parent isolé. « D'où l'on part, combien ça coûte ? Nous demandons des indicateurs précis et des critères d'évaluation », explique Claudy Lebreton. Au-delà, ces questions renvoient à la capacité financière des départements - qui devront tous investir davantage en matière d'accompagnement -, c'est-à-dire à la fiscalité locale et à la péréquation, qui devraient également être abordées dans le cadre de la réforme des collectivités locales.
(2) L'ADF organise, les 28 et 29 avril à Paris, des journées nationales consacrées à la mise en oeuvre du RSA et à la refonte des politiques d'insertion.