Explorations sonores

Voici deux objets sonores non identifiés. D'abord On a (bien) le temps ! Sur la pochette, elles sont quatre, assises sagement. Mais Eliane Bossé (77 ans), Marie Doublot (95 ans), Denise Ebel (86 ans) et Saturnine Hannon (85 ans) dissimulent leur malice derrière un masque ! Voix déformées, textes répétés en écho, ambiance hors norme, instrumentation minimaliste... leur CD réunit 11 « chansons » bâties sur des textes d'Arthur Rimbaud, de Jean Dubuffet ou de Tadeus Kantor, et interprétées sur des musiques de Piazzolla ou de Gorecki. Depuis plusieurs années, le Téatr'Eprouvète mène une série d'actions visant à modifier le regard porté sur la vieillesse. Avec d'abord le service d'artistes à domicile pour personnes âgées isolées, puis une série de huit films étonnants sous le titre Les 80 ans de ma mère. Ce CD expérimental résulte de deux ans de rencontres et de travail acharné en studio d'enregistrement. Au-delà du labeur, le disque est synonyme de deux ans de « bon temps », comme le dit l'une des membres du groupe. « La créativité chez l'humain, cela ne vieillit pas, souligne Jean Bojko, qui dirige l'atelier du Téatr'Eprouvète. Cet enregistrement collectif est né semaine après semaine, sans précipitation, avec dans la tête l'idée qu'«on a bien le temps». Le temps d'exister. »

Le second disque relève d'une toute autre aventure : celle d'une quinzaine de professionnels du travail social de Seine-Saint-Denis qui ont collaboré à l'atelier d'écriture du Clicoss 93 (1). « Les participants y développent une nouvelle façon d'écrire, loin des signalements et autres rapports. Par des jeux d'écriture, ils dévoilent ce qu'ils sont et ce qu'ils font », explique Christine Garcette, responsable du Clicoss 93. Ils confient leurs difficultés, leurs colères, mais aussi leurs joies et moments de tendresse. Tout en soulevant des questions graves : les expulsions, la maltraitance, la mort, etc. Pour mettre en voix et en musique cette production multiple, l'atelier d'écriture a fait appel au collectif ESORS (Et si on réenchantait le social), qui réunit comédiens et travailleurs sociaux. Les artistes ont créé une mise en scène sonore autour de ces écrits, en toute liberté, avec pour seule consigne de transformer le social en un conte. « Les contes du social n'existaient pas, les voici enfin. Si le social m'était conté permet de parler du travail social d'une autre façon et de changer, peu à peu, l'image de nos métiers », se réjouit Christine Garcette.