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15 propositions pour sécuriser les services sociaux d'intérêt général

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Dans son rapport qui vient d'être rendu public, l'inspecteur général des affaires sociales Michel Thierry formule une série de recommandations afin de mieux tenir compte des spécificités des services économiques d'intérêt général - et plus particulièrement des SSIG - dans la future transposition de la directive « services » et l'application des règles européennes sur l'octroi des aides d'Etat.

Le 31 juillet dernier, dans la perspective de la transposition en droit français de la directive « services » (1) qui doit intervenir avant la fin 2009, le gouvernement chargeait Michel Thierry, inspecteur général des affaires sociales (IGAS), d'animer un groupe de travail interministériel sur la sécurisation juridique des services d'intérêt économique général (SIEG), et plus particulièrement des services sociaux d'intérêt général (SSIG). Une sécurisation attendue à un double niveau : celui de la notion de « mandatement » qui, dans la directive « services », conditionne l'exclusion des SSIG du champ de cette dernière et donc des règles de la concurrence ; et celui du financement des opérateurs sociaux par des aides d'Etat qui répondent à des règles très rigoureuses où la notion de mandatement intervient également mais ne recouvre pas nécessairement la même chose. Dans son rapport récemment rendu public (2), Michel Thierry formule donc 15 propositions qui doivent permettre de mieux prendre en compte les spécificités des SIEG et des SSIG, à la fois dans la transposition de la directive « services » et dans l'application du droit communautaire des aides d'Etat (3).

Clarifier le champ des exceptions à la directive « services »

Le rapport s'attache, en premier lieu, à clarifier les exceptions à l'application de la directive « services ». Selon son article 2.2 j, la directive ne s'applique pas aux « services sociaux relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin, qui sont assurés par l'Etat, par des prestataires mandatés par l'Etat ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'Etat ». « La combinaison de critères fonctionnels (domaines d'activité) et de critères touchant au statut des opérateurs (opérateurs mandatés) n'est pas aisée », relève Michel Thierry. D'autant que, en droit européen, le mandat suppose une obligation de rendre le service prévu alors que les opérateurs français sont plutôt autorisés ou agréés pour exercer des missions de service public. Pour mettre en oeuvre cette « improbable articulation », il convient donc, selon l'inspecteur général, de retenir « l'approche par blocs législatifs » qui aboutirait à identifier les exceptions suivantes :

les régimes d'encadrement résultant des lois sur le logement des plus démunis et l'habitat social (loi « Besson », loi de cohésion sociale, loi sur la solidarité et le renouvellement urbains...) ;

la loi du 2 janvier 2002 qui régit les institutions sociales et médico-sociales. Celles-ci doivent faire l'objet d'une autorisation qui, bien plus qu'une simple autorisation de fonctionner, est liée à une obligation de faire. En revanche, l'agrément qualité dont peuvent bénéficier certaines de ces structures ne vise pas les personnes en difficulté et ne participe pas d'une logique de mandat ;

les textes encadrant la protection judiciaire de la jeunesse.

En revanche, selon le rapport, les services d'accueil de la petite enfance ne s'inscrivent pas de manière cohérente dans le champ de l'article 2.2j de la directive « services ». Pour eux, le dispositif central en matière d'autorisation est l'agrément fondé sur le respect de normes de sécurité et de qualité : il n'est donc pas lié à une délégation de missions d'intérêt général et ne constitue qu'une simple autorisation d'ouverture. « Cet exemple illustre les difficultés d'articulation des critères posés dans l'article 2.2j dès lors que les opérateurs d'un champ mentionné dans l'article n'ont pas vocation à être mandatés », relève Michel Thierry.

La mission menée par l'IGAS s'est par ailleurs demandé quel contenu donner en France à la notion d'« association caritative reconnue » introduite dans l'article 2.2j de la directive « services ». Selon elle, « il ne semble pas opportun de créer un régime spécifique de l'association caritative reconnue, avec nouvelle procédure particulière de reconnaissance, [...] au moment où la directive «services» [oblige la France] à un réexamen des procédures d'agréments existantes ». Cependant, nuance-t-elle, une reconnaissance légale, s'appuyant sur des instruments existants (4), du rôle joué par les associations de solidarité dans le maintien de la cohésion sociale « aurait incontestablement du sens » et permettrait « une meilleure prise en considération du «tiers secteur», au-delà d'une vision binaire polarisée sur l'Etat régalien et le marché ».

Veiller à une mise en oeuvre pragmatique de la notion de mandat

Etre exclu de la directive « services » n'entraîne aucune dérogation par rapport à l'application des règles relatives aux aides d'Etat, rappelle Michel Thierry. Pourtant, cette « idée fausse » est assez répandue - comme beaucoup d'autres - et montre « le défaut d'information et de sensibilisation des collectivités territoriales et des opérateurs, en dépit d'une prise de conscience qui s'amorce depuis quelques mois », note l'IGAS. Il est donc pour lui « urgent de disposer d'un cadre de références concret et adapté au contexte français ». Cela pourrait passer par une directive interministérielle ou une circulaire du Premier ministre qui expliciterait le « corps de règles complexes et parfois ambiguës » relatives aux aides d'Etat, règles réunies au sein du « paquet Monti/Kroes ».

Selon ce dernier, les aides publiques sont présumées compatibles avec les normes européennes en matière de concurrence lorsqu'elles s'inscrivent dans un mandat d'intérêt général, c'est-à-dire lorsqu'il existe : une délégation de missions d'intérêt général et un mandat individuel chargeant l'opérateur de l'exécution d'obligations de service public ; une définition préalable et objective des critères de calcul de la compensation, qui doit être proportionnée aux contraintes de service public ; des mécanismes de prévention des « surcompensations » et de reversement à l'Etat ou à l'autorité compétente en cas de surcompensation avérée. Pour Michel Thierry, « la notion de mandat d'intérêt général ou de mandatement est, de fait, un concept souple [...] permettant la délégation de missions d'intérêt général dans des conditions pragmatiques, renvoyant largement au principe de subsidiarité (5) en ce qui concerne les formes de délégation, ses modalités de financement (sous réserve de leur définition préalable et objective) et de contrôle ». En France, la notion de mandat d'intérêt général peut ainsi s'appliquer, selon le rapport, à de nombreux pans de l'action publique : les organismes de logement social et les établissements et services sociaux et médico-sociaux, bien sûr, mais aussi, par exemple, les opérateurs sociaux ou d'intérêt général en matière d'accueil de la petite enfance ou d'accueil périscolaire des enfants, les centres sociaux conventionnés avec les caisses d'allocations familiales, les opérateurs nationaux et délégués du service public de l'emploi (pôles emploi, missions locales, Cap emploi, structures d'insertion par l'activité économique...).

Les membres du groupe de travail se sont posé la question de savoir s'il fallait introduire dans le droit français, par exemple dans le cadre de la transposition de la directive « services », la notion de mandat. Mais selon eux, les inconvénients risquent de l'emporter sur les avantages : « une rédaction trop floue renforcerait les facteurs d'aléas juridiques, une rédaction trop précise figerait une situation qui doit rester évolutive et pourrait créer des blocages sur des points imprévus ou sous-évalués à l'origine ». C'est pourquoi, au texte législatif, ils préfèrent une directive/circulaire qui fixerait la doctrine de l'action publique en matière de SIEG, les éléments pouvant constituer un mandat, les plages de souplesse mais aussi les points d'exigence de la réglementation européenne, des règles d'harmonisation de la terminologie, et déterminerait les grandes orientations de contrôle pour prévenir les surcompensations.

Mieux contrôler les compensations de service public

La France dispose de nombreux systèmes de contrôle permettant de prendre en compte la problématique des aides d'Etat. Mais ces contrôles, qu'ils soient de nature administrative, financière, comptable, juridictionnelle ou politique, doivent, selon le groupe de travail, « intégrer de façon plus précise la prévention des surcompensations ». Il estime également que certaines difficultés particulières mériteraient d'être prises en compte, notamment l'existence de secteurs où la formule de compensation est donnée par quelques paramètres nationaux. Ce qui est le cas, par exemple, des structures d'aide à domicile financées par l'action sociale des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), pour lesquelles est fixé un forfait horaire national. Si, explique le rapport, la Commission européenne accepte cette situation (renvoi total au principe de subsidiarité dans le choix des paramètres), il peut en aller différemment pour une juridiction qui, dans le cadre d'un contentieux engagé par un concurrent, examinera l'affaire en cause en prenant en considération les circonstances du marché local. « D'où l'intérêt pour une association d'aide à domicile conventionnée avec une CRAM de respecter strictement les normes de personnel et les références aux conventions collectives qui déterminent le forfait national. »

Pour améliorer le contrôle des compensations de service public, le rapport préconise notamment de réunir périodiquement, au niveau national, un groupe technique de coordination chargé de définir des cibles de contrôle et des objectifs prioritaires partagés en la matière. Il propose également d'identifier un « pilote » des contrôles chaque fois qu'un opérateur mandaté perçoit des financements multiples.

Au final, la mission dirigée par Michel Thierry estime que « la théorie du mandat, de la compensation et de la prévention de la surcompensation se révèle probablement disproportionnée pour traiter de situations de services d'intérêt général (en particulier, mais pas seulement, dans le domaine social), où les risques de fausser la concurrence semblent extrêmement faibles, pour ne pas dire nuls ». Et suggère donc, pour les Etats qui le souhaitent, de déterminer les activités qui seraient présumées ne pas porter atteinte aux échanges intracommunautaires à partir d'un faisceau d'indices tels que, par exemple, l'importance de l'aide d'Etat octroyée, la situation géographique mal desservie, une activité sociale peu ou non profitable.

Notes

(1) Directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

(2) Rapport disp. sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(3) C'est-à-dire toutes les aides publiques (Etat et collectivités) versées au titre de compensations de service public.

(4) Notamment la reconnaissance d'utilité publique.

(5) Principe en vertu duquel la Communauté européenne intervient seulement si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres.

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