LIVRE

ENTRE ICI ET LÀ-BAS « Ma très chère soeur, Qu'il est difficile d'être si loin ! Je ne suis pas ici par nécessité ni pour fuir quelque chose ou quelqu'un. Je suis ici de ma propre volonté et je peux revenir en Espagne quand je veux. Depuis que j'ai émigré, j'ai compris beaucoup de choses, et entre autres ma situation de privilégiée. Ça m'angoisse de penser au nombre de gens qui ne peuvent pas dire la même chose, pour qui le voyage est une odyssée, l'exil un calvaire. » Comme Paloma, l'Espagnole, à l'initiative du projet, 23 personnes ayant vécu l'exil adressent une lettre à un intime dans l'ouvrage (Partir...). Elles montrent, dans toutes les langues et tous les alphabets, comment elles tentent, bon an mal an, de concilier leur double culture, celle qu'elles ont emportée depuis leur pays d'origine et celle qu'elles se construisent aujourd'hui dans la région rennaise. La correspondance, manuscrite, aborde la question de l'éloignement, du déracinement : Assane, le Sénégalais, a choisi d'écrire « aux décideurs, autorités du Sénégal », Lidia, la Dominicaine, prend sa plume pour confier à ses frères qu'elle est nostalgique de sa République, tandis qu'Hassan, le Marocain, adresse sa missive à son père reparti vivre au pays. « Je n'écrirai jamais de poèmes en langue française mais je peux discuter avec les gens autour de moi et partager avec eux ma vie. Même si nous n'avons pas les mêmes traditions, le même sens de l'humour ni la même mentalité, au fond, nous partageons les mêmes joies et les mêmes soucis », écrit Natalia, la Tchèque, à sa défunte grand-mère. Chaque texte est accompagné d'un portrait photographique de son auteur. Ce recueil très émouvant, né de nombreuses rencontres de Paloma Fernández Sobrino et du photographe Bertrand Cousseau avec la population immigrée locale, est le premier d'une série d'ouvrages sur le quotidien des étrangers vivant en Bretagne, que compte éditer l'association L'âge de la Tortue.