A force de victoires gagnées sur les années, le XXe siècle s'est-il cru immunisé contre la mort ? En tout cas, il s'est insuffisamment préoccupé des spécificités du vieillissement psychologique des sujets et, partant, des meilleures conditions de leur accompagnement dans la dernière période de leur existence, estime Dominique Le Doujet, psychologue clinicien. En calquant sa vision du déclin cognitif des personnes vieillissantes sur celle de leur dégénérescence organique, la gérontologie a versé dans un « imaginaire pessimiste ». Aborder aux rives du troisième âge puis, les gains de longévité aidant, à celles du quatrième, serait inéluctablement un naufrage - celui de la sénilité, voire de la démence sénile. Pour essayer de retarder l'échéance de cette déchéance, les « ateliers mémoire », initiés dans les années 1970, ont parié sur la gymnastique du cerveau. Indépendamment d'un éventuel effet d'entraînement intellectuel des participants, ces séances d'exercices ont vite montré leur indéniable intérêt en termes de dynamique de groupe et de convivialité, note l'auteur. Sur le fond, néanmoins, cette conception de la vieillesse « sur le modèle de la répétition indéfinie de l'enfance, c'est-à-dire d'une sorte de continuation de soi-même », pose question, souligne-t-il. Convient-il de se muscler perpétuellement les neurones pour un nouvel âge ou d'ouvrir les yeux sur la fin du voyage afin de développer des projets adaptés à cette phase de la vie ?
Naissance de la gérontologie psychologique - Dominique Le Doujet - Ed. Presses de l'EHESP - 23 €