«Nous sortirons de la crise [...] en misant tout sur l'investissement, sur la réforme, sur le travail, pas en embauchant davantage de fonctionnaires ou en rétablissant l'autorisation administrative de licenciement », a insisté le président de la République à la télévision, à l'issue d'un « sommet social » avec les partenaires sociaux, le 18 février. « Nous ne nous en sortirons pas non plus en augmentant massivement le SMIC », a-t-il ajouté, confirmant le cap qu'il a fixé au gouvernement depuis le début de la crise. Mais dans la continuité de son intervention radiotélévisée du 5 février (1), Nicolas Sarkozy a aussi annoncé une batterie de mesures sociales et fiscales pour soutenir les catégories de la population le plus durement touchées, mesures qu'il a chiffrées à 2,6 milliards d'euros. Une enveloppe bien supérieure à la somme de 1,4 milliard évoquée le 5 février, mais encore insuffisante pour les syndicats, qui sont bien décidés à « maintenir la pression ». Jugeant les mesures annoncées par le président de la République « trop parcellaires pour modifier le cap économique de la politique gouvernementale », les organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires et UNSA ont confirmé, le 23 février, la journée de mobilisation interprofessionnelle du 19 mars, précisant qu'elle « donnera lieu à des grèves et des manifestations dans tout le pays » (voir aussi les réactions associatives, ce numéro, page 25).
Le chef de l'Etat a encouragé les branches professionnelles et les entreprises à porter, par des conventions ad hoc avec l'Etat, l'indemnisation du chômage partiel à 75 % du salaire brut - contre 60 % en application d'un accord trouvé avant Noël entre syndicats et patronat (2). Le gouvernement va engager des discussions avec l'Unedic pour répartir ce surcoût entre l'entreprise, l'Etat et l'assurance chômage. Ce relèvement de l'indemnisation du chômage partiel pourrait être applicable « dès le mois d'avril », après la négociation d'accords de branche, selon la ministre de l'Emploi, Christine Lagarde. Par ailleurs, la formation professionnelle sera mobilisée pour prévenir ou accompagner l'activité partielle. Et les banques seront invitées à moduler les échéances des emprunts immobiliers pour les salariés au chômage partiel.
Nicolas Sarkozy a également annoncé que, pour les 12 prochains mois, une prime exceptionnelle de 500 € sera versée - en une seule fois - aux salariés qui deviendront demandeurs d'emploi à compter du 1er avril - ou du 1er mai, en fonction de la date d'entrée en vigueur de la convention d'assurance chômage (3) - et qui n'auront travaillé que deux à quatre mois sur les 28 derniers mois, soit pas assez pour être indemnisés par l'assurance chômage. Coût de cette mesure, qui devrait bénéficier à 234 000 personnes : environ 117 millions d'euros.
Premiers concernés par cette prime forfaitaire, les jeunes font l'objet de plusieurs propositions présidentielles. Sont ainsi prévus :
des efforts ciblés de formation sur ceux dépourvus de qualification, par la mobilisation du futur Fonds de sécurisation des parcours professionnels créé par l'accord « formation » du 7 janvier 2009 (4)et par une refonte des dispositifs d'orientation ;
un développement des formules en alternance qui associent emploi et formation, en particulier le contrat de professionnalisation ;
un renforcement du suivi des jeunes, par une offre de services spécifiques de Pôle emploi à leur intention et une mobilisation accrue des missions locales.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy envisage de demander aux entreprises qui bénéficient des crédits du plan de relance de s'engager à former et à recruter des jeunes.
Le Haut Commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch, et le secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, Laurent Wauquiez, mèneront ces chantiers. Au-delà, l'ancien président d'Emmaüs-France doit installer rapidement la commission de concertation chargée de plancher sur l'autonomie des jeunes, dont les propositions seront remises « à l'été » au chef de l'Etat (5), confirme l'Elysée.
Des « mesures de justice » en faveur des plus modestes au sein de la classe moyenne ont également été annoncées par Nicolas Sarkozy.
A titre exceptionnel, les deux acomptes restant à acquitter - autrement dit, les deux derniers tiers provisionnels - au titre de l'impôt sur les revenus de l'année 2008 - seront supprimés pour les foyers fiscaux imposables dans la première tranche d'imposition (soit un revenu fiscal compris entre 5 852 € et 11 673 € par part de quotient familial). En pratique, explique l'Elysée, ces ménages bénéficieront « d'un allégement égal aux deux tiers de l'impôt calculé avant prise en compte des charges ouvrant droit à un crédit ou à une réduction d'impôt ». Ce qui devrait se traduire par un « avantage moyen par foyer de 200 € (de 95 à 460 € selon la composition de la famille) ». Plus de quatre millions de ménages devraient bénéficier de cette mesure. Un dispositif de crédit d'impôt sera également prévu pour éviter tout effet de seuil pour les ménages dont les revenus dépassent « légèrement » les limites de la première tranche d'imposition. Ce qui devrait permettre de réduire l'impôt de deux millions de ménages supplémentaires. Cette mesure fiscale - dont le coût atteindrait 1,1 milliard d'euros pour l'Etat - sera financée par les intérêts des prêts et avances consentis aux banques.
Par ailleurs, une prime exceptionnelle de 150 € sera versée en juin aux trois millions de familles modestes bénéficiant aujourd'hui de l'allocation de rentrée scolaire. Elle sera donc réservée aux familles dont les enfants scolarisés sont âgés de 6 à 18 ans et dont les revenus nets catégoriels 2007 ne dépassent pas un plafond fixé à : 22 321 € pour un enfant ; 27 472 € pour deux enfants ; 32 623 € pour trois enfants ; 37 774 € pour quatre enfants ; + 5 151 € par enfant supplémentaire. Coût de cette mesure, financée par la caisse nationale des allocations familiales : 450 millions d'euros en 2009.
Des bons d'achat de services à la personne, entièrement financés par l'Etat, d'un montant équivalent à 200 € par foyer, seront en outre attribués, avant la fin du premier semestre 2009, à des ménages ciblés :
les 660 000 ménages bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile ;
les 470 000 bénéficiaires du complément de libre choix du mode de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant dont les revenus nets catégoriels de l'année 2007 ne dépassent pas 43 363 € pour un enfant, 49 926 € pour deux enfants et 57 801 € pour trois enfants (+ 7 875 € par enfant supplémentaire) ;
les 140 000 foyers ayant un enfant handicapé et bénéficiant, à ce titre, de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou de la prestation de compensation du handicap ;
les demandeurs d'emploi en formation ou reprenant un emploi qui ont besoin de solutions temporaires pour faire garder leurs enfants. Le bon d'achat sera alors accordé par Pôle emploi, qui disposera d'une enveloppe spécifique de 50 millions d'euros en 2009.
Coût global de cette mesure, qui sera financée par les intérêts des prêts et avances consentis aux banques : 300 millions d'euros.
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, les aides publiques directes - Etat, collectivités territoriales, Union européenne - feront désormais l'objet d'une information et d'une consultation obligatoires du comité d'entreprise dès leur attribution. Cette disposition sera « adoptée par décret [...] d'ici la fin du mois de mars », précise l'Elysée.
Nicolas Sarkozy a par ailleurs demandé que, lorsqu'une entreprise met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi d'ampleur ou recourt massivement au chômage partiel, ses dirigeants mandataires sociaux renoncent à la part variable de leur rémunération, autrement dit à leur « bonus ».
En outre, le président de la République va confier à Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, une mission d'analyse et de concertation de deux mois, qui associera les partenaires sociaux, sur le partage de la valeur ajoutée en France, aussi bien dans le secteur privé que dans les entreprises publiques. Il a demandé aux syndicats et au patronat d'engager, sur ces bases, des discussions sur ce thème, ainsi que sur le partage du profit. Sinon « l'Etat prendra ses responsabilités », a-t-il prévenu.
Un comité d'évaluation et de suivi de la crise et des politiques économiques et sociales qui sont mises en oeuvre pour lutter contre celle-ci sera créé avec les partenaires sociaux. Le chef de l'Etat en présidera la première réunion.
Egalement actée, la création pour deux ans (2009-2010) d'un « fonds d'investissement social » qui pourrait être doté de 2,5 à 3 milliards d'euros, l'Etat étant « prêt à en prendre en charge la moitié ». Animé par une cellule de veille composée des ministres concernés et des partenaires sociaux, ce fonds doit permettre de coordonner les efforts en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle en consolidant différentes sources de financement de l'Etat et des partenaires sociaux, chacun conservant la responsabilité pleine et entière de ses financements.
Par ailleurs, Eric Woerth et André Santini, ministre et secrétaire d'Etat chargés de la fonction publique, ont commencé, le 23 février, à rencontrer les syndicats de fonctionnaires - qui réclament un gel des suppressions d'emplois prévues en 2009 et une hausse significative du pouvoir d'achat. Ils les recevront en réunion plénière le 3 mars prochain.