Dans un avis adopté le 16 février (1), le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) se félicite de la qualité du travail accompli pour l'élaboration des projets de décrets d'application du revenu de solidarité active (RSA) (2). Ces textes « précisent certains points de la loi [du 1er décembre 2008], notamment en ce qui concerne la possibilité de cumuler le RSA « socle » avec un revenu de travail pendant les trois premiers mois, procédant ainsi à un alignement par le haut des conditions d'attribution ou de maintien des allocations auxquelles le RSA va se substituer », explique l'instance. Le conseil exprime « toutefois [...] son inquiétude sur trois points » - la procédure de sanction, le recouvrement des indus et l'accompagnement vers l'emploi -, points « sur lesquels il entend exercer sa vigilance et souhaite qu'un suivi technique de la mise en oeuvre lui soit régulièrement communiqué ».
Le versement de la prestation pouvant être suspendu, et une personne radiée de la liste des bénéficiaires du RSA, il est « important que le pouvoir de sanction conféré aux présidents des conseils généraux soit encadré réglementairement de manière précise, et que tous les détails de la procédure de sanction et de recours soient clairement définis par les décrets », estime le CNLE. Il demande donc notamment que :
l'initiative et la procédure de vérification des déclarations des bénéficiaires soient précisées par voie de circulaire ;
les cas de radiation et de suspension soient précisés au niveau national, afin d'éviter les disparités entre départements ;
le droit de l'allocataire à se faire accompagner devant l'équipe pluridisciplinaire, notamment par le référent chargé du suivi de son dossier ou par une personne de son choix, soit précisé ;
le président du conseil général informe l'équipe pluridisciplinaire de la sanction envisagée et en attende la réponse ;
le délai de réponse de l'équipe pluridisciplinaire soit allongé et qu'il soit spécifié qu'elle ne peut arrêter sa décision sans avoir entendu la personne incriminée.
Par ailleurs, le CNLE juge « choquante » la mise en place par les projets de texte d'une procédure de recouvrement d'indus dans le cas où l'allocataire n'en est pas responsable. Et considère qu'il incombe au gestionnaire du RSA d'assumer dans ce cas la responsabilité du versement de ces indus. « Dans la grande majorité des cas, les indus ne sont pas liés à une fraude mais à l'incapacité (compréhensible) de l'administration de répercuter, dans des délais parfois très brefs, des variations de la situation de l'allocataire sur l'attribution d'une prestation. Les allocataires ne sont généralement pas en mesure de détecter eux-mêmes l'anomalie de calcul. Par ailleurs, on peut se douter que des personnes ayant un niveau de revenus si faible aient dépensé légitimement cet indu lorsqu'il a été perçu. Si le principe de la récupération d'indus est juridiquement compréhensible, il est ici socialement inadmissible. » Compte tenu de la situation des personnes concernées, le CNLE plaide donc pour l'abandon du principe de récupération, ainsi que de celui de la fongibilité des indus pour les personnes attributaires du RSA (3).
Le conseil demande également que les critères et les modalités d'orientation retenus par les projets de décrets « garantissent à tous les allocataires du RSA qui le souhaitent de bénéficier d'un accompagnement vers l'emploi » ou, le cas échéant, vers un réseau d'appui à la création d'entreprise. En outre, poursuit-il, « les devoirs du bénéficiaire du RSA devraient être adaptés à la situation de ceux qui ont créé ou repris une entreprise et exercent déjà une activité indépendante : la satisfaction de l'obligation devrait pouvoir être appréciée, dans leur cas, à travers l'accomplissement des démarches effectuées pour développer leur activité ». Concernant l'aide personnalisée au retour à l'emploi prévue par la loi du 1er décembre 2008, le CNLE souhaite qu'elle puisse « être combinée et coordonnée avec les autres dispositifs d'aide et d'accompagnement vers l'emploi ou avec les dispositifs en faveur des chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise ».
Le CNLE formule par ailleurs plusieurs autres recommandations. Il demande notamment que les droits au revenu de solidarité active pour les personnes incarcérées soient alignés sur ceux accordés aux personnes hospitalisées (soit un maintien des droits pendant deux mois, puis une réduction du RSA de 50 %). Et s'interroge, d'ailleurs, sur la pertinence d'une réduction des droits pour les personnes hospitalisées.
Pour l'instance, une circulaire devrait en outre venir préciser « que le fait de traiter ses problèmes de santé est bien, le cas échéant, une « démarche nécessaire à une meilleure insertion sociale ou professionnelle », et qu'elle ouvre donc droit à l'allocation ou en permet le maintien ».
Le conseil juge également nécessaire de clarifier ou de développer certains points, tels que la clause des droits et devoirs quand les allocataires se retrouvent en longue maladie ou en maladie invalidante. Il souhaite aussi que la place et le rôle du référent unique dans les dispositifs d'accompagnement soient clairement spécifiés, conformément aux conclusions du Grenelle de l'insertion (4) qui affichaient qu'un référent unique serait désigné pour chaque personne et assurerait la coordination des modalités de suivi socioprofessionnel avec les autres acteurs désignés.
Enfin, le CNLE souligne « le besoin fort de moyens financiers de l'Etat dédiés à l'accompagnement. En effet, Pôle emploi n'a pas aujourd'hui les moyens d'accompagner les personnes éloignées de l'emploi. Faute de tels crédits, la réforme risque d'échouer pour ces personnes », prévient-il.
(1) Disp. sur
(3) Le principe de fongibilité permet de récupérer les indus d'une prestation sur les versements d'une autre prestation.