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La loi « Boutin » sur le logement et la lutte contre les exclusions adoptée par le Parlement

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Au terme de cinq mois de marathon parlementaire, députés et sénateurs ont, le 19 février, donné leur feu vert à la « loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions » portée par Christine Boutin. Le texte aura été considérablement enrichi au fil des débats, en particulier lors de son passage devant l'Assemblée nationale. Tour d'horizon des principales dispositions, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel saisi par l'opposition.

Le gouvernement avait pourtant déclaré l'urgence sur le texte lors de son dépôt au Parlement en juillet dernier. Christine Boutin aura dû attendre sept mois pour voir sa loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions définitivement adoptée le 19 février. Pour mémoire, c'est le Sénat qui, le premier, lui avait donné son feu vert, en première lecture au mois d'octobre. Le projet de loi avait ensuite souffert des aléas d'un calendrier parlementaire surchargé et vu son examen à l'Assemblée nationale reporté plusieurs fois. Au Palais Bourbon, il aura encore fallu une soixantaine d'heures de débats et l'examen de plus de 1 000 amendements pour aboutir à un premier vote.

Au final, le texte aura été grandement enrichi au fil de son parcours parlementaire, passant de 27 articles dans sa version initiale à 124. Pour autant, la modification la plus spectaculaire est une disparition : celle de l'assouplissement de l'obligation actuellement faite aux communes de plus de 3 500 habitants de parvenir à un seuil minimum de 20 % de logements sociaux. Le gouvernement renonçant finalement à cette mesure devant la tempête qu'elle avait provoquée. Pour le reste, les grandes lignes du texte n'ont pas été bouleversées. La loi poursuit ainsi « trois objectifs majeurs », a rappelé la ministre du Logement dans l'hémicycle : « soutenir l'activité de la construction, permettre aux classes moyennes d'accéder à la propriété et favoriser la mobilité dans le parc HLM ». Au menu également : des mesures relatives à la prise en charge des personnes sans abri, au droit au logement opposable (DALO) ou encore à la lutte contre l'habitat indigne. Malgré les nombreux aménagements opérés sous l'impulsion des parlementaires, notamment dans le volet consacré à la lutte contre les exclusions, le texte reste largement critiqué par les associations de solidarité... mais aussi par les parlementaires de l'opposition, qui ont porté la loi devant le Conseil constitutionnel.

Le monde HLM en première ligne

Le texte prévoit le renforcement de l'engagement des organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et du 1 % logement dans la mise en oeuvre de la politique du logement. Il instaure notamment un prélèvement sur les moyens financiers des bailleurs sociaux ayant une activité d'investissement réduite au profit des bailleurs qui ont des besoins importants.

Une démarche contractuelle, fondée sur une logique de performance, va par ailleurs voir le jour avec chaque organisme HLM. Concrètement, tous les bailleurs sociaux devront, avant le 31 décembre 2010 et sous peine de sanctions financières, conclure avec l'Etat une « convention d'utilité sociale » comportant des indicateurs permettant de mesurer si leurs objectifs ont été atteints. Nouveauté introduite par les députés, cette convention prévoira également un « dispositif de modulation du supplément de loyer de solidarité » selon des seuils et des modalités définis par décret, ce qui permettra aux bailleurs d'adapter le niveau de surloyer aux réalités locales.

Autre grand chapitre de la loi consacré au fonctionnement du monde HLM : celui relatif à la mobilité dans le parc social que le gouvernement souhaite « améliorer » notamment en obligeant les locataires en état de sous-occupation des lieux (1) à accepter un logement plus petit. Un logement au loyer nécessairement inférieur à celui d'origine, précise toutefois la loi. A partir du moment où le locataire refusera trois offres de relogement, il pourra se voir notifier un congé et disposera, pour quitter les lieux, d'un préavis de six mois. Echappent toutefois à ces nouvelles obligations les personnes âgées de 65 ans, les personnes handicapées ou ayant à leur charge une personne handicapée, ainsi que - selon des modalités qui seront définies par décret - les locataires « présentant une perte d'autonomie physique ou psychique », ou ayant à leur charge une personne dans cette situation. Une règle similaire est instaurée pour les locataires occupant des logements sociaux situés dans des zones « tendues » (2) et dont les revenus sont, pendant deux années consécutives au moins, deux fois supérieurs aux plafonds de ressources. Ces personnes perdront ainsi leur droit au maintien dans les lieux à l'issue d'un délai de trois ans. Echappent toutefois à ces obligations les locataires âgés de 65 ans, ceux présentant un handicap ou ayant à leur charge une personne handicapée ainsi que, sous certaines conditions, ceux qui occupent un logement acquis ou géré par un organisme d'HLM depuis moins de dix ans au 1er janvier 2009 ou depuis cette date.

La loi oblige par ailleurs les bailleurs sociaux à procéder, avec tout locataire assujetti au supplément de loyer de solidarité ou dont le logement est sous-occupé, à un examen de sa situation et des possibilités d'évolution de son parcours résidentiel. Parallèlement, elle abaisse de 10,3 % les plafonds de ressources pour l'attribution de logements locatifs sociaux, l'idée étant de réduire la proportion de ménages y ayant droit. Une mesure qui ne s'appliquera qu'aux nouveaux entrants, « à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication » du texte.

A signaler encore : l'introduction de règles plus souples quant aux conditions de ressources pour l'attribution d'un logement social pour les personnes en instance de divorce ou de rupture d'un pacte civil de solidarité ainsi que pour les victimes de violences conjugales ; l'allongement de la liste des structures auxquelles des organismes d'HLM peuvent louer des logements meublés ou non ; l'autorisation donnée aux organismes d'HLM de louer temporairement, pour une durée maximale de un an renouvelable, des logements meublés ou non meublés à un ou plusieurs étudiants, aux personnes de moins de 30 ans ou aux personnes titulaires d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ; l'autorisation donnée aux locataires des organismes d'HLM de sous-louer une partie de leur logement à des personnes de plus de 60 ans ou des adultes handicapés ou encore, pour une durée de un an renouvelable, à des personnes de moins de 30 ans ; l'ajout des victimes de violences conjugales aux personnes prioritaires pour l'attribution d'un logement social ; la compétence générale donnée aux bailleurs sociaux pour se livrer à l'intermédiation locative (3).

Enfin, en matière d'expulsions, la loi prévoit la réduction de trois ans à un an de la période durant laquelle le juge confronté à un locataire mauvais payeur peut suspendre son jugement d'expulsion, donne une base légale à l'enquête financière et sociale réalisée au cours du délai séparant l'assignation de l'audience et rend obligatoire l'instauration de commissions départementales de prévention des expulsions.

La réforme de l'hébergement des sans-abri

Les députés - Etienne Pinte en particulier - auront été particulièrement actifs pour compléter le volet de la loi consacré à la lutte contre les exclusions, à l'hébergement et à l'accès au logement. C'est ainsi qu'est créé, à l'initiative du député (UMP) des Yvelines à titre expérimental, un nouveau mode de résidence, la « résidence temporaire assurant la protection et la préservation de locaux vacants ». L'idée étant d'instaurer un cadre juridique spécifique, en dehors du droit commun des rapports locatifs, permettant aux propriétaires de locaux vides de mettre ces derniers à la disposition d'un organisme public ou privé afin qu'il y loge des résidents pour une durée limitée. La loi ne donne aucune indication sur la nature de ces résidents, qui devront s'acquitter d'une redevance. Mais les services de l'Etat, dont l'agrément sera nécessaire, pourront imposer l'accueil de publics particuliers.

A signaler également : la redéfinition du régime d'agrément des organismes agissant en faveur du logement des personnes défavorisées, afin de mettre en conformité le droit français avec la directive européenne « services ».

Un volumineux article réforme par ailleurs l'hébergement des sans-abri. En résumé, plusieurs des instruments de planification existants en la matière sont refondus dans un document unique : le plan d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes sans domicile, élaboré par le préfet en concertation avec les acteurs locaux. Un nouvel outil à la vocation plus large que la seule détermination des places d'hébergement. De plus, le champ des communes soumises à l'obligation de mettre à disposition un nombre minimum de places d'hébergement (une place par tranche de 2 000 habitants) est aligné sur celui des communes soumises à l'obligation de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux. Et le montant du prélèvement à la charge, à partir du 1er janvier 2010, des mairies ne respectant pas leur obligation est fixé à deux fois le potentiel fiscal par habitant multiplié par le nombre de places d'hébergement manquantes.

On signalera également la réforme du dispositif de veille sociale, qui s'adresse désormais aux « personnes sans abri et en détresse » et non plus aux « personnes en difficulté ». En outre, les établissements concernés par le dispositif (4) ont dorénavant l'obligation de transmettre au préfet « en temps réel » - et non plus « périodiquement » - des informations relatives à leurs places vacantes.

Autres nouveautés, pêle-mêle : l'affirmation du « droit pour toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale à accéder, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence » et de bénéficier, dans ce cadre, d'un accompagnement personnalisé ; l'affinement de la définition légale des logements-foyers (avec la distinction entre résidence sociale et pension de famille) ; ou encore des aménagements divers autour du DALO (possibilité de constituer plusieurs commissions de médiation par département, régionalisation de l'attribution de logements en Ile-de-France, dérogation au secret professionnel pour certains travailleurs sociaux dans le cadre de l'instruction des demandes, etc.).

Nous reviendrons sur la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions dans un prochain numéro.

[Loi à paraître]
Notes

(1) C'est-à-dire vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés.

(2) Autrement dit, des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements.

(3) C'est-à-dire pour prendre en gestion ou prendre à bail des logements du parc locatif privé conventionnés avec l'Agence nationale de l'habitat afin de les louer ou de les sous-louer à des personnes prioritaires au titre de la loi DALO et aux « personnes dont la situation nécessite une solution locative de transition ».

(4) Centres d'hébergement et de réinsertion sociale ou assimilés.

Dans les textes

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