LIVRE

LA NÉBULEUSE EMMAÜS. Deuxième ONG française sur le plan des ressources financières, Emmaüs reste pourtant mal connue. Selon Axelle Brodiez-Dolino, historienne au CNRS, l'association a longtemps vécu dans l'ombre de son fondateur hypermédiatisé. Et a également pâti de ses clivages internes : Emmaüs compte aujourd'hui trois branches, et sept « familles » de communautés. Si de nombreux ouvrages - biographies, livres d'entretiens, etc. - ont raconté la vie de l'abbé Pierre, aucun travail d'historien n'avait été consacré jusqu'à présent à Emmaüs, au rôle de son fondateur et aux « logiques historiques, finalement limpides, qui ont prévalu à la genèse de cette complexe arborescence ». Axelle Brodiez-Dolino a eu accès aux archives du mouvement, en grande partie encore non déposées. L'historienne livre le résultat de ses investigations dans une somme au titre très neutre, Emmaüs et l'abbé Pierre, alors même qu'elle ne manque pas de thèses. La principale étant qu'Emmaüs ne véhicule pas une idéologie stable et inchangée, mais s'est nourrie de « recomposition des engagements, entre ruptures et continuités ». Très religieuse au début, l'association s'est davantage engagée politiquement par la suite. Elle refusait aussi les dons en argent et subventions, attachée à son autonomie par le travail. Des principes aujourd'hui mis à mal. Ce qui pose la question de l'identité de cette nébuleuse qui doit se réinventer une fois de plus, sans son fondateur charismatique. Le travail historique aide au moins à savoir sur quelles bases.