Le quatrième anniversaire de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est à célébrer avec retenue, si l'on en croit le bilan dressé par les associations. Ces dernières sont ainsi particulièrement sévères à l'encontre du rapport du gouvernement relatif au bilan et aux orientations de la politique du handicap depuis quatre ans, déposé au Parlement (1), et sur lequel le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) vient de rendre un avis résolument critique (voir ce numéro, page 5). « D'une pauvreté affligeante », ce document traduit pour le GRATH (Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes en situation de handicap), le « sérieux coup de frein » dont souffre la politique du handicap. Pour la FNATH (l'association des accidentés de la vie), le bilan gouvernemental est « en de nombreux points, en décalage par rapport à la réalité ». De son côté, l'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) le juge « exagérément positif » et n'y trouve « aucune analyse, aucune prospective ». Sur le même ton, l'Association des paralysés de France (APF) s'insurge contre cette « autosatisfaction malvenue » dont fait preuve le gouvernement dans ce rapport « nul et non avenu », « vide d'orientations ». Selon ces associations, le document se contente d'une simple description des dispositifs de la loi déconnectée des réalités des personnes : « un bilan en forme de chiffres, de données administratives », sans « regard critique », précise l'APF. Et l'Unapei de s'interroger : « comment peut-on accélérer la mise en oeuvre sans avoir un regard réaliste sur l'application effective de la loi ? »
Au-delà du bilan officiel, les associations proposent leur propre appréciation de la politique du handicap menée en France. Au premier rang des commentaires, la faiblesse des ressources des personnes handicapées. L'APF, qui réclame toujours la création d'un « revenu d'existence », rappelle que des centaines de milliers d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Face à cette situation, l'augmentation de 25 % de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en cinq ans ne suffira pas, estime-t-elle. Quant à la prestation de compensation du handicap (PCH), aucune évolution de ses tarifs et plafonds n'est prévue par le rapport du gouvernement, relève l'APF, qui rappelle également que la prise en compte des « activités domestiques et de la parentalité est renvoyée au projet de cinquième risque », alors qu'un décret pourrait prendre en compte dès aujourd'hui cette demande, via la PCH.
L'Unapei, de son côté, revient sur le désengagement des caisses primaires d'assurance maladie, dont certaines ne souhaitent plus rembourser les frais de transport des personnes accueillies en maison d'accueil spécialisée et en foyer d'accueil médicalisé (2) avec la mise en place de la PCH. Dans l'attente d'une solution, les familles doivent « supporter les coûts de transport ou renoncer à l'accueil en établissement », rappelle l'association.
« Attention au leurre », c'est l'expression choisie par l'APF pour définir le plan de création de places en établissements et services qui ne fait que « dissimuler une politique de réduction et d'encadrement des moyens préjudiciable à une qualité d'accueil et d'accompagnement ». L'Unapei estime quant à elle nécessaire la création de 10 000 places d'établissements pour adultes handicapés. Elle exhorte aussi les départements à créer « davantage de foyers, de foyers de vie et, en liaison avec l'Etat, de foyers d'accueil médicalisé », destinés notamment aux personnes handicapées vieillissantes.
Alors que le discours du président de la République lors de la conférence du handicap de juin dernier consacrait une large place à l'accès au travail des personnes handicapées, la FNATH constate que la qualité de l'emploi des travailleurs handicapés se dégrade avec « une augmentation des contrats précaires et un taux de chômage » qui croît plus vite que celui du reste de la population.
Au coeur des revendications : la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire, qui reste « difficile », selon l'Unapei. Celle-ci exige « des moyens d'information et de formation pour les enseignants » et « un statut et une formation » pour les auxiliaires et les emplois de vie scolaire. Elle réclame aussi la création de 5 000 places pour les enfants dont l'intégration scolaire n'est pas possible et qui demeurent sans solution. Elle constate par ailleurs que le « plan métiers » lancé en juillet dernier par Valérie Létard en est « toujours au stade de l'expérimentation ». Alors que les budgets des établissements médico-sociaux pour 2009 ne tiennent pas compte du contexte inflationniste, l'organisation se demande comment, sans moyens, les métiers du secteur pourraient être rendus attractifs.
Autre sujet de mécontentement : les mesures en faveur de l'accessibilité, qui, au regard, des enjeux d'ici à 2015, sont « catastrophiques », selon l'APF, qui réclame « un plan Marshall » de l'accessibilité et la création d'une Agence nationale pour l'accessibilité universelle et des dispositifs d'incitation et de sanctions.
Enfin, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) font l'objet d'une vive préoccupation. En ligne de mire, les délais de traitement, qui atteignent parfois huit mois pour les premières demandes, alors que la loi prévoyait qu'un dossier d'AAH soit instruit en quatre mois. De son côté, l'Association des paralysés de France refuse « la transformation des MDPH en maisons départementales de l'autonomie », dans le cadre du cinquième risque, et souhaite le maintien de leur statut actuel, qui permet « une réelle implication des représentants associatifs ». Quant à la FNATH, elle craint que l'amoindrissement des finances locales (qui pourrait se produire avec la suppression de la taxe professionnelle) ne conduise à des désengagements au sein des MDPH.
Les départements eux-mêmes sont inquiets pour l'avenir de ces structures. L'Assemblée des départements de France (ADF) alerte en effet sur les difficultés rencontrées pour obtenir les moyens humains et financiers prévus lors de la signature des conventions avec l'Etat, et ce, « alors que de nouvelles missions sont régulièrement confiées aux MDPH ». L'ADF rencontre trois difficultés : la première tient à l'instabilité des personnels mis à disposition par l'Etat pour assurer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées, qui peuvent demander leur retour dans leur administration d'origine à tout moment, une situation qui provoque des « mouvements [...] qui nuisent à la capacité d'expertise des maisons ». Deuxième problème : la remise en cause de la quote-part financière pour le fonctionnement des MDPH. Enfin, le « non-abondement » des fonds départementaux de compensation du handicap, censés permettre le financement d'aides financières en sus de la PCH, suscite « la plus vive inquiétude sur la pérennité de ce dispositif ».
Devant la liste des sujets de crispation, l'APF et le GRATH réclament la création d'un Haut Commissariat aux situations de handicap rattaché directement au Premier ministre, chargé, avec l'appui de tous les ministères concernés, d'impulser une nouvelle étape de politique transversale du handicap.
(1) Le rapport doit faire l'objet d'un débat à l'initiative des parlementaires.