Le doute est un sentiment inhérent au travail social, depuis toujours en proie aux incertitudes et à la remise en question. En 1972, la revue Esprit se demandait déjà « Pourquoi le travail social ? », l'accusant d'être un outil de contrôle social, avant, plus de deux décennies plus tard, de remettre en cause son utilité. En 2004, le philosophe et sociologue Saül Karz faisait de cette question le titre de son ouvrage sur le travail social (1), dans lequel il défendait l'idée que la fonction des travailleurs sociaux n'est pas d'aider les gens à aller mieux, « mais de les aider à aller en fonction d'un certain modèle de société ». De fait, ce n'est pas nouveau, cette tension entre leur rapport à la norme et leur philosophie d'action suscite chez les professionnels un sentiment d'ambivalence. Mais le contexte actuel - l'aggravation des problèmes sociaux, les difficultés d'insertion, la crise du logement, la déshérence de la psychiatrie, la diminution des moyens et les tentations sécuritaires... - donne aujourd'hui un nouvel écho à cette souffrance. La forte mobilisation des travailleurs sociaux autour de « l'appel des appels », lancé le 31 janvier à l'initiative du psychanalyste Roland Gori, en a été une puissante démonstration (2). « Le travail social sert-il encore à quelque chose ? », s'interrogeait à son tour la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) lors de ses « journées du travail social », les 11 et 12 décembre à Nice (voir encadré, page 31). Bien sûr, cette question provocatrice contient en elle-même la réponse. Néanmoins, comment lever la chape de plomb qui pèse sur le travail social et valoriser sa fonction, son expertise et ses capacités d'action ? Car si le secteur n'a jamais autant été inscrit dans les politiques publiques, notamment en raison de la multiplication des dispositifs d'aide et d'insertion, « l'objectif qui lui est assigné, tout en étant presque illimité, reste imprécis et contradictoire », analysait lors de ces journées Nicole Maestracci, présidente de la FNARS.
Les professionnels doivent à la fois appliquer les politiques publiques, mettre en oeuvre les dispositifs, et gérer leur incohérence ou leur inefficacité (sur ce sujet, voir la rubrique « Vos idées », ce numéro, page 28). Parallèlement, il n'y a jamais eu de définition politique et collective de la finalité de leur mission. « De cet écartèlement, de ce flou, les travailleurs sociaux ne sont jamais invités à débattre. La question sociale reste essentiellement posée en référence à la situation économique et à l'emploi, de sorte que le travail social comme enjeu et outil de transformation sociale est pratiquement absent du débat politique », estime-t-elle. Un paradoxe car, analyse Michel Autès, sociologue et vice-président du conseil général du Nord-Pas-de-Calais (3), le travail social, situé à « l'articulation entre le collectif et le subjectif », joue un rôle éminemment politique. De son entre-deux entre les institutions et les individus naît son malaise, sa fragilité, mais aussi sa capacité à remplir « des fonctions essentielles au fonctionnement démocratique des sociétés contemporaines ». C'est, selon Michel Autès, un ingrédient « indestructible » du lien social.
Or cette délicate position d'intermédiaire a évolué à mesure que l'environnement institutionnel du travail social s'est transformé, explique Robert Lafore, professeur de droit public à l'Institut d'études politiques de Bordeaux. Jusque dans les années 70, celui-ci a fonctionné avec une relative autonomie : il s'est construit selon un modèle « réparateur », les publics accompagnés étant définis en catégories juridico-administratives leur ouvrant droit à une prise en charge matérielle. Mais le modèle change quand la logique statutaire est remplacée par celle des dispositifs. A travers les politiques d'insertion ou les lois sur les institutions sociales et médico-sociales de 1975 puis de 2002, la prestation sociale est adossée à l'idée d'une gestion individualisée des parcours. « La compétence de relation d'aide, qui était la propriété du travailleur social, devient partagée, l'action d'accompagnement est conçue comme un ensemble institutionnel, avec l'émergence d'une culture du résultat. Le travailleur social fait partie d'un projet organisationnel », poursuit Robert Lafore.
Apparaît alors un système où la culture managériale prend le pas sur l'autonomie d'intervention. « Trop de gestion tue le social », s'inquiète ainsi le sociologue Michel Chauvière (4), dénonçant la « chalandisation » du secteur. Et lorsque, aux pratiques d'écoute, d'accompagnement global et de proximité dans le temps, se substituent un empilement de procédures et une forme d'« injonction au projet », au risque de renvoyer les usagers à leur propre impuissance, la peur de l'instrumentalisation s'installe. Le travail social peine à se reconnaître comme corps professionnel identifié par ses références. Deux options s'offrent alors à lui : être le simple exécutant technique des politiques publiques et institutionnelles, ou bien faire valoir son expertise dans le cadre de modalités d'intervention rénovées : l'approche collective, l'alliance avec les usagers, le partenariat. A lui de se forger une place dans l'élaboration des solutions, en se portant garant d'un certain modèle de société, fondé sur la solidarité et la citoyenneté. Et de redéfinir lui-même ses marges d'action : doit-il se contenter de maintenir le lien social ou contribuer à la justice sociale et à l'émancipation des individus ?
La quête de reconnaissance commence au sein des institutions dont, au premier chef, les associations, où travaillent environ 60 % des professionnels. Cette culture associative se révèle pourtant de moins en moins protectrice de celle des travailleurs sociaux, comme le souligne Christian Chassériaud, président de l'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social (Aforts) : si le travail social est né du mouvement associatif, « dans la réalité d'une association qui devient de plus en plus gestionnaire, des écarts peuvent se creuser entre positionnements politiques et positionnements techniques », explique-t-il. Et paradoxalement, les travailleurs sociaux, poussés par leur éthique professionnelle, peuvent être amenés à redonner une dimension militante à l'action associative en perte de repères face à ses contraintes financières. Pour valoriser l'expérience et le savoir-faire des travailleurs sociaux, il est grand temps, estime Christian Chassériaud, de refonder l'articulation entre missions professionnelles et gouvernance associative, de réfléchir aux moyens d'associer les travailleurs sociaux à l'évolution du projet associatif et, inversement, d'impliquer les administrateurs dans le projet technique de l'établissement. Sur le terrain, les travailleurs sociaux aimeraient, en effet, plus de reconnaissance des conseils d'administration, dans lesquels ils sont rarement représentés. Quant au projet d'établissement, imposé par la loi de 2002-2, il est souvent davantage la déclinaison de dispositifs que de valeurs : « Les travailleurs sociaux estiment que le projet d'établissement ne devrait pas échapper àla référence au projet associatif », souligne Nathalie Crouzet, chargée de mission à la FNARS et rapporteure d'un atelier sur le sujet aux journées de la fédération. Une invitation à « coproduire » le sens du travail social, en quelque sorte, et à « repolitiser l'action associative », comme l'exhorte le sociologue Joseph Haeringer, coauteur de Conduire le changement dans les associations d'action sociale et médico-sociale (Ed. Dunod, 2002).
Nombre de directions se donnent malgré tout les moyens d'ouvrir un espace de parole aux travailleurs sociaux, en interne ou même auprès d'autres institutions, lorsqu'elles délèguent aux salariés leur participation aux réunions partenariales. Mais le mandat de ces derniers est toujours limité. « Le travailleur social est absent des trois étages de la gouvernance que sont les politiques, les directeurs et les usagers », souligne Aymeric Oger, membre d'EAPN (Réseau européen des associations de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale)-France, résident en centre d'hébergement, qui milite activement pour que les travailleurs sociaux siègent dans toutes les instances décisionnelles.
Les réseaux - formalisés, comme dans le cadre du développement social local, ou bien informels - deviennent néanmoins des cadres d'intervention qui recourent de plusen plus aux compétences des travailleurs sociaux. Analyses et diagnostics pluridisciplinaires, mutualisation des ressources, enrichissement des pratiques et amélioration des prises en charge... Face à la complexité des situations, leur plus-value incite les institutions, ou les professionnels eux-mêmes, à les développer.
C'est ainsi qu'en 1993, des professionnels de santé et des travailleurs sociaux ont sollicité la ville d'Alès (Gard) pour rechercher des solutions à la prise en charge des publics en difficulté, notamment confrontés aux addictions. Le soutien financier et logistique de la municipalité a permis l'émergence de cinq premiers réseaux de santé. Du partenariat entre la ville, le conseil général, les établissements de soins, les associations de professionnels et de patients est par la suite née, en 1998, l'Association pour la coordination des réseaux de santé du bassin alésien, Reseda. En résultent aujourd'hui dix réseaux de santé qui visent à favoriser une prise en charge globale et cohérente des personnes sur le plan médical, psychologique et social. Parmi eux : le réseau « Santé vie sociale », dont l'objectif est de favoriser l'accès aux soins des personnes fragilisées. « Il s'agit de permettre à chaque acteur de se situer dans le paysage sanitaire et social et de faciliter le parcours des personnes accompagnées », explique Thierry Cubedo, coordinateur. Le réseau a notamment mis en place des formations inter-disciplinaires et des rencontres thématiques entre professionnels et usagers. Une permanence « psychiatrie-action sociale » est également proposée comme un lieu de ressources pour les professionnels. « Alors que les travailleurs sociaux avaient tendance à interpeller les professionnels de santé comme aidants et accompagnants, il est important que la psychiatrie les repositionne comme des professionnels qui savent », précise Elodie Sabatier, animatrice du réseau « Santé vie sociale ». Seuls freins : le manque de reconnaissance des tutelles pour pérenniser le dispositif (les réseaux sont financés par projet) et la difficulté des employeurs à considérer la participation à cette action comme du temps de travail...
La force du travail social, c'est aussi sa capacité à innover en remettant en cause le bien-fondé de la commande publique lorsqu'elle ne répond pas aux besoins des usagers. Innovation, déplorent certains, qui reste encore trop marginale, ou tout du moins insuffisamment audacieuse. « Le travail social est-il encore créateur ? », interpelle avec force Pedro Mecca, fondateur des Compagnons de la nuit. Cités comme exemples : l'expérience d'Espoir Goutte d'or, créée il y a une vingtaine d'années dans le XVIIIe arrondissement de Paris pour, à partir d'une démarche de santé communautaire, intervenir auprès des usagers de drogues en situation d'exclusion. Ou encore celle du Bus des femmes, qui oeuvre également depuis près de 20 ans sur la prévention sanitaire auprès des prostituées, et avec elles. De toute évidence, ce sens de l'innovation est encore vivace, comme en témoignent nombre d'initiatives, dont celle de l'association Main dans la main, à Avignon. En septembre 2008, travailleurs sociaux et jeunes adultes sans solution d'hébergement ont ensemble décidé d'investir un squat, transformé en lieu de vie. Ce système fondé sur la « coconstruction » et la « codécision » propose une autre manière de concevoir la relation éducative, l'accès à l'autonomie. « Nous nous sommes inspirés des textes sur la prévention spécialisée qui permet aux éducateurs de développer de nouveaux outils pédagogiques, explique Eric Roccaro, ancien médiateur de rue, à l'initiative du projet. Alors que la prévention spécialisée devait initialement agir partout où les jeunes se marginalisent, elle a été dévoyée de ce rôle pour se développer uniquement dans les quartiers. » Sans subvention mais bénéficiant de dons de partenaires associatifs et de particuliers, le lieu actuellement occupé par l'association - des locaux appartenant au conseil général - accueille une vingtaine de jeunes et propose un accompagnement médico-social, grâce à une équipe de travailleurs sociaux et de professionnels de santé. En six mois, cinq jeunes ont été orientés, dont trois ont retrouvé un emploi et un logement.
Mais jusqu'où les travailleurs sociaux peuvent-ils entraîner les usagers dans des prises en charge en marge de la légalité ?, s'interroge-t-on alors. D'aucuns objectent que la réponse est « dans la déclaration universelle des droits de l'Homme », soit dans le respect de la dignité et l'accès aux droits fondamentaux. Il faut « refuser un travail social qui sert le désordre établi », défend Pedro Mecca. Tandis que d'autres refusent au contraire de confondre travail social et action militante. Reste qu'une action en dehors du droit rencontre forcément des limites. Pour faire progresser l'accompagnement, « il ne faut pas rester dans la marginalité, il faut mettre au contraire le pied dans les institutions », estime Frédéric Van der Borght, responsable du centre parental de l'association Aire de famille, dans le XIXe arrondissement de Paris (5). Ce dernier accueille depuis cinq ans de futurs parents en situation de vulnérabilité psychique et sociale. Accueillant aussi les pères, à la différence des centres maternels, la structure favorise le maintien des liens familiaux et leur reconstruction au moment de la naissance d'un enfant. « Un outil de prévention, qui s'inscrit dans l'esprit de la loi sur la protection de l'enfance », argumente Frédéric Van der Borght.
Convaincre de l'utilité des expérimentations pour les pérenniser fait partie des défis à relever. Le Collectif d'action des sans-abri (CASA), à Avignon, en sait quelque chose : après avoir ouvert la « Villa Médicis », structure d'accueil inconditionnel devenue CHRS (6), il a lancé en 2005 une équipe mobile de médiation de rue. Constituée de 2,5 équivalents temps plein, celle-ci va à la rencontre des sans-domicile, notamment les plus fragilisés, et les incite à se rendre dans les lieux d'accueil. Dans un élan citoyen, des habitants volontaires renforcent le dimanche cette maraude. Alors que les pouvoirs publics affichent la volonté d'augmenter l'aide aux sans-abri, l'association vient d'apprendre l'amputation du budget alloué par la ville pour 2009, ce qui pourrait mettre son activité (financée pour moitié par la DDASS) en péril. La preuve d'un manque de reconnaissance, estime Pascal Fauvel, président de CASA : « On n'arrête pas de dire que le travail social doit faire preuve de son efficacité. Or nous avons dès le départ mis en oeuvre un outil d'évaluation performant qui livre une analyse très fine de chaque intervention et de la réalité des personnes à la rue. Je demande que l'on se mette autour d'une table pour se pencher sur la pertinence de ce que l'on fait. » Encore faut-il s'entendre sur la notion d'efficacité du travail social. Visibles, les sans-abri le sont toujours à Avignon, mais au moins ont-ils renoué avec des liens sociaux et le chemin de structures qui leur permettent d'être accueillis dignement, premier pas vers un retour à la citoyenneté. Une utilité sociale difficile à démontrer, mais réelle.
L'évaluation, piège ou salut ? « Lorsque l'on parle du coût du travail social se cache l'idée qu'il coûte trop cher et que l'on pourrait s'en passer. Comment alors expliquer sa légitimité ? », interroge François-Xavier Merrien, professeur de sciences sociales et politiques à l'université de Lausanne (Suisse). Apparue pour tenter de répondre à la difficulté de mettre en corrélation des dépenses et des résultats, poursuit-il, la « révolution managériale » a eu des effets pervers : « En augmentant la capacité à évaluer certaines actions avec des indicateurs, on a consacré moins de temps à des tâches moins mesurables. » Mieux vaudrait, plaide-t-il, ne pas aborder la question sous l'angle des coûts directs, mais des « coûts sociaux évités ». Un changement de registre conceptuel, en somme, pour considérer le travail social comme un investissement. « Le travail social a un coût, mais il n'a pas de prix ! Ce qui ne veut pas dire qu'il est très bien armé pour répondre aux enjeux actuels : il est plus à l'aise pour accompagner les situations de croissance, comme pendant les trente glorieuses, que les bouleversements sociaux. »
Pour assurer sa survie, le travail social doit donc sortir de son invisibilité, savoir se raconter, se décrypter, et porter des propositions de politiques publiques. « Nous avons beaucoup réfléchi à nos pratiques, mais sans faire une évaluation fine de nos besoins », souligne Nicole Maestracci, qui demande pour cela l'amélioration des systèmes d'observation, avec des indicateurs qualitatifs de parcours. « Que veut-on faire pour les personnes en difficulté ? Quels coûts à payer ? Quels objectifs ? Une alliance doit se construire entre les professionnels, les usagers, les responsables politiques et les médias. » Sans oublier le champ universitaire et de la recherche : « Nous avons pu faire avancer des sujets, même au niveau européen, car nous nous avons pu travailler avec les bons acteurs pour avoir un poids institutionnel, souligne une responsable de centre d'accueil pour demandeurs d'asile de l'association Forum réfugiés. Nous possédons l'expertise de terrain, il faut l'allier au savoir-faire des psychologues, statisticiens, juristes, sociologues. Crier ne suffit pas, il faut oser dépasser le stade du bricolage au niveau local ! »
Les travailleurs sociaux, de fait, ne sont quasiment pas entendus par les décideurs, si ce n'est pas l'intermédiaire des fédérations d'associations employeurs. Et encore, avec des limites : « Jusqu'à la décentralisation, les associations ont coconstruit avec l'Etat, poursuit Nicole Maestracci. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous sommes d'accord pour exercer une mission de service public - nous le faisons déjà -, mais à condition d'être associés à la définition des besoins et à la manière d'exercer cette mission. »
Le temps presse, car déjà émergent des tendances perçues comme des menaces. Le danger de « sanitarisation » du social en est une, alors que vont être créées des agences régionales de santé et que se mettent en oeuvre des formations de niveau V (aide médico-psychologique, auxiliaire de vie sociale) par des instituts de formation sanitaire, ou des troncs communs de formations sanitaires et sociales. Autre inquiétude : la remise en cause de l'appareil de formation. « Demain, un conseil régional jugeant que les formations sociales coûtent trop cher pourra confier les niveaux V aux lycées professionnels, les niveaux II et I, pourquoi pas ?, à l'université, tandis que des licences professionnelles pourraient prendre la place des niveaux III, craint Dominique Susini, ancien directeur de l'IRTS de Franche-Comté, administrateur du GNI (Groupement national des instituts régionaux de travail social). Le rôle de l'Etat n'étant plus le même depuis la décentralisation des formations et dans la perspective de la disparition des DRASS et des DDASS, il est de notre responsabilité de reprendre la main si l'on ne veut pas assister au démantèlement des formations sociales ! » L'un des objectifs de la nouvelle Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) est de caler le dispositif de formation sur le modèle des « hautes écoles sociales » existant en Suisse, qui pourraient délivrer les diplômes de manière autonome.
La mise en concurrence des opérateurs constitue une autre préoccupation. Dans les Bouches-du-Rhône et le Gard notamment, les travailleurs sociaux se sont élevés contre les projets d'appels d'offres lancés par les conseils généraux pour l'accompagnement des bénéficiaires du RMI. Une tendance d'autant plus inquiétante qu'apparaissent dans le secteur social des acteurs privés qui rompent avec la notion de mission à but non lucratif et la spécificité des services sociaux d'intérêt général. Sous ces multiples coups de boutoir, c'est, au-delà des métiers même, l'avenir des travailleurs sociaux qui est en jeu.
« Interroger la place du travail social dans la société et la promouvoir. » Tel est l'objectif de la FNARS, inscrit dans son projet fédéral adopté en juin 2004, et le sens de ses journées d'études des 11 et 12 décembre dernier. Elles ont été préparées dans les régions par des travailleurs sociaux, au sein de groupes de réflexion, de rencontres et de forums associant les professionnels, les usagers, les administrateurs, les habitants, les entreprises, les acteurs associatifs. De juillet à octobre 2008, 14 journées se sont tenues dans 11 régions, sur la coproduction avec les usagers, la gouvernance associative, l'évaluation, l'évolution des métiers, la complémentarité avec l'intervention sociale, ou les publics spécifiques comme les jeunes en errance et les migrants. Quatre organismes de formation de la région PACA ont par ailleurs été associés à la préparation des journées. Les étudiants impliqués - dans les filières d'éducateur spécialisé, d'assistant de service social, de conseiller en économie sociale et familiale, de technicien de l'intervention sociale et familiale, d'éducateur de jeunes enfants - ont créé des réseaux de travail entre les différentes écoles. Cette première expérience de partenariat avec les centres de formation devrait être prolongée en PACA et étendue dans d'autres régions.
A partir de l'ensemble de ces réflexions, la fédération devrait produire un « Livre blanc » du travail social d'ici à la fin de l'année 2009, à l'image de l'ouvrage issu de ses états généraux intitulés « L'exclusion n'est pas une fatalité ! », organisés en 2006. Rédigé par les travailleurs sociaux, il aura vocation à être un outil d'interpellation des pouvoirs publics.
(1) Pourquoi le travail social ? Définition, figures, clinique - Ed. Dunod.
(3) Auteur de Paradoxes du travail social - Ed. Dunod, 1999.
(4) Trop de gestion tue le social. Enquête sur une discrète chalandisation - Ed. La Découverte, 2007 - Voir aussi ASH n° 2550 du 21-03-08, p. 35.