A l'occasion du quatrième anniversaire de la loi « handicap » du 11 février 2005, le gouvernement a rendu public son rapport sur la mise en oeuvre de la politique en faveur des personnes handicapées (1). Une politique qui s'est traduite par « un effort budgétaire considérable [+ 6 milliards d'euros depuis 2005] et qui produit des résultats encourageants », s'est félicité le secrétariat d'Etat à la solidarité. Remis à l'Assemblée nationale et au Sénat le 13 février, le rapport « pourra faire l'objet d'un débat à l'initiative des parlementaires », a indiqué Valérie Létard. Il a d'ores et déjà reçu l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Exprimant sa « déception sur le contenu du rapport », le CNCPH émet également des « réserves en ce qui concerne les statistiques, qui ne permettent pas toujours d'appréhender la situation réelle des personnes d'un point de vue qualitatif ». Globalement, il « regrette l'impression de trop grande satisfaction qui se dégage du rapport ». Un document qui a également déclenché les foudres des associations (voir ce numéro, page 21).
« Le droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale est devenu une réalité », estime le gouvernement. « Instrument essentiel » de ce droit, la prestation de compensation du handicap (PCH) bénéficie aujourd'hui à 58 000 personnes pour un montant moyen de 1 100 € , « soit le double de ce à quoi elles pouvaient prétendre auparavant ». Cependant, rappelle le rapport, cette prestation est encore appelée à évoluer dans le cadre de la mise en place du cinquième risque de la protection sociale pour mieux couvrir les besoins en aides domestiques et les frais de transport, et à s'ouvrir entièrement aux enfants handicapés. Autre difficulté à résoudre : faire évoluer le statut des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et de leurs personnels. « Dans tous les cas, la solution retenue s'accompagnera d'un règlement financier global, qui permettra de clarifier le statut des agents de l'Etat mis à disposition des MDPH et de garantir dans le temps les engagements de l'Etat vis-à-vis de ces institutions. » Une question qui sera également traitée dans le cadre du cinquième risque avec l'évolution, à terme, des MDPH vers des maisons de l'autonomie. Reste que, pour le CNCPH, le dispositif ne garantit pas actuellement l'égalité de traitement sur tout le territoire et doit donc « être mieux étudié et évalué avant de devenir un élément constitutif [du] cinquième risque ».
Si le gouvernement entend accélérer la mise en oeuvre de la politique d'accessibilité de la cité, le CNCPH relève de son côté que « les objectifs de la loi ne pourront pas être tenus d'ici au 1er janvier 2012 ». Il dénonce en outre la non-parution des derniers textes réglementaires (2) ou encore l'absence de mesures concrètes pour l'accès aux lieux de soins. Afin de garantir le respect du calendrier fixé par la loi, le gouvernement rappelle qu'un décret va avancer les dates butoirs d'élaboration des diagnostics d'accessibilité pour les bâtiments les plus importants (3), s'appuie sur le plan de relance annoncé par le président de la République pour accélérer les chantiers et annonce la création d'un observatoire de l'accessibilité.
Autre volet de cette politique : la scolarisation des enfants handicapés. Le ministère de l'Education nationale a rappelé dans un communiqué que, en 2008-2009, plus de 170 000 élèves handicapés sont scolarisés en milieu ordinaire (soit + 30 % depuis l'entrée en vigueur de la loi). Mais pour le CNCPH, ce constat quantitatif est « éloigné de la réalité du terrain » (4). Le Conseil déplore également le manque de réflexion sur la qualité de l'accompagnement (notamment par les auxiliaires de vie scolaire), sur la formation des professionnels de l'Education nationale ou encore sur le suivi du parcours des élèves handicapés, de la scolarisation à la formation professionnelle.
En matière d'emploi, il existe un « certain nombre de décalages entre le rapport du gouvernement et la réalité de terrain », souligne le CNCPH. Ainsi, pour le gouvernement, le rôle des maisons départementales des personnes handicapées devrait à l'avenir être déterminant avec la mise en place de la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Mais, selon le Conseil, « à ce jour, les MDPH ne sont pas devenues de véritables acteurs de la politique de l'emploi » car l'ambition d'appréhender de manière globale le projet de vie de la personne en incluant un projet professionnel ne trouve pas d'application concrète sur le terrain. Par ailleurs, alors que le gouvernement s'appuie principalement sur le pacte national pour l'emploi annoncé par le président de la République lors de la Conférence nationale du handicap en juin 2008 (5), le CNCPH constate « avec déception un contenu mal défini et peu volontariste ».
Côté ressources, le rapport rappelle que « c'est par la hausse de 25 % de l'AAH à l'horizon 2012 [...] que le gouvernement a choisi d'apporter une réponse à la faiblesse des ressources des personnes handicapées », soit un effort de 1,4 milliard d'euros. Ainsi, fin 2009, l'allocation atteindra 682 € par mois (soit 54 € de plus que début 2008). Une mesure qui ne tient pas compte de la variété des situations des personnes handicapées (pensionnés d'invalidité, personnes de plus de 60 ans...), rappelle le CNCPH, qui regrette que sa proposition de créer un revenu minimum d'existence au moins égal au SMIC brut n'ait pas été retenue (6). Enfin, la réforme de l'AAH doit aussi permettre de mieux orienter vers l'emploi les personnes handicapées qui peuvent travailler. La loi de finances pour 2009 rend ainsi systématique l'évaluation de la qualité de travailleur handicapé à l'occasion d'une demande d'AAH et fait obligation aux maisons départementales des personnes handicapées d'accompagner automatiquement toute reconnaissance de cette qualité d'une orientation professionnelle. Des dispositions qui inquiètent le CNCPH car elles sont contraires au principe d'évaluation individualisée de la situation de la personne.
(1) Rapport disponible sur
(2) Tel que le décret relatif à l'accessibilité des locaux de travail.
(3) Une mesure annoncée dès le début de l'année 2008 par Valérie Létard - Voir ASH n° 2543 du 1-02-08, p. 15.
(4) Une situation récemment dénoncée par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme et par la défenseure des enfants, qui jugent la scolarisation en milieu ordinaire ineffective pour beaucoup d'enfants handicapés en raison d'un accueil très partiel - Voir ASH n° 2581 du 14-11-08, p. 13 et n° 2595 du 6-02-09, p. 18.