COUPABLES D'ÊTRE MALADES.
L'enfermer au secret ou lui « coller » quarante-cinq jours de mitard n'auraient pas suffi à faire taire Christiane de Beaurepaire. Chef du service de psychiatrie de la prison de Fresnes pendant quinze ans, la psychiatre est, en effet, mue par une grande - et salutaire - colère. Parce que « la prison n'est pas un lieu pour soigner les malades mentaux, n'en déplaise aux agités qui nous gouvernent ». Or 75 % des 65 000 détenus présentent des troubles psychopathologiques, dont la moitié sont atteints de graves maladies psychiatriques. Le chef de l'Etat et la garde des Sceaux ne peuvent ignorer ces données, s'emporte l'auteure. N'ont-ils pas inventé la rétention de sûreté pour les anciens détenus risquant de récidiver en raison de sévères troubles de la personnalité ? Ainsi, la boucle de la prison-asile est en quelque sorte bouclée. Faute de lits d'hospitalisation psychiatrique - dix fois plus onéreux que ceux de la prison -, de grands malades en rupture de soins se retrouvent derrière les barreaux, parce qu'ils finissent par « commettre le délit ou le crime qu'on se devait de leur éviter de commettre ». Au moins en détention voient-ils un psychiatre - même si ce dernier doit surmonter bien des obstacles pour les rencontrer. Mais quid à la sortie ? Retour à la case départ, c'est-à-dire dans la rue, puisque, en dehors de certains « chanceux », ces malades mentaux ne bénéficieront pas plus d'une prise en charge spécialisée après qu'avant leur incarcération, dénonce le docteur de Beaurepaire. « Alors, vite une infraction [...] et revoilà la prison. » Ou bien, aujourd'hui, cet enfermement indéfini en centre socio-médico-judiciaire de sûreté pour punir les intéressés d'être malades et de ne pas avoir été soignés.
Non-lieu. Un psychiatre en prison -Christiane de Beaurepaire - Ed. Fayard - 20 €