« [...] On apprend dans cet entretien, que j'ai trouvé choquant, que le ghetto dont il est question dans le titre ne serait finalement que l'oeuvre de ceux qui le subissent. C'est sans doute pour cela que ce ghetto serait aussi «cocon». [...] Qu'il est curieux de porter à la charge des victimes les stéréotypes qu'ils subissent déjà et que l'on renforce en leur apportant une caution «scientifique».
« Il manque à Didier Lapeyronnie ce que l'accompagnement éducatif, la présence sociale, la connaissance fine des conditions de vie peuvent apporter. Les habitants des quartiers ne se replient pas sur eux, ils sont relégués.
« Ces dix dernières années, nous avons assisté à l'accélération d'un mouvement d'éjection et de renvoi des enfants, des adolescents et des adultes des quartiers pauvres hors des institutions et des structures qui avaient été pensées et créées pour les milieux populaires ; les enfants «des quartiers« sont ainsi de moins en moins nombreux à fréquenter les cantines, les centres de loisirs, les séjours de vacances et les maisons des jeunes.
« Les lieux à la disposition directe des adolescents et jeunes adultes n'existent pratiquement plus, tandis que les théâtres, les centres culturels, les écoles d'art, de musique et de danse s'adressent délibérément à d'autres publics (et souvent pour les théâtres de banlieues aux personnes âgées).
« Cette relégation se développe sous couvert de réglementations excluantes, de questions de papiers, d'inscriptions, de réservations, de tarifs ; mais elle passe aussi par une offre d'activités et de garde qui ne cadre plus du tout avec la réalité des besoins et des attentes des enfants, des adolescents et des adultes des quartiers populaires, bien plus à la recherche de liens que d'activités, et de relations plutôt que de prestations.
« Non, les quartiers comme celui dans lequel oeuvre notre association ne sont pas un ghetto, mais le creuset d'innombrables différences qui n'ont besoin que d'un peu d'attention, de présence sociale et de respect démocratique pour devenir richesses.
« Non, les travailleurs sociaux ne sont pas dépassés, mais le plus souvent oubliés et ignorés quand ils ne font pas l'objet de campagnes de dénigrement.
Acteur depuis de nombreuses années dans les quartiers (comme tant d'autres), il me faut témoigner ici que j'y ai souvent rencontré plus d'ouverture d'esprit, plus de tolérance et plus d'intérêt pour les questions sociales et politiques que dans de nombreux centres villes. »
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