Une très mauvaise solution à un vrai problème. Les associations de défense des droits des étrangers s'élèvent contre la circulaire du ministère de l'Immigration, qui permet à des personnes sans papiers victimes de proxénétisme ou d'exploitation d'obtenir un titre de séjour en échange d'une « coopération avec la police » pour l'aider à démanteler les filières clandestines (voir ce numéro, page 16).
Le principe de cette circulaire, qui relance un dispositif déjà prévu par un décret de septembre 2007, fait bondir les acteurs associatifs. Ils y voient une incitation à la délation. Accusation réfutée par le ministre, pour qui il s'agit de « briser la loi du silence ». Reste qu'au-delà de l'habillage sémantique, les acteurs du terrain rappellent qu'il existe une disposition similaire concernant les personnes prostituées, dans le cadre de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003, dont ils ont déjà dénoncé l'inéfficacité. « Six ans après cette proposition, les victimes de la prostitution sont toujours là, toujours sans papiers », constate Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile. Difficile, en tout état de cause, d'accéder à des statistiques nationales sur le sujet. Selon les associations, moins de 100 titres de séjour auraient été accordés dans ce cadre en région parisienne en 2008. Moins visibles, en raison du délit de racolage passif institué par la même loi, les personnes prostituées travaillent aussi dans des conditions plus dangereuses. « Nous assistons toujours à des expulsions de victimes de proxénètes, des titres de séjour «vie privée et familiale» non renouvelés, tandis que la protection promise n'est pas mise en oeuvre », ajoute Violaine Carrère, du GISTI (Groupe d'information et de soutien des immigrés).
Nombre de dispositions précisées par la nouvelle circulaire renvoient à l'appréciation des préfets, ce qui apporte peu de garanties en matière de droit. En outre, « comment vérifier, pour obtenir la carte de résident de dix ans, comme le prévoit le texte, que le passeur a été condamné au terme de la procédure ? » Les victimes de réseaux, qui fonctionnent sur l'intimidation et la menace, n'osent pas non plus toujours parler. L'approche privilégiée par le ministre, la lutte contre la criminalité, pose selon Violaine Carrère un autre problème : à trop vouloir présenter les sans-papiers comme des victimes du grand banditisme, « c'est leur existence et leur accès aux droits que l'on évite d'aborder ».