Un employeur peut-il limiter l'usage qui est fait par ses salariés de leur domicile ? Si oui, cette restriction à leur liberté individuelle peut-elle figurer dans le règlement intérieur ? Dans un important arrêt du 13 janvier dernier intéressant directement le secteur social, la Cour de cassation s'est à nouveau prononcée sur l'étendue des pouvoirs des employeurs sur les libertés individuelles de leurs salariés. Elle y rappelle que « si l'usage fait par [un] salarié de son domicile relève de sa vie privée, des restrictions sont susceptibles de lui être apportées par l'employeur à condition qu'elles soient justifiées par la nature du travail à accomplir et qu'elles soient proportionnées au but recherché ».
Etait en cause, en l'espèce, une disposition d'un règlement intérieur d'une association spécialisée dans l'accueil des mineurs en difficulté qui interdisait à ses salariés de laisser pénétrer dans leur appartement, notamment, tout enfant ou adolescent en séjour dans l'établissement ou pris en charge. Un animateur socio-éducatif travaillant pour cette association a bravé cette interdiction en recevant à son domicile, à deux reprises, une mineure placée par le juge des enfants dans le centre. Sa direction l'a alors convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, auquel il s'est rendu accompagné d'un délégué du personnel. Le salarié a reconnu sa faute et expliqué qu'il s'agissait de préparer un spectacle dans le cadre du Téléthon. La sanction de l'employeur s'est limitée à une simple observation et à un rappel à l'ordre du règlement intérieur. Une décision disciplinaire toutefois contestée devant la juridiction prud'homale par l'animateur socio-éducatif. Pour lui, préparer un projet étranger à l'association qui l'emploie, ne se rattachant donc pas à sa vie professionnelle, constituait un fait de sa vie personnelle. Dès lors, son employeur ne pouvait lui en faire le reproche.
Un raisonnement suivi par la cour d'appel qui a annulé le rappel au règlement intérieur au motif que les faits reprochés au salarié, qui relevaient de sa vie personnelle, ne pouvaient constituer une faute.
Son arrêt est cassé et annulé par la Cour de cassation. La Haute Juridiction a en effet jugé que, « s'agissant d'un établissement spécialisé dans l'accueil des mineurs en difficulté, l'interdiction faite aux membres du personnel éducatif de recevoir à leur domicile des mineurs placés dans l'établissement était une sujétion professionnelle pouvant figurer dans le règlement intérieur ». Et, par ailleurs, que « cette restriction à la liberté du salarié, justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but recherché, était [en l'espèce] légitime ». En clair : l'interdiction de recevoir à son domicile des mineurs placés dans l'établissement est une sujétion qu'un règlement intérieur peut valablement imposer à un animateur socio-éducatif.