Considérant que « la toxicomanie a causé une situation dramatique tant sur le plan sanitaire que social », un rapport rendu public le 4 février à l'Assemblée nationale estime qu'« il est aujourd'hui temps d'apporter des réponses claires, sans ambiguïté, et de faire preuve d'un vrai courage politique » (1). Ses auteurs, les députés (UMP) Françoise Branget, Jean-Paul Garraud et Pascale Gruny, demandent à « l'Etat [d'] accompagner les usagers de drogue vers une sortie définitive de la toxicomanie ». Ils font pour cela deux propositions principales : inscrire le Subutex, médicament de substitution à l'héroïne, sur la liste des produits stupéfiants et renforcer les moyens des communautés thérapeutiques.
« 11e produit le plus remboursé par la caisse nationale d'assurance maladie », le Subutex ferait, selon les députés, l'objet d'un « trafic important qui coûte cher à la sécurité sociale » (environ 82 millions d'euros par an) (2). En outre, estiment-ils, « 23 % des personnes ayant une prescription de Subutex en font un usage détourné, en marge de sa finalité thérapeutique ». C'est pourquoi ils proposent d'émettre « un signe fort envers les usagers et les trafiquants » en inscrivant le Subutex sur la liste des produits stupéfiants (3).
La politique de substitution menée par la France depuis les années 1990 a permis de réduire les risques liés à la consommation de drogues, et notamment de diviser par quatre les risques de contamination par le VIH, reconnaissent les députés. Elle doit donc être poursuivie mais « la substitution ne doit pas être considérée comme une fin en soi ou comme l'unique solution au traitement de la toxicomanie ». De plus, « la délivrance de produits de substitution ne doit s'envisager que limitée dans le temps », plaident-ils. Pour justifier leur position, les élus ajoutent que la substitution n'a pas seulement un coût pour l'assurance maladie, mais aussi pour l'Etat, car les personnes concernées « sont souvent à la charge de la société, et pour beaucoup leur vie durant, sans espoir de réinsertion sociale et professionnelle », ainsi que pour les personnes elles-mêmes en raison des effets des produits sur l'organisme.
Souhaitant que le sevrage redevienne « l'objectif premier » des politiques publiques, les députés recommandent d'augmenter le nombre de communautés thérapeutiques expérimentales ainsi que leur capacité d'accueil. Des structures qui, pour mémoire, proposent à un public de consommateurs dépendants à une ou plusieurs substances psychoactives un hébergement assorti d'un projet thérapeutique et d'insertion sociale dans un objectif d'abstinence. Ils suggèrent également de permettre le placement judiciaire dans ces structures et de garantir à chaque résident une formation professionnelle en liaison avec Pôle emploi ou en partenariat avec les entreprises.
Existant « sur le papier » (4), les communautés thérapeutiques restent dans les faits trop peu nombreuses, n'ont qu'une faible capacité d'accueil et sont peu connues, déplorent les parlementaires. En effet, depuis 2006, seuls quatre projets ont été retenus et le plan de lutte contre la toxicomanie présenté en juillet dernier n'a prévu l'ouverture que de trois structures supplémentaires d'ici à 2011. Sur les 87 millions d'euros de ce plan, seuls 3 millions leur sont consacrés, est-il rappelé.
(1) Politiques de sevrage en matière de toxicomanie : évaluation et propositions - Non publié.
(2) Rappelons que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a fixé une procédure de délivrance sécurisée pour certains médicaments, dont le Subutex - Voir ASH n° 2498 du 16-03-07, p. 23 et n° 2553 du 11-04-08, p. 8.
(3) Une mesure jugée inutile par l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie. D'autant plus que le débat semblait clos depuis 2006, date à laquelle Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, avait renoncé à cette inscription - Voir notamment ASH n° 2444 du 24-02-06, p. 45 et n° 2468 du 8-09-06, p. 13.
(4) Une circulaire du 24 octobre 2006 a fixé leur cahier des charges - Voir ASH n° 2483 du 8-12-06, p. 11.