«L'absence de création et d'abondement du fonds national de financement de la protection de l'enfance, destiné à compenser les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre de la loi [du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance], freine l'avancement de la réforme », déplore l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) dans son quatrième rapport annuel (1), remis à la secrétaire d'Etat chargée de la famille le 10 février. A cette occasion, Nadine Morano a annoncé qu'elle s'apprêtait à signer le décret relatif au fonds.
Mais même si la parution des textes d'application de la loi tarde (2), les organisations et les pratiques sur le terrain évoluent, relève l'observatoire. Il consacre ainsi essentiellement son rapport à la mise en place des cellules départementales de recueil des informations préoccupantes prévues par la loi. Et diffuse, « avec prudence », une estimation actualisée du nombre d'enfants bénéficiant d'une mesure de protection de l'enfance.
Réalisée entre avril et juin 2008, une enquête auprès des départements a permis à l'ONED d'établir un état des lieux du fonctionnement des cellules de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes. L'observatoire note ainsi que plus de la moitié des départements (54) avait créé un dispositif de centralisation du recueil de ces informations avant même la parution de la loi du 5 mars 2007. Au moment de l'enquête, il existait 68 cellules départementales. Plus nombreuses dans l'ouest et le nord de la France, elles sont, dans la plupart des cas, une structure légère plutôt qu'un dispositif étoffé doté d'un personnel pluridisciplinaire. En moyenne, elles emploient 3,6 personnes en équivalent temps plein, un chiffre qui varie néanmoins de 0,5 à 12. La plupart des départements ont adopté un fonctionnement centralisé, est-il précisé.
C'est au regard des missions assignées aux cellules que l'ONED formule des propositions d'amélioration. La loi a en effet prescrit un recueil, un traitement et une évaluation des informations préoccupantes « à tout moment » et élargi les possibilités de traitement de l'urgence hors du cadre judiciaire. Aussi l'observatoire recommande-t-il, pour les départements qui ne l'ont pas encore fait, de mettre en place un dispositif d'astreinte la nuit ou le week-end et un accueil provisoire en dehors des heures d'ouverture des services. Il souligne à ce titre l'importance des protocoles conclus entre la cellule départementale et l'autorité judiciaire pour clarifier les frontières entre une ordonnance de placement provisoire du parquet et un accueil provisoire décidé par les services du président du conseil général en dehors des heures d'ouverture.
Pour l'ONED, le protocole devrait aussi décrire le plus précisément possible la liste des situations dans lesquelles les personnes travaillant dans un service public ou dans un établissement public ou privé sont susceptibles d'aviser directement le procureur de la République en raison de la gravité des faits. Dans ce cadre, il estime nécessaire que le protocole détermine le contenu du rapport de signalement ainsi que « les modalités pratiques d'information réciproques pour que soit mise en place une navette régulière ».
La mise en place du système de transmission des données individuelles par les cellules départementales permettra, explique l'ONED, une connaissance plus précise des enfants bénéficiant d'une mesure de protection (3). La mise en place des observatoires départementaux de la protection de l'enfance, également créés par la loi du 5 mars 2007, contribuera aussi, selon lui, à une meilleure estimation des taux de prise en charge au niveau territorial. « En attendant », l'observatoire - qui s'est fondé sur la même méthode que les années précédentes pour estimer le nombre d'enfants en danger - rappelle la « fragilité de ces chiffres, issus de différentes sources » (4).
En 2006, le nombre des mineurs bénéficiant d'au moins une mesure de protection de l'enfance a augmenté de 4 %. Au 31 décembre, ils étaient ainsi 256 442 en France métropolitaine - 265 913 en incluant les départements d'outre-mer (DOM) -, soit 1,88 % de l'ensemble des mineurs. Les jeunes majeurs étaient 20 856 dans ce cas (21 387 en incluant les DOM), soit 0,88 % des 18-21 ans, des chiffres restés stables. Comme l'année précédente, l'ONED souligne des « contrastes départementaux toujours marqués ». Par ailleurs, sur la période 2003-2006, la proportion d'enfants bénéficiant d'au moins une mesure de prise en charge a crû en moyenne de 2,7 % par an tandis que le nombre d'enfants concernés par une double mesure a baissé, passant de 7 à 4 %.
Mettant en garde contre « les risques liés à une interprétation trop globale », l'observatoire propose une analyse des variations intra-départementales du taux de prise en charge des mineurs à partir d'indicateurs de contexte (5). Il relève ainsi que « l'[allocation aux adultes handicapés], la part d'hospitalisation des moins de 15 ans et le taux de suicide sont fortement corrélés avec la prise en charge, [ce qui] tendrait à montrer qu'une situation sociale fragile couplée à une situation économique précaire sont [autant] d'éléments influant sur l'intensité de la prise en charge en protection de l'enfance ». Des résultats qui doivent toutefois être nuancés, explique l'ONED, dans la mesure où chacun des indicateurs de contexte peut être influencé par d'autres indicateurs.
(1) Quatrième rapport annuel au Parlement et au gouvernement de l'Observatoire national de l'enfance en danger - Disponible sur
(2) Pour une présentation de la loi du 5 mars 2007 - Voir ASH n° 2502 du 6-04-07, p. 21 et n° 2505 du 27-04-07, p. 17.
(3) Les modalités de transmission des données recueillies par les cellules à l'ONED ont été récemment fixées par décret - Voir ASH n° 2589 du 2-01-09, p. 13.
(4) Les estimations sont réalisées à partir des données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
(5) Cette démarche consiste à « définir les facteurs de risques, autrement dit les paramètres qui semblent influencer, positivement ou négativement, le taux de prise en charge des mineurs par département » .