Faut-il des conseillers dédiés à l'accompagnement des jeunes sous main de justice dans les missions locales ? C'est en tout cas ce que défend Annie Jeanne, présidente de l'Association nationale des directeurs de missions locales (ANDML) (1) et co-auteur de l'enquête « Accompagnement des jeunes sous main de justice » conduite de novembre 2008 à janvier 2009. « Pour compléter l'action du milieu judiciaire, les missions locales ont besoin d'être soutenues. Pour rendre pertinent cet accompagnement spécifique, la formation de conseillers dédiés aux jeunes sous main de justice, mais aussi la formation de l'ensemble des conseillers aux arcanes judiciaires sont indispensables », affirme celle qui est également directrice de la mission locale de l'agglomération rouennaise. Elle s'appuie sur l'expérimentation menée depuis 2006 dans six départements par la délégation interministérielle à la ville (DIV), qui finance 25 postes de conseillers équivalent temps plein dans le cadre du CIVIS (contrat d'insertion dans la vie sociale) (2).
En France, 488 missions locales prennent en charge, chaque année, 1,2 million de jeunes de 16 à 25 ans afin de leur apporter des réponses en termes d'emploi, de formation, de logement ou de santé. Les jeunes sous main de justice représentent une partie de ce public (3) et nécessitent un investissement particulier des équipes.
L'enquête met en lumière les actions de l'ensemble de ces missions locales menées en direction des jeunes en milieu ouvert (sous contrôle judiciaire socio-éducatif ou sous mesure alternative à l'incarcération) et en milieu fermé (en maison d'arrêt ou établissement pour peine). S'il n'est pas possible de dresser un bilan complet des actions en faveur de ce public, l'étude a néanmoins permis de recueillir des données de 79 missions locales et de faire des extrapolations. Ainsi, l'action de l'ensemble de ces structures d'accueil concernerait environ 29 000 jeunes sous main de justice (4). Ce sont, pour la plupart, des jeunes majeurs (seulement 8 % sont des femmes et 11 % des mineurs), qui n'ont, en général, qu'un très faible niveau de formation de base. L'enquête estime à près de 10 000 le nombre d'entrées en formation dues à l'accompagnement des professionnels des missions locales, et à 17 000 le chiffre des entrées en emploi.
Pour atteindre ce public, les conseillers proposent des permanences, au sein même de leurs locaux (39 %), dans les établissements pénitentiaires (57 % en maison d'arrêt, 14 % en centre de détention), dans les centres éducatifs fermés (1,3 %) et quelquefois aussi dans des établissements du milieu ouvert (6 %). Ils y déploient des actions variées sous forme d'entretiens individuels, d'actions collectives (ateliers de recherche d'emploi, réflexions sur le droit et la citoyenneté...) et de partenariat (avec les services du milieu judiciaire et du ministère public, les professionnels du milieu ouvert et les acteurs de la politique de la ville).
« En recensant le travail conduit par nos missions locales, et en remettant cette étude au ministère de la Justice et à la DIV, nous demandons une extension du financement des postes de référents CIVIS au-delà du périmètre expérimental. Car il est nécessaire que tous les jeunes sous main de justice bénéficient d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi afin de mieux préparer la sortie de détention et de prévenir la récidive », affirme Annie Jeanne.
(1) ANDML : 33, avenue Champlain - 76100 Rouen - Tél. 02 32 81 12 08 -
(2) 1,2 million d'euros imputé sur le Fonds interministériel à la ville.
(3) Conformément à la loi sur l'informatique et les libertés qui encadre la création de fichiers, et pour des raisons éthiques, les équipes des missions locales s'emploient à ne pas stigmatiser ces personnes par une identification inopportune.
(4) Sur la base de 4 080 jeunes pour 69 missions locales ayant répondu à cette question.