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« FAIRE ÉMERGER UNE PENSÉE CRITIQUE ET UNE PAROLE CITOYENNE »

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Le collectif de « l'appel des appels » (1) a tenu sa première journée d'échanges le 31 janvier, réunissant à Paris près de 1 000 personnes. Un premier succès pour ce rassemblement interprofessionnel qui s'élève contre « le reformatage des pratiques professionnelles en fonction des valeurs marchandes ». Roland Gori, psychanalyste et professeur de psychopathologie à Marseille, précise qu'il ne s'agit pas d'organiser la désobéissance civile, mais de générer un mouvement de réflexion.

Comment est né cet appel ?

Depuis plusieurs années, des pétitions, des appels en tout genre, sont lancés par les professionnels du soin psychique, du médico-social, de l'éducation, de la recherche, de la justice, du journalisme, de la culture, témoignant de signes de colère et de souffrance. Tous formulent la même plainte :

Ce temps des pétitions est dépassé et il est souhaitable non pas d'avoir un traitement symptomatique de ce grand corps social malade, mais de prendre un temps d'analyse pour extraire la logique sous-jacente à ces manifestations. Il s'agit de faire un travail d'archivage de ce qui souffre dans nos pratiques professionnelles et de comprendre en quoi elles sont imputables à une nouvelle politique de civilisation inspirée des valeurs du capitalisme financier (mobilité, flexibilité, compétition, concurrence, cynismes sociaux de toutes sortes). Il ne s'agit pas d'attaquer une réforme ou un personnage politique, mais de réfléchir, au sein de séminaires élargis, à partir de témoignages de milieux professionnels variés, aux causes de ce malaise et de repérer les dispositifs de normalisation sociale qui produisent ces souffrances.

En quoi cet appel est-il novateur ?

Ce qui est nouveau, c'est cette transversalité entre différentes formes de protestations sociales et culturelles contre une civilisation qui tend à transformer l'homme en instrument. Le plus impressionnant est le nombre de réponses : nous en sommes à plus de 60 000 signatures (au 2 février). Nous ne nous y attendions pas !

Lors de la journée du 31 janvier, l'unité n'a pas toujours été au rendez-vous...

En effet, la journée s'est déroulée en deux temps. Le matin, des témoignages institutionnels de magistrats, de chercheurs, de médecins, d'assistants sociaux, d'enseignants... ont mis en évidence que tous se heurtaient au même problème : au nom d'une certaine idéologie comptable, on tend à formater les conduites individuelles et sociales par des dispositifs qui pervertissent leurs pratiques professionnelles. L'après-midi, la parole était aux témoignages spontanés de professionnels de terrain. Chacun, dans son secteur, a pu s'exprimer. Ces témoignages ont suscité beaucoup d'émotion. Face à une telle douleur, quelques-uns ont appelé à la grève générale, la désobéissance civile. Certains voient dans cette initiative une alternative à des formes de protestations politiques. Mais ce n'est pas l'objet de cet appel. Il ne s'agit pas d'organiser la désobéissance civile mais de partager nos expériences pour ne pas adhérer à des processus de normalisation sociale et de servitude.

Qu'allez-vous faire concrètement ?

Nous sommes en train de constituer un collectif multiprofessionnel, capable de rassembler, de mutualiser et de donner un écho à toutes les expressions de ce malaise et de faire émerger une pensée critique et une parole citoyenne. Nous allons soutenir la création de comités locaux d'échanges, de réflexion et d'actions transversales aux secteurs socioprofessionnels, à condition qu'ils répondent à une charte morale que nous définirons. Nous allons réorganiser le site Internet de « l'appel des appels »

afin d'en faire une banque de données et de témoignages, mais aussi un forum d'échanges. Nous prévoyons une nouvelle journée de rencontre le 21 mars prochain, dont le lieu et le programme seront définis dans les jours à venir.

« Nos missions sont reformatées en fonction de valeurs marchandes, concurrentielles, loin des principes fondamentaux de solidarité qui les ont fondées. »

(1)

Notes

(1) Voir ASH n° 2592 du 16-01-09, p. 23 - Parmi les signataires de l'appel figurent « Pas de zéro de conduite », MP4, « Non à Edvige », « Non à la destruction de la psychiatrie publique et de secteur », « Sauvons les RASED »...

(2) www.appeldesappels.org.

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