«Les maladies mentales se classent au troisième rang des maladies en termes de prévalence. » Un « bilan qui devrait s'alourdir dans les prochaines années [...] si des mesures ne sont pas prises rapidement ». C'est l'alerte lancée par la commission sur la santé mentale et la psychiatrie, présidée par Edouard Couty, conseiller maître à la Cour des comptes. Dans son rapport remis à Roselyne Bachelot le 29 janvier (1), elle estime qu'« une loi est nécessaire » pour « intégrer les différentes facettes de l'accompagnement et des prises en charge des usagers en santé mentale, des familles et des proches des malades ». Une proposition d'ores et déjà retenue par le ministère de la Santé qui annonce un projet de loi « au printemps », texte qui devrait comporter un volet sur les hospitalisations sans consentement. La commission préconise également la création, au niveau national, d'une mission « santé mentale » placée auprès de la ministre. Recommandant d'intégrer dans cette politique « un important volet social et médico-social », elle formule une série de propositions pour améliorer la prise en charge des personnes concernées.
« Donner à la politique de santé mentale une impulsion nouvelle » implique, selon la commission, de garantir et de renforcer la participation des usagers et des familles dans les différentes instances du système de soins. Elle propose ainsi d'étendre la représentation institutionnelle des associations tant au niveau national (Conseil national consultatif des personnes handicapées, conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie...) que régional (agences et conférences régionales de santé...) et départemental (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées...). Autres préconisations : assurer l'autonomie financière des associations grâce à un financement public et pérenne, et accélérer le développement des groupes d'entraide mutuelle qui « apparaissent particulièrement adaptés à la situation et aux besoins actuels des personnes handicapées psychiques ».
Pour la commission, « la continuité des prises en charge passe par la capacité de la psychiatrie à garder le contact avec les patients ». Selon elle, « l'aggravation de l'état pathologique est à la fois cause et effet d'un affaiblissement ou d'une perte du contact entre le patient et le dispositif de soins ». Une situation qui « a souvent pour origine une perte de repères, des problèmes d'isolement social, des difficultés matérielles, en particulier de logement ». Estimant que la prise en charge psychiatrique « ne peut [...] se concevoir sans une dimension d'organisation de la vie quotidienne des malades », elle identifie deux dispositifs pouvant contribuer à maintenir le contact : la désignation d'un responsable de suivi individuel de chaque patient, chargé de faire des points réguliers sur son état de santé et sa situation sociale ainsi que le développement de la visite à domicile.
Le rapport « Couty » recommande encore de définir réglementairement une organisation graduée des soins psychiatriques en trois niveaux : un niveau de proximité, un « niveau du territoire de santé qui assure l'hospitalisation » et un niveau régional ou interrégional d'expertise. Il préconise également la création de groupements locaux de coopération pour la santé mentale (GLC) dont la vocation serait de « regrouper l'ensemble des opérateurs qui, à un titre ou à un autre, - soins, mais aussi prévention, accompagnement médico-social, opérateurs sociaux dans différents domaines (logement, emploi, réinsertion) - doivent intervenir dans la chaîne des prises en charge ». Placés sous la responsabilité des futures agences régionales de santé, les GLC auraient la responsabilité de mettre en oeuvre une politique locale de santé mentale. Au sein de ces groupements, des conseils locaux pour la santé mentale seraient notamment chargés de définir les objectifs et les moyens d'un projet local de santé mentale. Autre proposition : « développer les structures de soins de réhabilitation psychosociale et d'éducation thérapeutique du patient en psychiatrie ».
« Les personnes présentant des troubles psychiques sont fortement surreprésentées dans les établissements pénitentiaires. » C'est pourquoi la commission prône de renforcer la coordination entre les ministères de la Santé et de la Justice grâce à la désignation d'une personnalité qualifiée chargée d'assurer cette mission et notamment de l'élaboration d'un cahier des charges national précisant le rôle de chaque intervenant, les missions et les modes de prise en charge. Elle recommande également d'accélérer la création des unités hospitalières spécialement aménagées et de l'adapter à l'évolution de la population carcérale.
Enfin, la commission dénonce « une très importante disparité géographique dans la répartition des moyens consacrés à la psychiatrie », liée non seulement à des écarts de dotations entre les établissements mais aussi au « manque d'attractivité de certaines parties du territoire dans lesquelles les postes offerts aux professionnels sont difficiles à pourvoir ». Aussi préconise-t-elle des « expérimentations de fonctionnements innovants d'équipes psychiatriques visant en particulier à intégrer de jeunes professionnels » car l'attractivité « est en lien étroit avec l'intérêt de la pratique professionnelle et les conditions de travail ».
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