Comme de coutume, la Cour des comptes fait état, dans son rapport annuel présenté le 4 février (1), de la bonne ou de la mauvaise utilisation des deniers publics, s'appuyant sur des exemples concrets qui mettent en lumière les succès mais aussi les difficultés rencontrées par les administrations. Au menu de son rapport 2008, figurent notamment les politiques relatives à l'accueil des demandeurs d'asile, à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et au soutien à la parentalité.
La Haute Juridiction financière n'avait plus traité spécifiquement de la politique de l'asile depuis son rapport annuel de 2000. L'évolution de la législation, de l'organisation administrative et du dispositif d'action sociale ces dernières années l'a poussée à s'y repencher. Elle constate en premier lieu de nombreuses améliorations dans la prise en compte des demandes d'asile, évoquant notamment la définition d'un nouveau cadre administratif permettant désormais à un service unique de piloter l'ensemble du système (2). L'effort entrepris pour clarifier les rôles respectifs des différents intervenants doit toutefois être poursuivi, estiment les juges de la rue Cambon, alors même que la création d'un nouvel opérateur - l'Office français de l'immigration et de l'intégration (3) - est prévue en 2009. Ils recommandent à cet égard de bien définir les missions de cette instance en matière d'asile, d'évaluer les moyens qui devraient être mis au service de la mission de premier accueil et de préciser le rôle de l'opérateur en matière d'aide au retour volontaire.
Pour la Cour des comptes, il subsiste par ailleurs « d'importants problèmes notamment en matière de délais de traitement des dossiers et de disponibilité des places d'hébergement ». Un sujet de préoccupation à l'heure où la demande d'asile repart à la hausse (voir ce numéro, page 21).
Sur la question des délais de traitement, la cour estime que les efforts de réduction sont encore insuffisants, même si ces délais sont moins longs qu'auparavant « grâce aux modifications des textes intervenues en 2003 et 2004 ». En outre, l'augmentation des moyens en personnels, locaux et crédits a permis de résorber les stocks de dossiers, tant à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qu'à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). « Il n'en reste pas moins que le délai actuel est de 17 mois », soulignent les juges. Une durée qui, selon eux, va en définitive « inévitablement augmenter » du fait également des « incidences de l'évolution des procédures juridictionnelles ». La Haute Juridiction évoque ainsi l'augmentation du nombre de renvois d'affaires lors des audiences par les formations de jugement de la CNDA, « due principalement à la qualité croissante des dossiers, du fait de l'intervention des travailleurs sociaux en centres d'accueil pour demandeurs d'asile [CADA], de l'action de nombreuses associations ainsi que de celle des avocats ». Pointées du doigt également : les audiences « de plus en plus lourdes » (du fait de l'augmentation du taux de recours à un avocat ou encore de la hausse des demandes d'aide juridictionnelle...). Mais aussi les incidences des « réouvertures en raison d'éléments nouveaux postérieurs à la décision d'origine de refus » (6 088 en 2007) qui, écrivent les juges, peuvent constituer un « facteur de charges supplémentaires pour l'Etat », en plus d'être parfois utilisées comme un « moyen de demeurer en France en faisant obstacle à l'autorité de la chose jugée ». Au final, pour la cour, il est « illusoire de penser obtenir une réduction du délai global de traitement OFPRA/CNDA, sauf à réduire les délais de procédure par des textes, ce qui n'est pas actuellement envisagé ».
Sur la question de l'hébergement des demandeurs d'asile, la Cour des comptes note l'« effort incontestable » produit par l'Etat pour augmenter les capacités d'accueil. Les résultats obtenus sont toutefois jugés « insuffisants ». En effet, en 2007, « l'augmentation des capacités et la baisse du flux global de demandes d'asile ont simplement permis le maintien du taux d'accès au dispositif au niveau atteint en 2006, soit 38 % ». « La situation risque en conséquence de se détériorer avec la nouvelle hausse prévisible des arrivées », estiment les juges, qui recommandent en particulier d'améliorer la gestion des sorties de CADA. Sorties des personnes déboutées mais aussi des réfugiés statutaires. Pour quitter le centre, ces derniers doivent pouvoir disposer d'un logement, rappelle le rapport. Or leur accès au logement, dans un contexte national difficile, est « encore compliqué par l'entrée en vigueur du droit au logement opposable ». La cour propose de recourir aux places des centres provisoires d'hébergement (CPH). Problème : les entrées et les sorties y sont de plus en plus restreintes et « le ratio de places de CPH par rapport aux places de CADA s'est dégradé avec le développement de ces dernières ». Rétablir l'équilibre de ce ratio éviterait l'engorgement en amont des CADA, affirment les juges. Une autre voie consisterait à recourir davantage à l'accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi et au logement des réfugiés ayant signé un contrat d'accueil et d'intégration, prévu par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (4). Une possibilité insuffisamment utilisée à leurs yeux.
En novembre 2005, la Cour publiait un rapport particulier consacré aux personnes âgées dépendantes et soulignait déjà, après un vaste travail de contrôle et d'évaluation, « les inadaptations et les insuffisances de l'offre de services et d'équipements, les lacunes des outils de pilotage et de contrôle de la qualité de la prise en charge et la complexité des circuits de décision et de financement ». La cour alertait par ailleurs les pouvoirs publics sur les difficultés de financement à venir et appelait à une clarification et à une consolidation des financements. Son rapport intervenait alors que se mettait en place un nouvel acteur majeur du secteur : la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), à laquelle étaient affectées des ressources nouvelles issues de la contribution de solidarité pour l'autonomie. Alors même que se préparent des projets de loi (notamment sur le cinquième risque) qui pourraient à nouveau faire évoluer le dispositif de prise en charge, les juges de la rue Cambon ont souhaité établir un nouveau bilan et ont conduit, pour ce faire, un nouveau contrôle au niveau national et dans sept départements. Leurs conclusions mettent en évidence « de nombreux atermoiements ». « Sur le terrain, les modalités de prise en charge à domicile et en établissement (conditions d'accueil, qualité des soins...) n'ont que peu évolué, situation en partie explicable par le temps nécessaire, notamment pour le nouvel opérateur, pour infléchir les pratiques (en particulier des départements) », explique la Haute Juridiction, qui estime toutefois qu'« on aurait pu [...] s'attendre à ce que la mise en place de la CNSA et la création de recettes nouvelles constituent l'occasion d'une clarification plus nette des circuits financiers et des processus de décision ». Or il n'en a pas été ainsi et « la question du financement des charges à venir en matière de dépendance reste entière ». Au rayon des critiques, pêle-mêle : le système de pilotage demeure « complexe », les circuits financiers « peu lisibles », les responsabilités « éclatées entre de multiples acteurs » (départements, assurance maladie, Etat notamment) tandis que les nouvelles recettes créées en 2004 « ne pourront pas couvrir la forte augmentation attendue des charges à venir ». Au final, dans la perspective d'une nouvelle réforme législative du secteur, la cour souligne à nouveau « la nécessité d'identifier clairement un pilote au niveau national, ainsi qu'au niveau local », d'harmoniser les pratiques départementales et de « clarifier très rapidement les sources de financements à affecter à la politique en faveur des personnes âgées dépendantes ».
La Cour des comptes s'est également intéressée aux actions de soutien à la parentalité, un ensemble de mesures « diverses et mal connues » visant à appuyer et à soutenir les parents en difficulté durable ou passagère dans leur rôle au quotidien vis-à-vis de leurs enfants : médiation familiale, réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP), conseil conjugal et familial... Autant d'actions financées principalement par l'Etat et la branche famille de la sécurité sociale et mises en oeuvre par des associations - familiales ou du secteur social - qui recrutent des bénévoles ou des professionnels rémunérés pour cette tâche exerçant, pour la majorité de leur temps, une activité salariée (avocat, travailleur social, psychologue...). La Haute Juridiction financière regrette en premier lieu que ces « dispositifs dispersés géographiquement et sans articulation entre eux » soient peu ou mal évalués. Par ailleurs, « les financements sont épars, mal connus et les ressources de certains dispositifs frappées d'incertitude ». La Cour des comptes pose donc la question de leur pilotage, notamment local. Il doit « avant tout être uniformisé pour devenir commun à l'ensemble des démarches de prévention, pour que les décisions, y compris celles relatives à leur financement, soient prises au plus près des besoins des parents », estiment les juges. A cet égard, « les collectivités territoriales pourraient jouer un rôle déterminant dans la définition et la conduite des politiques locales de soutien aux parents, notamment les plus démunis ». Toutefois, « à ce jour, leur mobilisation reste hésitante et les financements qu'ils accordent aux acteurs de la parentalité, dans de nombreux cas, sont aléatoires ».
« Les caisses d'allocations familiales, quant à elles, se déclarent prêtes à assumer ce rôle en s'appuyant notamment sur l'expérience qu'elles ont capitalisée, en particulier dans le pilotage ou le copilotage des REAAP et de la médiation familiale », note le rapport. « Si tel était le choix retenu, il conviendrait de prévoir l'articulation avec les départements, qui définissent et mettent en oeuvre la politique d'action sociale. »
O. S.
(1) Disponible sur
(2) Rappelons qu'il existe désormais au sein du ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire créé en 2007, un service unifié chargé de la réglementation relative au droit d'asile et aux réfugiés et de la prise en charge sociale des personnes concernées.
(3) Le nouvel opérateur sera la fruit de la fusion entre l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations et les services de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances qui gèrent les formations linguistiques.