L'auteure s'appelle Fanny, et son alter ego de papier, la narratrice de l'histoire, Julie. Elles vivent toutes deux à Marseille. Où elles sont assistantes sociales. Julie travaille à mi-temps dans un institut de rééducation, le reste du temps dans un accueil de nuit pour SDF. Fanny Guillon, elle, s'est peu à peu engagée dans le milieu associatif, et plus particulièrement dans celui lié à la grande précarité. Elle préside aussi la compagnie de conteurs Les Balladons et intervient sur la scène slam marseillaise. Dans ce premier roman, elle évoque le quotidien du travail en institution, dans lequel est plongée la jeune assistante sociale fougueuse, et parfois excessive, qui en découd chaque jour avec son directeur et craint de trop s'investir avec les usagers. C'est également l'histoire de Sarah, abusée sexuellement, de Katia, toxicomane, de l'« homme invisible » qui a toujours froid. Julie s'interroge sur le secret partagé. Jusqu'où s'immiscer dans la vie des familles ? Comment laisser sa vie personnelle à la porte du bureau ?
L'effondrement pourrait raconter une histoire ordinaire, des situations inextricables mais tristement banales. Pourtant, l'auteure, malgré quelques imperfections et des changements de ton parfois déroutants, parvient à coups de stylo acérés et de belles trouvailles littéraires à lui donner relief et perspective. Avec mordant, Fanny Guillon signe un livre énervé et engagé.
L'effondrement - Fanny Guillon - Ed. La Tangente - 9 €
Ça commence comme de la science-fiction. A Neuvel-sur-Treste, dans le Département Perdu, Anne Dubret est assistante sociale. Elle reçoit les habitants de la « ZUP animée de la Lune Rousse » et rend visite à « Madame Cristal », au « couple Charente-Poitou », ou à Marraine. Le planning, strict et serré, ne résiste pas longtemps. Imprévus, obstacles, urgences s'y engouffrent. Au point de le faire éclater, de transformer les journées en épopée irréelle. Et pourtant, c'est de son expérience professionnelle que l'auteure s'inspire. Assistante sociale depuis trente ans, elle a entrepris de la raconter en sept livres, dont le premier vient d'être publié et vise à « retracer un quotidien trop lourd et sa constante remise en cause ».
Ça se poursuit comme un polar. L'odeur a alerté les pompiers. L'indicible se cache dans l'appartement de Myriam, jeune maman qu'Anne Dubret a suivie pendant quelques mois. Myriam n'a pas voulu poursuivre. Sous le choc, Anne répond froidement aux questions de la police. Se sent impuissante et responsable, car les morts commencent à s'accumuler autour d'elle.
Ça se termine en roman intimiste. Cynique, exaspéré. Marre de situations trop éprouvantes, d'une précarité qui monte quand les moyens s'épuisent, marre aussi d'être le « bouc émissaire d'usagers qui veulent toujours plus ». De ne même pas pouvoir pleurer, de devoir agir mécaniquement. Anne atteint ses limites. Sous le pseudonyme d'Agnès Andersen, l'auteure dépeint avec force et sans masque un monde intérieur qui vire au cauchemar, un univers personnel poétique et dramatique, transformant ce qui aurait pu rester un journal intime en oeuvre littéraire.
L'assistante sociale ne répond plus - Agnès Andersen - Ed. Bataille (daniel.bataille @wanadoo.fr) - 15 €