La France compte aujourd'hui environ trois millions de personnes en situation de handicap qui éprouvent des difficultés « plus ou moins considérables, parfois insurmontables » pour accéder aux soins, dénonce un rapport rendu public le 23 janvier, fruit d'une audition publique organisée les 22 et 23 octobre dernier par la Haute Autorité de santé (1) Dressant l'inventaire des difficultés rencontrées (2), la commission d'audition - présidée par Jean-Michel Belorgey (voir aussi ce numéro, page 38) - propose « aux pouvoirs publics et à la société dans son ensemble une démarche permettant de faire droit aux attentes des personnes handicapées ». Une démarche « sous-tendue par la conviction que, lorsqu'on parle d'une personne handicapée, le handicap ne doit pas occulter la personne », explique-t-elle.
L'exigence d'un traitement non discriminatoire des personnes handicapées peut comporter celle de traiter différemment, « autant qu'il est nécessaire », des personnes dans des situations différentes car un traitement identique serait de fait inégal, rappelle la commission. Cependant, avertit-elle, « elle ne doit pas être interprétée comme rendant systématiquement nécessaires des actions spécifiques car ceci ferait alors surgir un risque majeur de ségrégation ». Pour elle, la mise en état des structures de droit commun est donc prioritaire pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap comme à ceux de l'ensemble des usagers. Elle peut passer par la création, soit à l'intérieur des structures de droit commun, soit à l'extérieur et à proximité, d'instances ou d'équipes susceptibles de conseiller, de former ou d'apporter un appui, sans toutefois que les personnes handicapées soient contraintes d'emprunter des circuits spécifiques ou de satisfaire à des formalités particulières. S'« il peut également se révéler indispensable, après y avoir regardé à deux fois, de créer des structures spécifiques », la commission estime que cela « ne doit pas être un réflexe de facilité ».
La personne handicapée doit être mieux informée sur ses « troubles », sur la manière dont vont être effectués les soins et sur les conditions d'une éventuelle hospitalisation. Objectifs : diminuer son anxiété, favoriser sa compréhension et l'aider à formuler un consentement aux soins le plus éclairé possible. Pour y parvenir, la commission recommande, « chaque fois que cela est nécessaire », de recourir aux moyens et aux dispositifs d'accompagnement avec lesquels la personne handicapée est en lien (y compris les associations). Les professionnels de santé doivent également être mieux formés et plus impliqués, notamment grâce à des formations consacrées à l'éthique ou à la diffusion de recommandations de bonnes pratiques.
Pour la commission, les établissements et les services médico-sociaux ont une place « centrale » dans l'accès effectif aux soins, « à condition que les équipes soient assez nombreuses pour déléguer un de leurs membres afin d'accompagner les personnes vers les lieux de soins ». Aussi préconise-t-elle la mise en place d'une « démarche globale allant de l'intégration du projet de soins dans le projet de l'établissement jusqu'à l'inscription d'un parcours de prévention et de soins lors de maladies intercurrentes ». Sous certaines conditions, elle estime que les services d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés sont a priori ceux qui répondent le mieux à la problématique de l'accès aux soins.
La commission recommande de réajuster le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire pour qu'elle puisse bénéficier aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés. Elle juge également nécessaire de reprendre la réflexion sur le critère d'inclusion ou d'exclusion des différentes catégories de soins dans la mission et le budget des établissements. Autre préconisation : réviser la tarification/cotation des actes médicaux prodigués aux personnes handicapées (ou en prévoir une) pour tenir compte des surcoûts qu'ils comportent (interprètes, matériels et personnels supplémentaires...). Ce qui permettrait de ne pas dissuader les professionnels de les accomplir et de ne pas en laisser la charge aux personnes handicapées. Autant de propositions formulées en tenant compte du fait que « le système de santé n'est pas toujours non plus capable de satisfaire pleinement les besoins de n'importe quel usager ». « Il se pourrait d'ailleurs [qu'il] en soit de moins en moins capable compte tenu des contraintes que font peser sur lui la surcharge démographique et la limitation des ressources », conclut la commission.
(1) Disponible sur
(2) Ces difficultés peuvent être liées à des obstacles généraux, tels que le vécu de la personne elle-même, le défaut de compétence ou de disponibilité des professionnels, l'inaccessibilité ou l'inadaptation des services, l'insolvabilité des personnes concernées. S'y ajoutent des obstacles dits « particuliers » selon que la personne handicapée vit à domicile ou en établissement, spécifiques au type de handicap ou encore résultant de ruptures liées aux seuils d'âge.