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Protection de l'enfance : l'investigation en danger

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On assiste à une « diminution sans précédent » des moyens alloués aux services d'investigation du secteur associatif habilité, alerte Jacques Le Petit, secrétaire de la FN3S . Une tendance qui, souligne-t-il, met en péril le fonctionnement de la justice des mineurs et le respect du contradictoire.

« Le 21 novembre dernier, le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), en clôturant les journées d'études de la FN3S à Paris, déclinait le projet stratégique national de la PJJ et manifestait son souhait que plusieurs missions soient prises en charge tant par le secteur public que par le secteur associatif habilité. Chacun sait, par exemple, que ce dernier participe de manière très importante à la prise en charge des mineurs en centre éducatif fermé ou en centre éducatif renforcé au pénal. Quant aux mesures d'investigation (investigation et orientation éducative [IOE] et enquête sociale [ES]), le secteur associatif, dès avant l'ordonnance du 23 décembre 1958, a exercé très majoritairement ces mesures d'aide à la décision, principalement confiées par les juges des enfants.

Depuis plus de 60 ans, la FN3S(1) a toujours été un partenaire engagé et un interlocuteur actif de l'administration centrale, que ce soit pour la mise en oeuvre de la mesure d'IOE, le regroupement des services IOE/ES, la complémentarité entre les secteurs public et privé, les indicateurs de convergence tarifaire ou la présence aux groupes de travail. Récemment, une convention de partenariat a même été signée avec la DPJJ pour que la fédération soit une réelle force de proposition et apporte sa contribution aux groupes de travail comme celui de l'aide à la décision du magistrat.

Tout irait donc bien, si ce n'est que, de toutes les régions, remontent actuellement vers les administrateurs de la fédération des informations faisant état de diminutions de moyens dans les services, comme jamais vu à ce jour [sur le même sujet, voir également ce numéro, page 22].

L'instauration de la loi organique sur les lois de finances (LOLF), la limitation des crédits, le « recentrage » de la PJJ sur ses missions, la complémentarité public-privé ont amené depuis plusieurs années une diminution sensible des moyens alloués aux services d'investigation du secteur associatif habilité. Certes, la diminution progressive des enquêtes sociales, moins utilisées par les juges des enfants, peut entraîner ici ou là une baisse des moyens. Certes, et nous n'y avons jamais été opposés, une baisse des mesures d'IOE ou d'ES peut amener un ajustement dans le cadre de la négociation budgétaire - même si cela n'est pas simple au regard des effets collatéraux : diminution des postes de secrétaire, psychologue, chef de service, directeur pour la mesure d'IOE...

« Ce sera pire en 2010 ! »

Mais aujourd'hui, c'est de tout autre chose qu'il s'agit. Alors que l'activité de plusieurs services associatifs est conforme aux prévisions 2008, ce sont des suppressions de postes qui se profilent dans le cadre des négociations budgétaires régionales 2009. Les échos qui nous parviennent des réunions régionales de tarification (dialogues de gestion dans les directions régionales de la PJJ) sont alarmants. Les effectifs du secteur associatif, comme ceux du secteur public d'ailleurs, fondent comme neige au soleil. Et il semble que l'on n'ait encore rien vu, nous dit-on. Les difficultés budgétaires, la rigueur de Bercy, la révision générale des politiques publiques sont autant d'arguments avancés pour nous faire comprendre que ces réductions ne sont qu'une étape. Ce sera pire en 2010 ! Et certains nous annoncent même la suppression fin 2011 de toutes les mesures d'investigation confiées au secteur associatif habilité.

Le budget 2009 avec le maintien des crédits pour l'IOE et un léger mieux pour l'enquête sociale est, en fait, un trompe-l'oeil. C'est bien le début d'une diminution sans précédent des moyens alloués aux mesures d'investigation qui serait programmée et à un moment très inopportun.

Dans le cadre du groupe de travail « aide à la décision du magistrat » auquel participe la fédération, des propositions ont été formulées pour adapter la mesure d'enquête sociale au civil comme au pénal aux nouvelles demandes des juges. Aurons-nous le temps de les finaliser et de les expérimenter ? Apparemment non, puisque des services d'enquêtes sociales ont fermé fin décembre 2008.

Dans le cadre pénal, la FN3S l'a rappelé dans sa contribution adressée à la commission présidée par André Varinard, répondre aux besoins d'investigation pour les mineurs est une impérieuse nécessité. Les préconisations de la commission en matière d'instruction vont dans le bon sens (on pourra toujours discuter de la durée) (2) Mais le seul secteur public peut-il prendre en charge l'exécution de ces mesures d'investigations pénales ?

L'application des mesures issues de la loi réformant la protection de l'enfance ne supprimera pas le recours au judiciaire : les premiers constats 2008 nous montrent que malgré l'instauration des cellules départementales de recueil des informations préoccupantes, l'activité des tribunaux pour enfants demeure forte.

En effet, et malgré les leitmotive d'aujourd'hui - déjudiciarisation et subsidiarité -, les mesures d'instruction en assistance éducative sont une réelle aide à la décision du magistrat mais aussi une aide effective aux mère, père etmineur(s). La loi du 5 mars 2007 a modifié substantiellement le système judiciaire de protection de l'enfance puisque, aujourd'hui, c'est - entre autres - la non-collaboration des parents qui détermine cette entrée. Il est important pour la démocratie et pour le respect du contradictoire que les juges des enfants puissent toujours missionner un service d'IOE ou d'ES public ou privé. Il importe, pour le bon fonctionnement de la justice des mineurs, que chaque mineur et/ou parent puisse donner son point de vue, indépendamment de la personne ou de l'institution qui a signalé. Cette mission régalienne de l'Etat est une opportunité pour les mineurs et leurs parents, même si elle a un coût.

En conclusion, au regard de l'inquiétude qu'engendre la situation actuelle dans les services du secteur associatif habilité exerçant des mesures d'investigation et dans l'attente de la circulaire de tarification 2009, la FN3S a réuni récemment 130 services adhérents et doit rencontrer prochainement, avec le réseau interassociatif, le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce sera l'occasion de renouveler sa demande d'un moratoire sur la suppression de postes dans les services d'investigation, de dresser un bilan de l'expérimentation du regroupement des services d'enquêtes sociales et d'IOE, et de prévoir un cadre budgétaire adapté. »

Contact : FN3S - 78 bis, boulevard Foch - 54520 Laxou - Tél. 03 83 94 22 47 - fn3s@wanadoo.fr.

Notes

(1) Fédération nationale des services sociaux spécialisés de protection de l'enfance et de l'adolescence en danger.(2) Voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 5.

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