Une femme confrontée à la précarité rencontre-t-elle les mêmes difficultés qu'un homme ? C'est ce qu'a voulu savoir le groupe « Femmes et précarité » de la mission d'information sur la pauvreté et l'exclusion sociale (MIPES) d'Ile-de-France, en conduisant une étude sur les conditions de vie de la population féminine précarisée (1) - qui ne prend toutefois pas en compte les personnes souffrant de graves troubles psychiatriques. Les résultats de cette enquête qualitative, menée auprès de 26 femmes âgées de 50 à 65 ans vivant à la rue, en centre d'accueil ou en foyer d'hébergement, ont été dévoilées lors d'un colloque le 20 janvier à Paris.
L'étude est centrée sur les femmes de plus de 50 ans, parce que « cette tranche d'âge de la vie particulièrement délicate, durant laquelle peuvent se cumuler les difficultés matérielles, familiales et personnelles, ne bénéficie pas d'une prise en charge aussi importante que celle des jeunes femmes ou de celles avec enfants », précise la MIPES, qui veut faire évoluer le regard porté sur ce public et impulser une évolution dans les conditions d'accueil. Le nombre de femmes à la rue a tendance à augmenter ces dernières années, même si elles restent minoritaires : à Paris, par exemple, 37 % des usagers des services d'hébergement et de distribution des repas chauds sont des femmes (2). Si le sans-abrisme masculin est souvent lié à la perte d'emploi, il s'explique pour les femmes davantage par la rupture des liens familiaux. Autre caractéristique : les femmes, qui ne veulent pas être stigmatisées comme « clochardes », sont très attachées à l'hygiène corporelle. Ce qui n'empêche pas certaines d'entre elles, au contraire, dans une stratégie de « survie », de se négliger afin d'écarter les « autres », plus particulièrement les hommes, et de se protéger des agressions sexuelles. Car toutes font mention d'agressions ou de risques d'agression et de la peur qu'elle ressentent lorsqu'elles vivent à la rue.
Toutes les interviewées témoignent avoir déjà été en relation avec le 115, mais ont à son sujet une opinion négative. Elles évoquent la difficulté d'obtenir un interlocuteur ou encore des propositions de lieux d'hébergement aux conditions sanitaires catastrophiques, avec le risque d'être agressées ou volées. Elles ne comprennent pas pourquoi des lieux d'accueil ne sont pas réservés aux femmes. Sur les institutions - mairie, ANPE, CAF, préfecture, justice -, leur jugement est également négatif, à l'exception des services de police (sauf pour celles en situation irrégulière) et des hôpitaux. En effet, leur attente est forte à l'égard des services publics et des travailleurs sociaux et, quand ceux-ci ne répondent pas à leurs besoins, leur sentiment d'injustice, d'incompréhension, voire de colère, augmente. Néanmoins, précisent Corinne Lanzarini, sociologue, et Odile Maurice, assistante de service social à la « Voix de l'enfant », qui ont présenté les résultats, ces femmes, dans leur majorité, ont des rêves réalistes de réinsertion dans la société. Elles affirment que le logement est la première condition de réinsertion pour ne plus peser sur leur entourage et la société. Après, elles chercheront du travail ou un stage. « Il s'avère en tout cas, conclut l'étude, que bien qu'elles véhiculent une image de parias, leur organisation de vie ou plutôt de survie, leur schéma de pensée, leurs aspirations et leur combat sont à l'image de ceux du reste de la population. »
(1) Pour plus de détails, voir aussi notre article sur
(2) Source : « Regards sur la parité : femmes et hommes » - INSEE - Paris 2004.