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ENFANTS DE SANS-PAPIERS : « UNE PERPÉTUELLE INSÉCURITÉ MATÉRIELLE ET PSYCHIQUE »

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Lancée par des pédopsychiatres et des travailleurs sociaux des services de psychiatrie infanto-juvénile, une pétition alerte l'opinion sur l'état de santé des enfants de parents sans papiers (1). Rencontre avec Claire Puybaret-Bataille, pédopsychiatre au centre médico-psychologique (CMP) du IXe arrondissement de Paris.

Quel est l'objet de cette pétition ?

Dans nos services de psychiatrie infanto-juvénile, nous nous sentons impuissants face à l'état de santé psychique des enfants de parents sans papiers. Nous voulons sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics aux graves conséquences pour ces derniers de la situation de survie dans laquelle sont plongées leurs familles en attente de régularisation. Nous constatons bien souvent que leurs droits fondamentaux sont bafoués : droit d'être soignés, de vivre en famille, d'être protégés. Et alors que les conditions d'obtention de cartes de séjour sont de plus en plus sévères. Souvent, les parents développent des ressources incroyables pour protéger leurs enfants, mais on assiste à une sorte d'épuisement psychique quand la situation perdure ou s'aggrave.

Comment vivent-ils ?

Dans une perpétuelle insécurité matérielle et psychique. Leurs parents ont peu d'argent, craignent en permanence d'être expulsés. Hébergés dans des hôtels où toute la famille vit dans une même pièce sans cuisine, ils sont contraints de déménager régulièrement, ce qui génère beaucoup de stress. Et rend plus complexe la continuité des soins ou la scolarité. Certains parents ne sortent presque jamais, de peur d'être arrêtés.

Quelles sont les conséquences à terme pour ces enfants ?

Entourés de parents anxieux et souvent déprimés, ceux qui nous sont adressés sont peu stimulés, carencés et développent des troubles relationnels importants, qui peuvent conduire à des troubles psychotiques. Les liens mère-bébé s'établissent difficilement. En grandissant, certains enfants sont agités, parfois agressifs, et présentent des retards de développement psychomoteur et de langage. Ils manifestent une forme d'hypermaturité car leurs préoccupations ne sont pas en rapport avec celles de leur âge. Leur anxiété permanente ne les rend pas disponibles pour jouer ou apprendre. Ils entendent parler d'obtention de « papiers » toute la journée ! Résultat, certains passent leur temps à ramasser des papiers dans la rue. Ils dessinent constamment des maisons, rêvent d'avoir un lieu à eux. Ils sont dans un état d'hypervigilance quant à la situation de leurs parents : ils entendent parler d'assistante sociale, de rendez-vous à la préfecture, avec l'avocat, de dossiers à remplir. En outre, du fait de cette anxiété et de mauvaises conditions de vie, ils sont plus sensibles aux infections.

Qu'entendez-vous par « hypervigilance » ?

Certains enfants ont vu une personne de leur famille arrêtée sous leurs yeux, d'autres ont connu la migration dans des conditions difficiles et ont dû se cacher. Tout cela laisse des traces. Ils se sentent facilement persécutés. Certains paniquent dès qu'ils voient un policier ou entendent une sirène ; à l'école, le seul fait que l'enseignant hausse le ton leur fait croire à quelque chose de grave. Quant à ceux nés en France, ils ont beaucoup de mal à se repérer dans leurs structures familiales. Leurs parents, préoccupés par leur présent, ne leur parlent pas de leur pays d'origine. Un enfant, pour se construire, a pourtant besoin de savoir d'où il vient.

Vous parlez d'effet « miroir » sur l'environnement ?

Dans une classe, les enfants qui assistent à une arrestation ou perçoivent la peur de l'expulsion chez leur camarade peuvent être perturbés par le fait de perdre un de leurs amis.

La situation des mineurs isolés vous préoccupe...

Oui, ce sont des enfants qui ont l'habitude de se débrouiller tout seuls et qui ne savent pas où demander de l'aide quand ils sont en danger. Certains volent et se cachent. Lorsque l'aide sociale à l'enfance les prend en charge, le placement est souvent très difficile. Sur le plan relationnel, ils ne font confiance à personne.

Notes

(1) Mise en ligne en octobre dernier, elle est signée par plus de 2 500 personnes - http://enfantsdesanspapiers.free.fr.

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