Près d'un an après sa présentation par le président de la République et sept mois après son lancement effectif (1), où en est le plan « Espoir Banlieues », cette série de mesures centrées notamment sur l'éducation, la formation et l'emploi dans les quartiers les plus en difficulté ? Le premier bilan dressé le 20 janvier par le comité interministériel des villes et du développement social urbain (CIV) est pour le moins mitigé.
Quelques heures avant la réunion organisée à Matignon, la secrétaire d'Etat à la politique de la ville résumait son sentiment au micro d'Europe 1, estimant que le plan méritait à peine la moyenne en raison d'un « retard pris à l'allumage » sur plusieurs chantiers et que « l'ensemble du gouvernement et [...] des acteurs qui tournent autour de la politique de la ville peuvent largement mieux faire ».
Déjà, en décembre, le chef de l'Etat avait tapé du poing sur la table, regrettant le « retard considérable » pris dans l'application du plan. Dans son sillage, Fadela Amara avait dénoncé l'inertie de « certains hauts fonctionnaires », les accusant en particulier d'avoir freiné le déploiement dans les quartiers des 350 délégués du préfet prévus (2). Un rappel à l'ordre qui a porté rapidement ses fruits. En effet, alors que seule une quinzaine de délégués étaient en fonction le mois dernier, ils sont désormais 132. Et les autres devraient être nommés rapidement. Matignon promet en tout cas que « l'objectif de 350 délégués sera effectif à la fin du premier semestre 2009 ».
Autre dossier ayant pris du retard : le contrat d'autonomie, un dispositif lancé en septembre dernier dans 35 départements et qui, pour mémoire, prévoit un soutien renforcé et personnalisé pour aider les jeunes de moins de 26 ans à trouver un emploi (3). 3 500 jeunes en bénéficient aujourd'hui dans les quartiers alors que l'objectif était de 4 500 pour la fin décembre 2008. La secrétaire d'Etat à la politique de la ville assure toutefois que le retard sera comblé rapidement dans la mesure où, dorénavant, « 400 nouveaux contrats sont signés chaque semaine ». Un rythme qui, malgré le contexte économique difficile, ne devra pas mollir pour espérer atteindre les 18 000 signatures fixées pour 2009.
Toutefois et toujours sur le front de l'emploi, le gouvernement s'est réjoui de la mobilisation des grandes entreprises en faveur de l'embauche des jeunes. Ainsi, « 86 entreprises, associations, fédérations professionnelles, ont signé l'engagement de recruter des jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers prioritaires », a indiqué Matignon. De plus « 11 500 jeunes ont déjà été embauchés en contrat à durée déterminée de six mois ou indéterminée et 3 600 jeunes ont décroché un stage ou un contrat d'alternance ».
Les résultats ont aussi été jugés encourageants « en matière de réussite et d'excellence éducative », chiffres à l'appui. 171 000 élèves en éducation prioritaire répartis dans 3 072 écoles primaires ont bénéficié d'un accompagnement éducatif. Des actions de soutien scolaire pendant les vacances ont été mises en place dans plus de 200 lycées classés prioritaires et ont concerné 5 000 élèves. 450 élèves issus des quartiers populaires sont « déjà » scolarisés dans des « internats d'excellence » dotés d'un projet éducatif adapté. Et 14 académies ont initié des banques de stages, en attendant leur généralisation à la rentrée 2009. L'objectif en matière d'accès à l'enseignement supérieur et aux grandes écoles a aussi été respecté, selon le Premier ministre, avec la mise en place de 100 premières « cordées de la réussite » (4).
Pour lutter contre l'échec scolaire dans les quartiers, le plan « Espoirs banlieues » tablait également sur les « écoles de la deuxième chance », organismes de statut privé destinés aux jeunes de 18 à 26 ans sans diplôme ni qualification. 4 129 ont intégré le réseau, constitué aujourd'hui de 43 sites, dont six nouveaux ouverts en 2008, a indiqué Matignon. La loi de finances pour 2009 permettra la création d'une vingtaine de sites supplémentaires.
Par ailleurs, afin de renforcer la mixité sociale, 30 lycées situés dans les quartiers prioritaires ont, comme prévu, été labellisés « sites d'excellence » et « proposent des projets pédagogiques innovants attractifs pour les jeunes d'autres quartiers (section internationale, artistique ou lycée des métiers) ». Toujours dans l'idée de « casser les ghettos scolaires », l'expérimentation du « busing » - qui consiste à scolariser des élèves de quartiers défavorisés dans des établissements d'autres quartiers, grâce à la mise à disposition de transports scolaires - n'aura en revanche pas suscité l'engouement espéré. En effet, seulement sept établissements testent aujourd'hui le dispositif, alors que le gouvernement tablait sur 50. Le Premier ministre a annoncé qu'une campagne de promotion sera réalisée en 2009 afin que le « busing » soit mieux connu des élèves et de leurs parents.
Le CIV n'aura pas été l'occasion pour le gouvernement d'annoncer de mesures nouvelles. Tout juste a-t-il été décidé de lancer une réflexion sur les périmètres des zones urbaines sensibles et l'évaluation à mi-parcours des contrats urbains de cohésion sociale. « Elle s'appuiera sur un livre vert qui servira de base à la concertation et qui sera rendu public avant la fin du mois de février », a indiqué François Fillon. De plus, « deux parlementaires en mission rendront un rapport au gouvernement avant le 30 avril 2009 ».
Par ailleurs, alors qu'un collectif réunissant 100 associations et syndicats organisait le même jour un rassemblement devant Matignon pour réclamer un renforcement et une sécurisation des financements publics aux associations, les ministres se sont félicités de la signature par l'Etat de 1 695 conventions pluriannuelles d'objectifs avec des associations, permettant de « sécuriser leurs financements sur trois ans ». Le gouvernement a également rappelé qu'un système de remboursement sur présentation de facture à hauteur de 500 € permet, depuis le 1er janvier, un paiement immédiat aux petites associations.
Le prochain CIV se tiendra dans les trois mois. Il examinera notamment l'état d'avancement des programmes d'actions triennaux des ministères pour réduire les écarts entre les quartiers prioritaires de la politique de la ville et le reste du territoire national.
(2) Pour mémoire, les délégués du préfet sont appelés à être l'unique point d'entrée pour tous les dispositifs de la politique de la ville. Et donc les interlocuteurs privilégiés des élus, chefs de projet et associations oeuvrant dans les quartiers.
(4) Les « cordées de la réussite » instituent un partenariat entre un établissement de l'enseignement supérieur (grande école, université ou lycée à classes préparatoires), d'une part, et des lycées sources issus des 215 quartiers prioritaires, d'autre part.