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Mayotte : mobilisation autour de l'accès aux soins des enfants en danger

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Deux collectifs associatifs saisissent la défenseure des enfants et la HALDE sur l'absence de couverture maladie des enfants pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.

Mayotte, zone de non-droit ? L'île a déjà été à plusieurs reprises épinglée par les observateurs associatifs pour ses pratiques discriminatoires dans l'accès aux soins, aux prestations familiales et à l'éducation. Dans un courrier adressé le 8 janvier à la défenseure des enfants et au président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), les collectifs Migrants Mayotte (1) et Migrants outre-mer (2) tirent, cette fois, la sonnette d'alarme sur les défaillances de la collectivité territoriale en matière d'accès aux soins des enfants en danger. Alors que Mayotte pourrait accéder au statut de département d'outre-mer en 2011, ils veulent « inciter l'Etat français à appliquer le principe d'égalité de traitement, y compris à une collectivité ultramarine ».

«Carences et discriminations»

Au cours d'une mission réalisée fin novembre 2008, les deux collectifs ont relevé « un mélange de carences, d'incompétences et de discriminations » privant de nombreux enfants d'une couverture maladie. Premier obstacle : « Le conseil général ne remplit pas ses obligations légales en matière de prise en charge d'enfants dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. » Alors que l'île, dont la moitié des 200 000 habitants a moins de 20 ans, connaît de grosses difficultés liées aux mineurs isolés, aux mineurs étrangers « abandonnés » après l'expulsion de leurs parents (16 000 chaque année) et plus globalement à des problèmes sociaux importants, le conseil général ne semble pas vouloir « se donner les moyens » d'une protection de l'enfance adaptée.

La situation a été rendue publique de manière officielle dans le rapport 2008 de la défenseure des enfants. Dominique Versini constate que « les moyens mis en place en matière de protection de l'enfance sont totalement insuffisants, voire inexistants, tant en matière de personnel que de structures adaptées ». En 2007, plus de 170 enfants étaient placés à l'aide sociale à l'enfance (ASE). « Il est probable que le budget alloué par le conseil général à l'ASE soit 50 ou 100 fois trop faible, comparé aux budgets alloués en métropole », soulignent les collectifs. En réalité, les crédits consacrés à la protection de l'enfance sont fondus dans le budget de la prévention médico-sociale et de l'action sociale, au total 18 millions d'euros en 2007 (6 % du budget du conseil général). D'après un rapport de la commission des lois du Sénat déposé le 27 novembre, « le conseil général de Mayotte estimait ne pas avoir l'obligation d'intervenir en matière de protection des enfants en danger », au motif que, selon le code de l'action sociale et des familles, cette compétence était facultative. Ce qui n'est pourtant plus vrai depuis le 28 août 2008, une ordonnance publiée à cette date ayant modifié le code pour rendre cette compétence obligatoire.

Etre à l'ASE n'est pas une garantie

Autre obstacle à la prise en charge sanitaire des mineurs en danger : ceux qui sont accueillis à l'ASE ne sont pas pour autant protégés par une couverture maladie. Alors qu'en métropole et dans les départements d'outre-mer, tout enfant confié à ce service bénéficie d'une assurance maladie, cette affiliation « n'est pas effectuée à Mayotte quand il s'agit d'enfants non affiliés par ailleurs », c'est-à-dire surtout de mineurs sans papiers ou isolés. « Cette obstruction du conseil général peut avoir des conséquences extrêmement graves pour les enfants concernés », s'alarment les collectifs. Dans les services déconcentrés de l'Etat à Mayotte, on assure que, face à cette situation, des dispositions ont été prises pour que chaque enfant placé à l'aide sociale à l'enfance puisse bénéficier d'une couverture sociale. Un travail est, par ailleurs, en cours pour parvenir à une évolution des textes en vigueur sur le territoire, afin que chaque mineur puisse bénéficier d'un accès effectif aux soins, conformément à la convention internationale des droits de l'enfant.

Car, plus globalement, c'est le dispositif de sécurité sociale en vigueur à Mayotte depuis début 2005 qui est pointé du doigt. Seule la qualité d'assuré social permet d'accéder gratuitement aux soins, à moins de payer une « provision financière », sauf en cas de risque d'altération grave et durable de la santé ou de maladie transmissible. Un système discriminatoire « sur un territoire où 92 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté [seuil métropolitain] et est encore confrontée à des pathologies graves disparues ailleurs, comme la diphtérie », précise Antoine Math, du collectif Migrants outre-mer. Autre problème : la commission de révision de l'état civil, mise en place en 2000 à Mayotte, a encore 14 000 dossiers en attente, sans compter les nouvelles demandes. Or pas de sécurité sociale sans état civil permettant de faire reconnaître sa nationalité française. Au total, « un quart à un tiers de la population, des étrangers ou des Français d'origine mahoraise, est exclue de la protection maladie », souligne Antoine Math.

En prolongement de la saisine par plusieurs associations de la défenseure des enfants et déjà de la HALDE en février 2008, Migrants Mayotte et Migrants outre-mer prévoient, d'ici à la fin janvier, d'interpeller de nouveau ces deux institutions sur la question plus globale de l'accès à la protection maladie et aux soins sur ce territoire. La réforme du dispositif pourrait notamment passer, à leurs yeux, par l'extension de l'aide médicale de l'Etat (AME) à Mayotte. « Mais quelle que soit la réforme à prendre, défend Antoine Math, il s'agit avant tout de veiller à l'égalité des droits dans un territoire français depuis 1841 ».

Des améliorations... plus tard

Au ministère, on renvoie au « Pacte pour la départementalisation de Mayotte », qui vient d'être présenté par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Cette « feuille de route » prévoit, compte tenu de la situation économique et sociale du territoire, une augmentation progressive des différentes prestations sociales et minima sociaux (sur 20 à 25 ans pour le RMI, l'allocation de parent isolé et l'allocation de solidarité spécifique). Quant à l'échéance et aux conditions d'extension de l'AME, souligne-t-on à la direction de la sécurité sociale, plusieurs enjeux pèseront dans l'arbitrage, dont les garanties de vérification des critères d'éligibilité et l'ampleur de l'immigration irrégulière (de 20 à 45 % de la population, selon les estimations). La solution n'est pas pour demain.

Notes

(1) Qui comprend notamment la Cimade, Médecins du monde et le Réseau éducation sans frontières.

(2) Qui comprend notamment Aides, l'Anafé, le Comede, le GISTI, Médecins du monde, le Secours catholique et des associations d'avocats.

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