« La justice des mineurs dérange. Elle doit être montrée pour être comprise. » Encouragée par Philippe-Pierre Cabourdin, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, la documentariste Danièle Alet est partie réaliser Centre spécial pour filles rebelles, un reportage dans le seul centre éducatif fermé (CEF) spécialisé dans la délinquance féminine, à Doudeville, en Normandie. Elle y dévoile le quotidien cru de la structure. Jeunes filles maquillées et manucurées, cours de gym et de cuisine, règlement et horaires à suivre à la lettre, caméras de surveillance... Le CEF a un air de Loft Story. Avec une différence : « A la moindre erreur, c'est la prison. »
La réalisatrice a suivi de près le parcours de Lola, 16 ans, condamnée pour violences aggravées, qui a six mois pour « retrouver le bon chemin ». Au tribunal de grande instance d'Evry, en alternative à la détention, le juge l'envoie dans le CEF public de Doudeville. « On est là pour t'aider », insistent les éducateurs de la PJJ qui emmènent Lola dans ce nouvel établissement, dont la priorité est de donner à dix jeunes multirécidivistes les repères qu'elles n'ont pas eus en raison de leur contexte familial et de leur histoire personnelle. Après le tri de ses affaires - exit téléphone portable, lecteur MP3 et autres -, les éducateurs détaillent les règles du CEF et la préviennent que ses faits et gestes seront sous surveillance.
La caméra s'attarde aussi sur Astrid, 17 ans, sur laquelle pèsent 33 accusations, dont une pour tentative de meurtre ; sur Nadjet, 15 ans, arrivée au centre pour vol de véhicule et conduite en état d'ivresse ; et sur Farah, 17 ans, condamnée pour violence aggravée avec préméditation. Des « meufs lascars », comme elles disent, qui donnent du fil à retordre aux 25 professionnels de l'équipe éducative. Leur quotidien est filmé, brut : le reportage ne montre rien d'idyllique. Pas facile pour eux d'éviter de devoir maîtriser les filles quand les insultes fusent, que les règles sont bafouées et que les tensions entre pensionnaires s'exacerbent. A eux de leur inculquer, à travers diverses activités et une remise à niveau scolaire, des règles de vie en société, en espérant qu'elles pourront reproduire ces acquis à l'extérieur de la structure. Certes, quelques filles évoluent au fil des mois - Lola ira jusqu'à décrocher un stage et regretter les coups de couteau administrés à sa victime -, mais le CEF ne produit pas d'effet magique. « Rééduquer demande du temps et de la fermeté. Rien de ce à quoi nous parvenons au CEF n'est définitivement acquis », admet-on à la PJJ. D'ailleurs, Farah se montre franche : « Je sais quoi faire, je me tiens bien ici et en sortant je ferai ce que je veux. »
Centre spécial pour filles rebelles
Danièle Alet - 110 min - Diffusé le 11 janvier à 22 h 30 sur France 3