Recevoir la newsletter

ULTIME ÉTAPE AVANT UNE REPRÉSENTATION UNIQUE

Article réservé aux abonnés

Image

ULTIME ÉTAPE AVANT UNE REPRÉSENTATION UNIQUE

Crédit photo Isabelle Sarazin
Le GNI et l'Aforts ont créé une fédération, l'Unaforis, afin d'accompagner la modernisation de l'appareil de formation. Avec une double visée : rejoindre l'espace de l'enseignement supérieur européen et développer la qualification des métiers de l'aide à la personne.

Le 19 décembre est née, lors de l'assemblée générale cons-titutive, l'Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis), la fédération constituée par l'Aforts et le GNI (1). Et ses artisans ne pouvaient mieux choisir leur président : Pierre Gauthier, directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation de Midi-Pyrénées. Celui-là même qui, lorsqu'il était directeur de l'action sociale (1994-2000), avait obtenu des avancées importantes pour le dispositif de formation des travailleurs sociaux - avant qu'une partie de ses efforts ne soit annulée par la régionalisation des formations sociales -, et défendu la création de la chaire de travail social au Conservatoire national des arts et métiers. Il devrait être élu le 21 janvier lors de la réunion du premier conseil d'administration.

La fédération démarre donc sous les meilleurs auspices. L'événement paraîtra toutefois à certains bien anodin, tant il pouvait sembler ubuesque d'avoir, encore en 2008, une représentation bicéphale des centres de formation. Il n'en constitue pas moins un tournant historique, l'avant-dernier acte (avant la fusion) de la douloureuse épopée vers une représentation unique de l'appareil de formation, faite d'alliances, de schismes et de recompositions. Il aura fallu ainsi 36 ans pour passer de la Fédération nationale des comités d'entente et de liaison des centres de formation (née le 13 décembre 1972), un organisme calé sur la logique verticale des filières, à la création d'Unaforis. Et parvenir, au fil des jeux d'appareils et de sigles - d'un côté, l'Unites créée en 1991, regroupée en 1996 avec le CNESS et le comité de liaison des centres de formation permanente et supérieure au sein de l'ONFTS (2), qui deviendra l'Aforts en 2000 ; de l'autre, le GNI, né en 1983 - à passer par-dessus les rivalités de métiers, le vieux différend entre les filières du service social et de l'éducation spécialisée, et, plus récemment, les clivages entre les « nobles » IRTS et les « roturiers ».

Si le temps, avec l'érosion des corporatismes et le renouvellement des générations, a pu venir à bout des dernières crispations, on ne saurait ignorer le coup d'accélérateur qu'a constitué le bouleversement du champ de la formation en général et en travail social. Les centres, à qui l'Etat n'avait jamais réussi à assurer une stabilité financière et encore accusés en 2005 par l'Inspection générale des affaires sociales d'être « un système clos qui favorise la reproduction » (3), se sont trouvés brusquement face à une véritable lame de fond. Et une alternative : se laisser engloutir ou prendre tous ensemble le tournant de la modernisation de l'appareil de formation. A cet égard la décentralisation des formations sociales a constitué un formidable levier. Bousculant le cadre traditionnel de référence, elle a obligé les centres à se serrer les coudes pour se présenter comme des interlocuteurs crédibles aux élus régionaux, qui ne les connaissaient pas et étaient surtout préoccupés par l'emploi. C'est ainsi que des alliances se sont nouées entre les deux réseaux, mais aussi avec les branches professionnelles et, ici et là, avec les conseils généraux, l'initiative la plus aboutie étant la création en Bretagne du premier comité régional du travail social (4). Une coopération, il est vrai, d'autant plus nécessaire que, sur un marché désormais ouvert, les centres sont en concurrence avec les universités, l'Education nationale et de nouveaux opérateurs lucratifs.

Au changement d'échelle qu'implique l'inscription en région, s'ajoute le tournant lié à la réforme des diplômes et à la validation des acquis de l'expérience. « On ne raisonne plus à partir d'un programme de formation basé sur un nombre d'heures en sociologie, psychologie..., mais à partir de domaines de compétences que l'étudiant doit acquérir », explique Christian Chassériaud, président de l'Aforts. Au-delà de l'éclatement des contenus de formation en modules indépendants les uns des autres, il faut repenser le rapport avec les terrains de stages, devenus « sites qualifiants » et reconnus comme lieux de certification. Par ailleurs, la multiplication des voies d'accès à la qualification par le biais de la formation initiale (avec l'apprentissage) ou continue tend à individualiser les parcours, de plus en plus « à la carte ». Sans compter que les établissements de formation, qui avaient l'habitude de raisonner à partir de promotions d'étudiants et d'une dynamique de groupe, ont désormais face à eux des publics d'âge et d'itinéraires divers. Il faut donc redécouper, réarticuler, repenser l'architecture globale des dispositifs de formation. Soit un changement de paradigme pédagogique, qui bouscule, en outre, profondément le métier de formateur.

Ce tableau ne serait toutefois pas complet sans citer aussi les nouvelles lois sur la place des usagers, l'évaluation, les exigences de qualité à prendre en compte dans la formation des futurs professionnels et, bien sûr, l'urgente obligation de s'inscrire dans un espace européen à égalité avec les écoles de travail social des pays voisins. On assiste donc bien à une transformation du cadre d'exercice et du processus même de la formation, qui rend envisageable, fin 2008, un regroupement du GNI et de l'Aforts. Une idée, qui, il y a encore quatre ans, apparaissait, pour Joseph Desbrosse, président du GNI, contraire « au pluralisme et à la démocratie » (5). Certes depuis, beaucoup y pensent. D'autant que les deux réseaux ont resserré leurs liens, signant notamment des protocoles de « coordination » en 2004, puis d'« action concertée » en 2006. Ils coopèrent également de plus en plus avec la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale à travers l'apprentissage, la professionnalisation des intervenants éducatifs en centres éducatifs renforcés ou le soutien des candidats à la VAE pour huit diplômes (6). Sans compter le protocole d'accord pour le développement de la formation tout au long de la vie signé en mai dernier avec Unifaf. Si le contexte était donc au rapprochement, l'étincelle a été, sans conteste, pour Olivier Cany, directeur de l'Aforts, la réforme du Cafdes (certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale) en 2007. Les 22 centres du GNI et de l'Aforts se sont alors constitués en un seul réseau pour que l'Ecole des hautes études en santé publique ait un interlocuteur unique. Il est apparu évident, à ce moment-là, que « nous avions des intérêts communs et que nous ne pouvions plus nous diviser, d'autant que nos interlocuteurs parlaient, eux, d'une seule voix », raconte Olivier Cany. On a vu également cette année comment, lors du long bras de fer sur le sujet crucial de la gratification des stagiaires, les deux réseaux ont su se coordonner.

« Le fruit était donc mûr », résume Christian Chassériaud. Mais qui dit union ne dit pas encore fusion et disparition des deux entités fondatrices. « On y arrivera forcément, cela peut même aller vite, estime-t-il, mais il ne faudrait pas qu'en précipitant les choses, la démarche apparaisse comme une OPA des gros centres sur les petits. » Sa prudence s'explique par la diversité du réseau Aforts où, à côté d'établissements anciens de 1 000, voire de 4 000 étudiants, on peut trouver des petites structures de 70 places, créées il y a seulement cinq ou six ans. S'il apparaît donc trop tôt pour fusionner des organisations ayant chacune leur dynamique, la fédération n'est pourtant pas une coquille vide. Surtout, « elle ne se fait pas dans une logique défensive, de survie de l'appareil de formation ! », tient à préciser Olivier Cany. Bien au contraire, si l'on en croit Joseph Desbrosse : « Notre fédération a pour visée principale notre volonté de ne pas subir les événements mais de maîtriser, autant que faire se peut, notre avenir. » Il s'agit de « nous positionner comme une force de propositions que nous espérons incontournable » ; ou Christian Chassériaud : « Cet acte d'engagement de nos deux réseaux affirme bien la nécessité de constituer une force commune qui va nous permettre de nous retrouver sur des points de vue et des positions partagées par rapport aux questions de formation des travailleurs sociaux et intervenants sociaux. »

De fait, si l'on regarde les statuts concoctés pendant six mois, le projet est ambitieux. Rien à voir avec l'ONFTS créée en 1996, qui n'était qu'une « association de moyens ». A travers l'Unaforis, « les deux réseaux se retrouvent sur un modèle d'établissement de formation, qui n'est plus seulement une école, mais un pôle ressource en région sur la formation initiale, continue, la recherche, l'animation, le conseil », précise Jean-Michel Godet, secrétaire général du GNI. « Ce qui est très proche des missions dévolues aux IRTS par l'arrêté de 1986. » Outre une vision partagée, les deux organisations adhèrent à un socle de valeurs communes où figurent notamment l'affirmation du droit à la formation professionnelle tout au long de la vie, le soutien à la promotion sociale, l'Europe, la garantie de la qualité des services.

De ces valeurs découlent deux orientations majeures : l'une, vise à tirer vers le haut l'appareil de formation en le sortant de son isolement par rapport à ses voisins européens. L'idée est d'oeuvrer à son inscription dans l'espace de l'enseignement supérieur européen (hors université) avec une référence au modèle des hautes écoles spécialisées belges ou suisses. Ce qui suppose la mise en crédits des formations de niveaux I, II, III et la reconnaissance de la capacité des centres, au même titre que les universités ou les grandes écoles, à délivrer des titres. « Notre projet n'est pas que tous les instituts deviennent des hautes écoles, mais d'avoir un modèle national ou plusieurs entités au niveau des grandes régions, explique Jean-Michel Godet. Ensuite, à partir de ces référents, les centres pourraient être labellisés à condition qu'ils répondent à un cahier des charges. » En ce sens d'ailleurs, la fédération s'engage à élaborer un système d'évaluation interne de la qualité de la formation et à inscrire les établissements dans un système (externe) d'assurance qualité.

L'autre orientation réaffirme le rôle d'ascenseur social de l'appareil de formation. Il s'agit de faire de la fédération « un acteur majeur de la professionnalisation des métiers de l'aide à la personne - et non pas des services », est-il bien précisé. Ce qui signifie conforter la place des formations de niveau IV et V dans l'offre globale de formation. Un véritable enjeu, si l'on considère qu'en dix ans, de 1995 à 2004, selon des chiffres de l'Aforts, les diplômés de ces deux niveaux ont augmenté respectivement de 76 % et de 80 %. A ces deux grands axes, s'ajoutent bien évidemment la représentation politique des établissements au niveau national et régional et la structuration de l'offre de professionnalisation, ou encore l'accompagnement des mutations du système de formation.

Mais aussi beau soit-il sur le papier, le projet doit désormais être relayé par l'ensemble des adhérents en région. Ce qui ne sera pas forcément facile du fait des inévitables incompréhensions, résistances ou pré carrés existant sur le terrain. Un premier test pour la fédération, dont la légitimité reposera avant tout sur sa capacité d'entraînement sur le terrain.

Notes

(1) Association française des organismes de formation et de recherche en travail social, Groupement national des instituts régionaux du travail social.

(2) Unites (Union nationale des instituts de formation du travail éducatif et social), CNESS (Comité national des écoles de service social), ONFTS (Organisation nationale des formations au travail social).

(3) Dans son rapport annuel 2005 sur « L'intervention sociale, un travail de proximité », voir ASH n° 2441 du 3-02-06, p. 5.

(4) Voir ASH n° 2573 du 19-09-08, p. 35.

(5) Dans une interview accordée aux ASH, n° 2378 du 22-10-04, p. 24.

(6) Voir ASH n° 2587 du 19-12-08, p. 30.

L'ÉVÉNEMENT

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur