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Des unités d'accueil familial pour fixer la population âgée du Cantal

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Pour maintenir les personnes âgées dans des communes dont la population ne cesse de décliner, le conseil général du Cantal est à l'origine d'un projet de développement de micro-unités de vie gérées par des familles d'accueil. Sur le point d'être généralisé, celui-ci a dû composer avec les difficultés de l'accueil familial.

On pourrait se croire dans un lotissement tant les deux pavillons, reliés par une allée d'une trentaine de mètres, se ressemblent. Même construction en rez-de-chaussée. Même haut toit d'ardoise percé de fenêtres en lucarnes, si répandu dans le Cantal. « La configuration intérieure est pensée pour la prise en charge de la dépendance, explique Josiane Barthomeuf, occupante d'un des deux pavillons. En bas, les trois chambres des pensionnaires âgés, la cuisine et la salle commune où se prennent les repas. En haut la partie réservée à la famille. » A 52 ans, cette auxiliaire de vie en a eu assez des remplacements dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) des alentours et, comme plusieurs familles du département, elle a signé un contrat de location très particulier. Elle loue le F4 tout équipé qui lui est réservé à l'étage, et est salariée dans le même temps pour exercer le métier d'accueillante familiale.

Implantées à l'entrée du bourg de Neuvéglise, ces deux structures font partie d'un programme d'essaimage de petites unités de vie et d'accueil familial (UVAF), conduit par le conseil général du Cantal en partenariat avec l'association Les Cités cantaliennes de l'Automne, gestionnaire d'établissement pour personnes âgées (1). Déjà, quatre communes situées dans les zones les plus dépeuplées de ce département de moins de 150 000 habitants ont vu s'ouvrir de tels sites conçus sur un principe identique : deux pavillons proches l'un de l'autre, deux familles locataires collaborant entre elles pour s'occuper chacune de trois personnes âgées.

« Nous sommes sur un territoire très rural et vieillissant, avec un taux de précarité parmi les plus élevés de France. L'idée à l'origine des UVAF est de maintenir la population âgée dans les villages en maillant le territoire par de petites unités de vie situées entre domicile et établissement », explique Daniel Bouzat, chef de projet à la direction des solidarités du conseil général du Cantal (2). Comme de nombreux autres départements ruraux, le Cantal compte un solide réseau d'établissements pour personnes âgées, mais souffre, dans le même temps, d'un déficit de solutions pour le maintien à domicile. La piste suivie par les services du conseil général a donc été celle de micro-structures fonctionnant sur la base de la réglementation de l'accueil familial. Une solution qui revêtait de nombreux avantages. « C'était jouer à la fois la carte de la proximité pour les personnes et celle de l'investissement mesuré. De plus, en s'engouffrant dans la voie ouverte par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, qui autorise une personne morale à être employeur de familles d'accueil, il devenait possible de professionnaliser le dispositif d'accueil familial en visant la couverture progressive de l'ensemble du département », précise Daniel Bouzat.

En 2003, deux premières maisons jumelles ouvraient ainsi à Velzic, un village de 400 habitants, suivies les années après par une implantation à Anglars-de-Salers (722 habitants), à Saint-Santin-des-Maurs (337 habitants) et, enfin, au bourg de Neuvéglise (1 130 habitants). Cette première phase « expérimentale » a permis de roder le dispositif et de délimiter les rôles de chacun. Ainsi, si le conseil général conserve l'agrément des accueillants familiaux et finance l'accessibilité au handicap des UVAF, le recrutement et le suivi des familles d'accueil sont assurés par Les Cités cantalienne, association qui devient de fait employeur des accueillants et gestionnaire du dispositif. Quant aux communes d'implantation, elles interviennent en qualité de maître d'ouvrage, participent au financement des logements des familles d'accueil, et effectuent l'entretien de la structure. Au final, le montage se traduit par des coûts de construction équivalent à ceux des HLM et par des loyers de l'ordre de 160 à 170 € par mois pour une chambre de 20 m2 avec toilettes et douche adaptées à la dépendance, à la charge des personnes âgées.

Conçues en fonction des conditions sociales et économiques des territoires ruraux, les UVAF coïncident également avec les attentes d'un public particulier. « La plupart des personnes accueillies sont d'origine paysanne, donc très liées à leur territoire. Bien qu'elles ne puissent plus rester au domicile, elles ne se sentent pas prêtes pour autant à partir pour une institution. Dans l'esprit des gens qui font la demande d'entrer dans une unité de vie, il s'agit donc d'un réel choix de prise en charge », explique Marie-José Laverrière, attachée de direction aux Cités cantaliennes de l'Automne, chargée de l'administration du dispositif des UVAF. A l'inverse des établissements, où la population est essentiellement féminine, le public est composé d'une majorité d'hommes : « des veufs et des vieux garçons qui, pour être bien nourris et bien suivis, cherchent des familles d'accueil ».

Dans l'environnement intimiste des bourgs ruraux, le caractère organisé et collectif de ces structures est aussitôt apparu comme un atout. « Cela leur confère une sorte d'anonymat qui enlève aux familles la culpabilité de se dessaisir de son parent en le plaçant dans une autre famille, comme on peut le repérer dans l'accueil familial de droit commun », observe Marie-José Laverrière. L'image quasi professionnelle des accueillantes participe à la création de ce sentiment. Recrutées pour la plupart avec une expérience dans le secteur des personnes âgées ou avec un diplôme d'auxiliaire de vie, elles bénéficient de formations continues, tant auprès du conseil général, dans le cadre des formations organisées pour l'accueil familial de droit commun, qu'au sein des EHPAD des Cités cantaliennes, où des modules plus spécifiques, comme l'accompagnement en fin de vie ou la sécurité, sont mis en place. Leur fonctionnement en binôme range aussi les accueillantes dans une catégorie à part. Lors du repos hebdomadaire ou en cas de sortie de l'une, la seconde prend son relais. Les pensionnaires ont, de plus, la possibilité de porter un pendentif avec lequel ils peuvent alerter, en cas de besoin, successivement les deux familles.

Du côté des Cités cantaliennes de l'Automne, l'accent est mis sur la régulation du dispositif. Coordinatrice en gérontologie au sein de l'association et responsable de l'accueil familial, Anne-Marie Baissac-Labro gère au quotidien les demandes et les besoins émanant des accueillants, des personnes âgées ou des familles. « A chaque problème rencontré, il convient de mettre en place la bonne réponse, que ce soit résoudre un problème matériel ou aider à prendre la décision de réorientation d'une personne si l'accueillant ne peut plus assumer sa prise en charge », explique-t-elle. Son intervention est tous azimuts : soutien technique aux accueillants, suivi des pensionnaires, organisation des interventions du psychologue, du diététicien, etc. Pour l'association, principal acteur de la prise en charge des personnes âgées du Cantal, l'enjeu est aussi de décloisonner le dispositif des UVAF en l'inscrivant dans la dynamique d'un réseau gérontologique plus global. « Chaque site est jumelé avec un établissement voisin pour bénéficier d'un surcroît de compétences, explique Anne-Marie Baissac-Labro. Nous demandons par exemple aux accueillantes de se joindre de temps en temps aux activités organisées par l'EHPAD afin que leurs pensionnaires bénéficient d'animations et, pour que ceux qui devront un jour rejoindre un établissement, puissent s'y acclimater progressivement. »

Autant de conditions qui pourraient faire pâlir d'envie tout accueillant familial de droit commun. Sauf que, en recréant le microcosme de l'accueil familial et en le professionnalisant, les UVAF en ont concentré aussi toutes les difficultés durant cette phase expérimentale. A commencer par la difficile séparation entre vie professionnelle et vie privée induite par le fait que les familles emménagent dans leur logement en tant que salariées. Pour Josiane Barthomeuf, l'accueillante du site de Neuvéglise, la situation est même sans équivoque : « entre l'aide à la toilette, à l'habillage, la préparation des repas, l'organisation d'activités, et cela pour trois personnes, je considère mon appartement comme un logement de fonction ». A cela s'ajoute les paradoxes du travail en binôme. A la fois voisins et collègues, les accueillants accompagnent chacun trois personnes âgées, mais perçoivent un salaire différent selon le niveau de dépendance de leurs pensionnaires, tout en étant tenus de s'occuper de tous lors des absences de leur voisin... D'où les ajustements permanents des modes de rémunération et des divers dédommagements qui ont marqué le projet depuis son origine. « Un travail de fourmi », commente Marie-José Laverrière. Avec la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et venant clarifier les conditions de l'accueil familial, le cadre de fonctionnement des UVAF s'est vu, de plus, reprécisé. « Nous étions auparavant en avance sur la réglementation en accordant aux familles un jour de repos hebdomadaire et des congés payés, mais avec la loi de 2007, le plafond est passé à 258 journées travaillées par an, soit un jour et demi de repos par semaine. Ce qui nous oblige à revoir le dispositif », explique Marie-José Laverrière.

Pour éviter que se multiplient les remplacements durant lesquels un même accueillant se retrouve avec six personnes âgées, quand son agrément n'en prévoit que trois au maximum, les synergies entre unités de vie et EHPAD vont être renforcées. Dès janvier 2009, quatre postes d'aides médico-psychologiques, soit un par site, vont être répartis à concurrence de 70 % sur les accueils familiaux et de 30 % sur les établissements jumelés. « Ces créations d'emploi sont financées par des fonds pérennes de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, précise Marie-José Laverrière. Elles vont permettre de réduire le problème des remplacements et de nous mettre en conformité avec la loi, mais elles répondent aussi à la nécessité de renforcer le travail en filière avec les établissements et d'apporter plus de technicité aux accompagnements réalisés dans les UVAF. »

Dans un second temps, le cahier des charges des sites va être remanié. De deux maisons voisines, la prochaine génération d'UVAF passera à des regroupements de trois maisons accueillant chacune deux personnes âgées, soit toujours un total de six pensionnaires par site. « Il s'agit d'une évolution essentielle pour répondre au problème de la charge de travail des accueillants familiaux, et donc au déficit d'attractivité du poste », explique Daniel Bouzat. En contrepartie de la perte de salaire qui résultera d'une diminution du nombre de leurs pensionnaires, les accueil-lants verront le loyer qu'ils acquittent aujourd'hui pris en charge par les communes ou les intercommunalités porteuses d'une UVAF (environ 650 € par mois et par F4). Un effort certain pour de petites collectivités, mais qui sera aisément compensé par le regain d'activité qu'elles pourront en retirer, estiment les responsables du projet. D'autant que les perspectives gérontologiques ouvertes sont prometteuses. En assouplissant la gestion des remplacements par la création d'un troisième poste, de nouvelles formules d'accueil de jour, voire d'accueil temporaire, deviennent envisageables.

Voyant son développement inscrit dans le schéma départemental 2008-2012 des personnes âgées, le dispositif des UVAF du Cantal aborde désormais l'étape de vérité. La réussite de son déploiement reste tributaire, dans une large mesure, de la volonté des élus municipaux et de leur degré de sensibilisation. Toutefois, les arguments en faveur du dispositif sont plutôt convaincants. « Nous avons prouvé que la solution fonctionnait à faible coût, qu'elle était porteuse d'emplois et qu'elle contribuait à maintenir la vie dans les bourgs », revendique Daniel Bouzat. L'intérêt suscité auprès d'un grand nombre de départements ruraux, dont les représentants se succèdent pour visiter le dispositif, n'étonne donc pas Henri Lantuejoul, président de l'association Les Cités cantaliennes de l'Automne, et maire lui-même d'une petite commune. « Il ne faut pas se voiler la face, nous faisons désormais du socio-économique sur nos territoires. Quand des familles d'accueillants arrivent, c'est important pour la vie du village. Outre les aînés qu'elles permettent de maintenir sur place, les enfants suffisent parfois à conserver une classe. » Un rien qui peut faire la différence.

Notes

(1) Les Cités cantaliennes de l'Automne : 6, impasse Aristide-Briand - 15004 Aurillac cedex - Tél. 04 71 48 29 80.

(2) Conseil général du Cantal : Hôtel du département - 28, avenue Gambetta - 15000 Aurillac - Contact : dbouzat@cg15.fr.

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