Dans un rapport récemment rendu public (1) et présenté par les députés Guy Geoffroy (UMP) et Christophe Caresche (PS), l'Assemblée nationale dresse un premier bilan de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (2). Un texte qui, pour mémoire, a instauré des peines planchers en cas de récidive légale (3) et a permis d'imposer, sous certaines conditions, une injonction de soins à des personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire, et tout particulièrement aux criminels et aux délinquants sexuels (4). Quoi qu'il en soit, soulignent les députés, les auditions menées ont montré que « la polémique sur le bien-fondé de la loi n'est pas éteinte ».
Au 1er décembre 2008, la chancellerie dénombrait 18 358 jugements de tribunaux correctionnels portant sur des délits commis en état de récidive légale entrant dans le champ d'application de la loi (5), dont 9 001 font état de peines plancher, soit un taux d'application de 49 %. « La ventilation de la part des condamnations dans lesquelles a été prononcée une peine minimale en fonction de la peine encourue est édifiante, constatent les députés : cette part est d'autant plus importante que la peine encourue est faible. » Ainsi, elle varie de 43,7 % lorsque la peine encourue est de 10 ans d'emprisonnement pour une première infraction et de 4 ans minimum en cas de récidive à 57,7 % lorsque la peine encourue est de 3 ans d'emprisonnement pour une première infraction et de 1 an minimum en cas de récidive. En outre, relève le rapport, près de 60 % de ces condamnations correspondent à des atteintes aux biens, un chiffre dont s'étonnent les parlementaires, rappelant que le dispositif des peines planchers avait été initialement conçu pour lutter contre la récidive d'actes graves et notamment de violences faites aux personnes. « Outre que cette situation ne correspond pas à l'intention initiale des auteurs de la loi, elle induit un décalage entre l'importance des peines plancher et les infractions constatées qui est à l'origine des difficultés d'application de la loi par les magistrats », estiment-ils. Par ailleurs, ils s'inquiètent du « risque d'une application différente de la loi pénale sur l'ensemble du territoire de la République, situation qui ne serait pas acceptable ».
S'agissant des modalités d'exécution de la peine, le rapport note que « l'immense majorité des peines minimales prononcées se sont traduites par le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme de la personne condamnée, que ce soit pour la totalité ou pour partie de la peine » : près de 39 % d'entre elles sont des peines fermes et environ 54 % sont des peines mixtes, assorties d'un sursis partiel avec mise à l'épreuve ou obligation d'effectuer un travail d'intérêt général. Ces chiffres montrent aussi que « les magistrats ont eu pleinement recours à leurs facultés préservées par la loi de moduler le quantum de peine ferme prononcé, y compris lorsqu'ils décident d'appliquer la peine minimale », reconnaissent avec satisfaction les députés.
Quant aux mineurs de plus de 13 ans, ils ne représentent, selon le ministère de la Justice, que 1,7 % de l'ensemble des personnes condamnées en état de récidive légale depuis l'entrée en vigueur de la loi, soit 360 condamnations en première instance. Parmi elles, 155 n'ont pas dérogé à la peine minimale d'emprisonnement encourue, soit un taux d'application de 43,1 %. En outre, relèvent les députés, « malgré la volonté du législateur, il apparaît que l'excuse de minorité est très rarement écartée par les juridictions » (6).
En définitive, les parlementaires estiment que « les difficultés d'application de la loi devraient conduire le législateur à s'interroger sur son utilité et sa pertinence ».
Les députés soulignent que « la loi a fortement incité les détenus à accepter des soins durant leur incarcération, en sanctionnant, dans certains cas, les refus de soins par l'absence de réductions supplémentaires de peines ou de libération conditionnelle ». Il est toutefois difficile, selon eux, d'évaluer précisément l'application de ce dispositif « faute d'un recul suffisant » et de données statistiques. Les seuls chiffres disponibles sont issus d'une enquête menée en septembre dernier par la direction de l'administration pénitentiaire dans trois établissements pour peines significatifs (7), qui montre que 6 % des condamnés à une injonction de soins ont refusé d'être suivis, ce qui leur a valu d'être sanctionnés. Pour les autres, l'enquête révèle que 47 % d'entre eux ont bénéficié des réductions de peines supplémentaires en totalité, 48 % en ont bénéficié partiellement et 5 % n'en ont pas obtenu. En outre, 1 % des condamnés ayant accepté les soins ont fait l'objet d'une libération conditionnelle, tandis que cette mesure a été refusée à 2 % d'entre eux.
Face à ce constat, les rapporteurs regrettent que « l'offre de soins en détention demeure insuffisante, malgré les efforts importants réalisés ces dernières années ». Ils pointent notamment « les capacités réduites des services médico-psychologiques régionaux, qui n'existent que dans 26 établissements pénitentiaires [sur quelque 180] mais aussi les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre ».
(1) Rapport d'information n° 1310 - Disponible sur
(3) C'est-à-dire lorsque les intéressés commettent une nouvelle infraction, identique ou non, après avoir déjà été condamnés définitivement pour une première infraction.
(5) De fait, expliquent les députés, l'application de la loi est conditionnée au fait que le crime constitutif du second terme de la récidive a été commis après la date d'entrée en vigueur de la loi. Or, en matière criminelle, une phase d'instruction étant obligatoire, il est tout à fait logique qu'il n'ait pas encore été fait application de loi lors de la condamnation d'un criminel récidiviste.
(6) En l'absence de données statistiques en la matière, la chancellerie a indiqué à l'Assemblée nationale qu'elle devrait prochainement conduire une étude spécifique sur l'application de la loi du 10 août 2007 aux mineurs.
(7) Il s'agit des centres de détention de Caen (Calvados) et de Mauzac (Dordogne), et de la maison centrale de Saint-Maur (Indre).