Le « groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie », composé d'experts de différents horizons - dont des représentants d'associations - et présidé par le criminologue Alain Bauer (1), a remis son rapport le 11 décembre à Michèle Alliot-Marie (2). La ministre de l'Intérieur l'avait réactivé cet automne à la suite de la polémique sur le fichier Edvige, alors qu'il ne s'était plus réuni depuis 2006. Sa mission était d'examiner « les conditions de mise en oeuvre et d'exploitation des fichiers de police judiciaire et de police administrative gérés par les services du ministère de l'Intérieur et de la gendarmerie nationale ».
Après un recensement exhaustif des fichiers existants, le groupe de contrôle émet 26 propositions couvrant différents thèmes. Et notamment le fichage des mineurs, un sujet polémique d'autant plus d'actualité que la nouvelle version du fichier Edvige - rebaptisé « Edvirsp » (pour « exploitation documentation et valorisation de l'information relative à la sécurité publique ») - continue de prévoir la possibilité de collecter des informations sur des jeunes de 13 ans et plus dont l'activité indique qu'ils peuvent porter atteinte à la sécurité publique (3).
Pour le groupe de travail, la question qui doit se poser porte davantage sur la protection renforcée dont doivent bénéficier les mineurs enregistrés que sur le principe même de leur enregistrement. « L'évolution de la personnalité durant la minorité justifie en effet une attention particulière, nécessitant que le bien-fondé de l'inscription des mineurs soit réexaminé périodiquement », indique le rapport. Sans se prononcer sur un âge limite en deçà duquel l'enregistrement dans un fichier ne serait pas possible, les experts recommandent ainsi que, « quel que soit l'âge en définitive retenu », un « dispositif assurant une protection particulière et renforcée » soit mis en place. Il consisterait en un « contrôle approfondi de l'inscription du mineur sur un fichier de renseignement » et la validité de cette inscription serait examinée « tous les 12 mois ». Le rapport suggère également de prévoir une obligation d'extraire automatiquement leur fiche au moment de la majorité. « Les fiches ainsi extraites [seraient] soumises à l'examen d'un magistrat de l'ordre administratif, spécialement chargé de cette mission au niveau national, pour décider du maintien dans le fichier ou la radiation, selon la nature et l'ancienneté des faits ayant motivé l'inscription. »
Autre sujet sensible évoqué dans le rapport : l'utilisation des caractéristiques physiques pour le signalement des personnes recherchées. « La question qui a fait l'objet de débats concerne la manière de caractériser une personne : doit-on utiliser l'appartenance vraie ou supposée à une origine ethno-raciale ou doit-on plutôt se servir d'une gamme chromatique telle que proposée par le milieu associatif notamment ? » Au final, la majorité des membres du groupe a décidé de retenir la classification par catégorie ethno-raciale qu'ils avaient déjà proposée en 2006 - caucasien, méditerranéen, amérindien, indo-pakistanais, africains/antillais, etc. - en supprimant la catégorie « gitan », jugée non objective.
Le groupe de travail s'est encore intéressé aux règles de classement et d'archivage des fichiers de police et notamment ceux des anciens renseignements généraux. « La création, le développement et la modernisation de nouvelles bases de données ou applications bureautiques entraînent automatiquement l'abandon de fichiers plus anciens. » « C'est pourquoi [...] il est nécessaire de fixer les modalités de destruction, d'archivage ou de transfert des données enregistrées dans des fichiers [...] devenus obsolètes », expliquent les experts, plaidant pour la mise en place d'un groupe de travail chargé d'en « proposer le cadre légal et pérenne ». La ministre de l'Intérieur a indiqué qu'elle avait d'ores et déjà demandé au chef de l'inspection générale des archives de France de se pencher sur le sujet et de « rendre ses conclusions mi-mars ». Pour le reste des recommandations du groupe de travail, Michèle Alliot-Marie estime qu'elles nécessitent « une analyse juridique approfondie et une étude complète de faisabilité ». Ainsi, elle ne dira ce qu'elle en a retenu que « d'ici un mois ».
(1) Par ailleurs président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance.
(2) Mieux contrôler la mise en oeuvre des dispositifs pour mieux protéger les libertés - Groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie - Décembre 2008 - Disponible sur