Après les décrets relatifs au mandat de protection future (1) et ceux sur les poursuites pénales à l'encontre des majeurs protégés (2), le premier décret majeur d'application de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs vient de paraître au Journal officiel. Il porte, pour l'essentiel, sur la procédure qui sera applicable, à compter du 1er janvier 2009 (3), dans le cadre d'une demande de mesure de protection juridique pour un majeur (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice). Mais il aborde également la nouvelle mesure d'accompagnement judiciaire, le mandat de protection future et les mesures spécifiques aux mineurs. Ce décret devrait prochainement être complété par une circulaire de la chancellerie (4).
Alors que jusqu'à présent le code de procédure civile était assez peu bavard sur les modalités de saisine du juge des tutelles, les règles applicables à l'avenir sont détaillées.
Première nouveauté qui résulte de la loi : le juge ne peut plus se saisir d'office. Les dispositions qui ouvraient cette possibilité sont donc supprimées. Rappelons que la liste des personnes pouvant le saisir a été fixée par le législateur (5). Pour être recevable, la demande doit par ailleurs être nécessairement accompagnée d'un certificat médical circonstancié (6) dont le contenu est précisé, mais dont le coût doit encore être fixé par un décret.
Ce certificat doit décrire avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé, donner au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération et préciser les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur l'exercice de son droit de vote. Ce certificat doit également indiquer si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté. En effet, au cours de l'instruction de la demande, l'audition du majeur est de droit et ne peut être écartée que dans cette hypothèse. Le certificat doit ensuite être remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles.
Au cours de l'instruction de la demande, un nouvel intervenant fait son apparition : l'avocat. En effet, dans toute instance relative à l'ouverture, à la modification ou à la mainlevée d'une mesure de protection, le majeur à protéger ou protégé peut faire le choix d'un avocat ou demander qu'il lui en soit désigné un d'office.
Autre nouveauté : le juge peut ordonner que l'examen de la requête donne lieu à un débat contradictoire.
Enfin, les dossiers peuvent être consultés plus facilement. Ils peuvent l'être jusqu'au prononcé du jugement de mise sous protection au greffe du tribunal d'instance compétent par le requérant ou, sur autorisation du juge, par l'une des personnes habilitées à saisir le juge si elle justifie d'un intérêt légitime. Les avocats, le cas échéant, détiennent les mêmes droits et peuvent en outre se faire délivrer une copie du dossier qu'ils ne peuvent toutefois pas communiquer à leurs clients ou à des tiers. Une fois la mesure prononcée, le dossier peut être consulté à tout moment par le majeur protégé, son avocat éventuel ou par les personnes chargées de la mise en oeuvre de la mesure de protection.
En dehors des mesures de protection juridique des majeurs, le décret traite de la mesure d'accompagnement judiciaire qui constitue le deuxième étage du dispositif d'accompagnement des majeurs vulnérables (7). Pour mémoire, la loi du 5 mars 2007 a mis en place une mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP), à la charge des départements, destinée aux majeurs percevant des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité se trouve menacée par les difficultés qu'ils éprouvent à gérer leurs ressources (sur la MASP, voir ce numéro, page 36). En cas d'échec de cette mesure administrative, une mesure d'accompagnement judiciaire peut être prononcée par le juge des tutelles. Ce dispositif se substitue à la tutelle aux prestations sociales adultes et n'est pas cumulable avec une mesure de protection juridique.
Le décret précise que, lorsqu'il a été saisi par le procureur de la République - seule autorité habilitée à le faire au vu des rapports sociaux transmis par les départements -, le juge des tutelles doit en informer le président du conseil général par tout moyen, y compris s'il décide de ne pas donner suite. Il recueille ensuite toutes informations utiles et convoque à l'audience la personne qui perçoit les prestations, ainsi que toute personne dont il estime l'audition utile. Comme pour les mesures de protection juridique, le dossier peut être consulté, jusqu'à ce que le juge ait statué, par la personne qui perçoit les prestations, sur demande écrite de sa part et sans autre restriction que les nécessités du service, au greffe du tribunal d'instance. Les tiers ne peuvent obtenir copie des décisions rendues que sur autorisation du magistrat et s'ils justifient d'un intérêt légitime.
En tout état de cause, le juge doit statuer dans le mois qui suit le dépôt de la requête et notifier sa décision à la personne qui perçoit les prestations et, le cas échéant, au mandataire judiciaire à la protection des majeurs désigné. Avis en est donné au procureur de la République, au président du conseil général et, le cas échéant, à l'organisme payeur. Un appel est possible dans les 15 jours.
Un autre pan du décret porte sur le mandat de protection future. Il précise notamment les conditions dans lesquelles ce mandat prend effet selon qu'il est établi sous seing privé ou sous forme notariée.
Dans les deux cas, le futur mandataire doit se présenter en personne au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel réside le mandant, accompagné de ce dernier, sauf s'il est établi, par certificat médical, que sa présence au tribunal est incompatible avec son état de santé. Le décret indique les pièces à fournir, qui varient légèrement selon que le mandat a été conclu sous seing privé ou sous forme notariée. Le greffier procède ensuite à un certain nombre de vérifications. Il s'assure notamment que le mandant et le mandataire étaient majeurs ou mineurs émancipés à la date d'établissement du mandat, que les modalités de contrôle de l'activité du mandataire sont prévues, que l'avocat a, le cas échéant, contresigné le mandat...
Le décret aborde également la procédure en matière de tutelle des mineurs, dont certains pans sont communs à celle applicable en matière de protection des majeurs. Il développe par ailleurs certaines dispositions relatives au conseil de famille et à la gestion des mesures de protection juridique, telles que les modalités de l'inventaire des biens dans le cadre de la tutelle ou de la curatelle.
(3) Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux procédures en cours à cette date.
(4) D'autres textes réglementaires, nombreux, sont encore attendus. Ils détailleront notamment la nouvelle mesure d'accompagnement social personnalisé, le nouveau statut des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les règles applicables aux services mandataires à la protection des majeurs qui ont été intégrés dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
(6) Le certificat doit être établi par un médecin inscrit sur une liste constituée chaque année par le procureur de la République après avis du préfet. Il peut s'agir d'un spécialiste au sens de la sécurité sociale (psychiatre...) mais aussi d'un généraliste.