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Projet de loi pénitentiaire : la CNCDH critique l'absence de véritable refonte du droit de l'univers carcéral

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Saisie par le gouvernement, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) a rendu, le 6 novembre, un avis sur le projet de loi pénitentiaire (1) présenté en conseil des ministres le 28 juillet dernier (2). Si elle salue l'amplification de la politique des aménagements de peines, elle critique en revanche très sévèrement le volet consacré aux droits des détenus. Dès lors, estime l'instance, « la volonté affirmée du gouvernement de «doter la France d'une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire», essentiellement déclarative puisqu'elle ne s'engage pas dans une refonte du droit de l'univers carcéral, voit ainsi sa crédibilité considérablement réduite ».

La commission regrette en effet fortement que le texte soumis au Parlement ne s'inscrive pas dans le cadre de la mise en conformité avec les Règles pénitentiaires européennes, qui constituent le socle minimum en matière pénitentiaire. Elle estime en outre qu'il « ne contribue pas à résorber le déséquilibre de l'édifice actuel du droit pénitentiaire, laissant perdurer une situation [...] qui donne toute latitude à l'autorité administrative pour régir par voie réglementaire l'essentiel de cette matière ». « En optant pour le statu quo, le projet de loi ne remet pas en cause la pertinence des règles actuelles et ne cherche pas les besoins normatifs nouveaux. » Au contraire, souligne la commission, « il consacre dans le cadre d'une réforme à droit constant la possibilité laissée à l'administration pénitentiaire de restreindre de manière discrétionnaire les droits des personnes détenues ». De fait, « aucune obligation positive de l'administration pénitentiaire n'est affirmée pour garantir l'effectivité des droits de la personne détenue », note l'instance, qui « s'inquiète fortement de ce que cette carence évidente de la réforme n'ait pour conséquence l'effet inverse de l'objectif affiché, à savoir que le pouvoir discrétionnaire de l'administration pénitentiaire en la matière soit entériné et élargi ».

Aussi la CNCDH demande-t-elle au gouvernement de rétablir la mention selon laquelle « l'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne », une précision que la chancellerie a supprimée. Et de « restaurer la personne détenue comme sujet de droit ». En la matière, elle relève l'absence d'un certain nombre de mesures qui aurait dû être prises en faveur des détenus et dont elle demande l'inscription dans le projet de loi, telles que l'octroi d'alternatives à l'incarcération et, le cas échéant, d'aménagements de peines aux détenus en situation de handicap et/ou de dépendance ou devant avoir accès à des soins psychiatriques. Elle insiste également pour que le droit à l'encellulement individuel soit réintroduit dans la loi. Et pour que « seule la demande ou l'autorisation expresse du détenu permette à l'administration pénitentiaire de déroger à ce principe, dont l'application stricte, sans report possible (3), est l'unique façon d'empêcher l'incarcération dans des conditions constitutives d'un traitement inhumain et dégradant ». Par ailleurs, la commission juge insuffisante l'aide en nature prévue par le projet de loi pour améliorer les conditions de vie des détenus indigents. Elle ne permet pas, selon elle, de redonner de l'autonomie aux personnes incarcérées. Au contraire, souligne-t-elle, « cette aide en nature relève du simple assistanat ». Aussi recommande-t-elle plutôt, d'une part, de permettre aux détenus de bénéficier du revenu minimum d'insertion, dont le montant pourrait être « réduit à l'image de ce que prévoit la législation en cas d'admission d'un allocataire dans un établissement de santé » et, d'autre part, que « les droits acquis au titre de l'assurance chômage soient maintenus au cours de la détention ».

La CNCDH tient par ailleurs à ce qu'il soit précisé dans le projet de loi que l'absence de logement fixe ou de travail ne peuvent constituer des critères d'exclusion des aménagements de peine. Le texte propose en effet que les peines soient aménagées avant leur mise à exécution à condition que la personnalité et la situation du condamné ou son évolution le permettent et, notamment s'il justifie « de garanties ou d'un projet sérieux d'insertion ou de réinsertion », indique l'exposé des motifs. En outre, si elle approuve « sans réserve » l'amplification d'une politique d'aménagements de peines fermes inférieures ou égales à deux ans, l'instance s'interroge sur la quasi-absence de dispositions nouvelles relatives aux peines de plus de deux ans. Aussi, « afin de travailler également à la réinsertion et à la prévention de la récidive des auteurs d'infractions plus lourdement sanctionnées », la commission suggère-t-elle qu'un volet sur l'aménagement des moyennes et longues peines soit introduit dans le projet de loi. Elle souhaite en particulier que soit inscrit le principe d'un « aménagement progressif » de ces peines, dont une partie pourrait être exécutée en milieu fermé, l'autre en milieu ouvert. Plus généralement, la CNCDH alerte les pouvoirs publics sur le « risque d'un important décalage entre les nécessités édictées par la loi pénitentiaire concernant les alternatives à la détention et les aménagements de peines et les moyens de leur application sur le terrain ».

Notes

(1) Avis disponible sur www.cncdh.fr.

(2) Voir ASH n° 2572 du 12-09-08, p. 31 et n° 2574 du 26-09-08, p. 15.

(3) Rappelons que l'article 716 du code de procédure pénale pose comme principe, en matière de détention provisoire, le placement en cellule individuelle, une disposition à laquelle il pouvait être dérogé jusqu'au 13 juin dernier « si la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas un tel emprisonnement individuel ». Le projet de loi pénitentiaire prévoit quant à lui un nouveau moratoire de cinq ans du fait d'un manque de places dans les maisons d'arrêt.

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