Investissements directs de l'Etat dans des « domaines stratégiques », mesures ciblées sur le logement, l'emploi et les ménages les plus modestes... Alors que la crise s'installe et que le chômage augmente, Nicolas Sarkozy a dévoilé, le 4 décembre, un « plan de relance » de l'économie française affichant un montant global de 26 milliards d'euros. Objectif du gouvernement : parvenir à une hausse de 0,6 point de produit intérieur brut en 2009. Tour d'horizon des principales annonces (sur les réactions des acteurs de terrain, voir ce numéro, page 39).
« Alors que la crise impose d'accélérer les réformes », le revenu de solidarité active (RSA) (1) ne pourra toutefois être mis en place avant le 1er juin 2009, « du fait de difficultés techniques et opérationnelles », explique-t-on à l'Elysée. Sans attendre, pour anticiper la mise en place de la prestation et « soutenir le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes dans une conjoncture économique et sociale difficile », l'Etat accordera, en avril 2009, une « prime de solidarité active » aux bénéficiaires potentiels du RSA. D'un montant de 200 € par ménage, cette prestation exceptionnelle sera versée par les caisses d'allocations familiales. Près de 3,8 millions de foyers seront concernés, selon le gouvernement. Coût de la mesure : 760 millions d'euros.
« La crise va entraîner dans les mois qui viennent des besoins accrus pour financer les politiques actives de l'emploi », indique encore l'Elysée. Pour y faire face, une dotation supplémentaire de 500 millions d'euros est prévue. Une enveloppe qui, espère le gouvernement, « permettra notamment de mieux accompagner les salariés licenciés économiques dans leur recherche d'emploi, de soutenir les actions de formation pour les demandeurs d'emploi, de développer les contrats de professionnalisation et d'appuyer l'effort des partenaires sociaux pour revaloriser l'indemnisation du chômage partiel ».
Toujours au chapitre de l'emploi, pour aider les petites entreprises de moins de dix salariés - « particulièrement fragilisées par la crise actuelle » - à « passer ce cap » et à continuer à recruter, le gouvernement a décidé de leur accorder une « aide temporaire » qui compensera les charges patronales pour toutes les nouvelles embauches en 2009 (2). Cette « prime à l'embauche » équivaudra à 14 points de charges environ au niveau du SMIC, soit 180 € , précisent les services du chef de l'Etat. Pour des embauches à des salaires plus élevés, l'aide sera dégressive avec le salaire, c'est-à-dire qu'elle sera maximal au niveau du SMIC et s'éteindra à 1,6 SMIC. Elle sera versée chaque trimestre par Pôle emploi (qui naîtra le 1er janvier 2009 de la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi et des Assedic) et s'appliquera à toutes les embauches réalisées entre le 4 décembre 2008 - date de l'annonce du plan - et le 31 décembre 2009. Le coût de cette mesure, qui est estimé à 700 millions d'euros, sera financé par l'Etat.
« Pour soutenir l'activité et compenser le ralentissement de l'investissement privé, l'Etat va accélérer les investissements publics programmés pour les années à venir », a par ailleurs annoncé Nicolas Sarkozy. Il a évoqué notamment les contrats de plan Etat-région, qui « ont pris un retard considérable », mais aussi les investissements pour les hôpitaux psychiatriques, la rénovation des tribunaux et des établissements pénitentiaires ou bien encore pour l'accessibilité des personnes handicapées. A cet égard, signalons que le plan de relance prévoit une dotation exceptionnelle de 220 millions d'euros « permettant à l'Etat de conduire des opérations exemplaires, sur l'ensemble de son patrimoine, en matière d'accessibilité pour les personnes handicapées » (ainsi qu'en matière de rénovation thermique). Ce fonds sera ouvert à l'ensemble des ministères, à l'exception de celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce dernier disposera en effet d'une enveloppe spécifique - « 170 millions d'euros supplémentaires pour la seule année 2009 » - pour remettre à niveau l'immobilier universitaire en termes à la fois de sécurité et d'accessibilité pour les personnes handicapées, indique l'Elysée.
L'« effort d'investissement massif » de l'Etat portera également sur le secteur du logement, qui, à l'instar de celui de l'automobile, se retrouve aujourd'hui « à l'épicentre de la crise ». Un secteur dont l'activité est « déterminante pour la conjoncture et pour l'emploi d'aujourd'hui mais aussi pour les équilibres sociaux de demain, car si la construction ralentit, l'écart déjà trop grand se creusera encore davantage entre l'offre et le besoin de logements », a déclaré le président de la République. C'est pourquoi plusieurs mesures vont être prises pour « soutenir de manière exceptionnelle la construction de logements et l'activité du bâtiment ». En premier lieu, un programme supplémentaire de construction de 70 000 logements sera lancé sur la période 2009-2010. Ce programme s'ajoutera aux 30 000 logements acquis par des opérateurs dans les zones où les besoins sont les plus importants et vendus en l'état futur d'achèvement, logements annoncés par Nicolas Sarkozy le 1er octobre dernier. Dans le détail, les 70 000 logements se répartiront en deux catégories :
30 000 logements sociaux et très sociaux, dont 15 000 logements « PLAI » destinés aux ménages les plus modestes (revenus inférieurs à 1 700 € /mois en province pour un couple avec deux enfants et des loyers de 4 à 5 € /m2) et 15 000 logements « PLUS » accessibles à 60 % des ménages avec des loyers de 5 à 6 € /m2 ;
40 000 logements intermédiaires, dont 30 000 destinés à être achetés par des particuliers pour de l'investissement locatif et construits par des promoteurs privés, et 10 000 acquis par la Caisse des dépôts « pour être loués puis revendus dans quelques années notamment à leurs locataires ».
Pour s'assurer que ce programme sera bien réalisé en deux ans, l'Etat va mobiliser ses terrains publics par des cessions et le recours à des baux emphytéotiques, c'est-à-dire des baux de très longue durée sur des terrains restant la propriété de l'Etat, indique la présidence. Pour les bailleurs sociaux qui n'auraient pas suffisamment de fonds propres pour construire de nouveaux logements sociaux, le gouvernement estime que la péréquation entre bailleurs sociaux instituée par la future loi de mobilisation pour le logement permettra de leur apporter une aide.
Autres annonces : le doublement du prêt à taux zéro pour l'achat d'un logement neuf en 2009, l'instauration d'une aide exceptionnelle de l'Etat pour soutenir l'accession sociale à la propriété de 30 000 ménages modestes qui bénéficieront du « Pass foncier » en 2009, mais aussi l'accélération du programme de rénovation urbaine engagé dans les banlieues depuis 2003, avec « l'anticipation, dès 2009, de travaux programmés pour les années suivantes pour un montant de travaux de 600 millions d'euros ». Ils seront financés avec 200 millions de crédits supplémentaires attribués à l'Agence nationale de rénovation urbaine.
L'Agence nationale de l'habitat devrait également bénéficier de 200 millions d'euros supplémentaires pour la création d'un « fonds exceptionnel de lutte contre l'habitat indigne et les dépenses d'énergie ». Ce fonds sera créé pour aider au financement de travaux de rénovation qui seront réalisés en 2009 et 2010. Quelque 80 000 ménages modestes propriétaires occupants de leur logement feront partie des bénéficiaires. Le fonds aidera également les copropriétés en plan de sauvegarde qui sont fortement dégradées.
Enfin, le gouvernement compte dégager une enveloppe de 160 millions d'euros supplémentaires pour le logement de transition, l'hébergement et les structures d'accueil spécialisées. Une partie servira à financer l'accélération de programmes en cours tels que « l'humanisation » des centres d'hébergement (80 millions d'euros au total sur 2009 et 2010) ou la mobilisation de places supplémentaires en « intermédiation locative » (3) (15 millions d'euros). 15 autres millions serviront à financer la création de 1 000 nouvelles places d'accueil pour les personnes sans domicile fixe. Enfin, les 50 millions restants viseront à la reconduction d'aides exceptionnelles.
A noter : Nicolas Sarkozy a fait l'annonce de ces 160 millions d'euros supplémentaires la veille de la présentation du plan de relance, lors d'un déplacement sur le thème de la grande pauvreté, à Compiègne. A cette occasion, il a également annoncé une enveloppe de 20 millions d'euros en 2009 pour les associations qui distribuent de l'aide alimentaire, afin de leur permettre d'« améliorer la qualité de leurs entrepôts » et « d'informatiser le suivi de leur volume d'activité et la traçabilité des denrées ».
Jusqu'alors secrétaire général de l'UMP, le président du conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, a été chargé par Nicolas Sarkozy de veiller à l'application du plan et a été officiellement nommé, le 5 décembre, au poste de « ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance » (4). Placé auprès du Premier ministre, il « aura donc l'autorité que donne la capacité d'arbitrer », a précisé François Fillon.
Les mesures du volet fiscal du plan - tel que le doublement exceptionnel du prêt à taux zéro - seront intégrées dans le collectif budgétaire de fin d'année 2008, actuellement en cours d'examen au Parlement. Un autre collectif budgétaire (pour 2009) sur les mesures budgétaires du plan de relance sera présenté en conseil des ministres « avant la fin de l'année » et soumis au Parlement en janvier, a encore indiqué le chef du gouvernement. Enfin, un autre projet de loi, appelé lui aussi à être examiné par les parlementaires le mois prochain, comprendra les dispositions non financières du plan, « essentiellement des mesures de simplification des procédures permettant d'accélérer les investissements ».
(1) Rappelons que le RSA doit permettre aux bénéficiaires du RMI et de l'API de voir leurs revenus sensiblement augmenter lorsqu'ils reprennent une activité salariée et aux travailleurs pauvres d'atteindre un certain niveau de revenu - Voir ASH n° 2585 du 5-12-08, p. 7.
(2) Rappelons qu'actuellement, les entreprises de moins de dix salariés bénéficient au niveau du SMIC d'un allégement de cotisations patronales de sécurité sociale de 28,1 points, qui s'applique au salaire brut. Mais elles doivent encore payer environ 14 points de charges (cotisations de retraite complémentaire, cotisations d'assurance chômage...).
(3) Pour mémoire, ce dispositif permet aux associations de prendre en gestion des logements dans le parc privé afin de les sous-louer à des ménages hébergés jusque-là dans des hôtels ou des centres d'hébergement.
(4) Décret du 5 décembre 2008, J.O. du 6-12-08.