Les modalités d'accueil et de prise en charge des mineurs isolés contreviennent aux principes de la Convention internationale des droits de l'enfant. C'est ce que dénonce un rapport de France terre d'asile au Comité des droits de l'enfant des Nations unies, chargé d'examiner la situation française en mai 2009 (1).
La quasi-totalité des enfants arrêtés à la frontière le sont à l'aéroport de Paris-Roissy. En 2007, 822 jeunes s'y sont déclarés mineurs et 68 ont été reconnus comme tels après un examen osseux. Malgré les recommandations du Comité des droits de l'enfant, souligne France terre d'asile, les mineurs sont maintenus en zone d'attente dans les mêmes locaux que les adultes, même si, à l'aéroport de Roissy, les moins de 13 ans sont placés dans un hôtel, dont les conditions d'accès sont toutefois très restreintes. Par ailleurs, 155 mineurs en zone d'attente en 2007 (29 %) ne se sont pas vu attribuer d'administrateur ad hoc. Et lorsque ce dernier est désigné, le mineur est souvent refoulé avant de le rencontrer, du fait du nombre insuffisant de ces professionnels et de leur manque de disponibilité. A Roissy, 16 % des désignations en 2007 se sont ainsi soldés par des « refus de mission ». Les mineurs isolés n'étant pas toujours informés de la possibilité de bénéficier du « jour franc », qui suspend leur retour pendant les premières 24 heures, 36 % des enfants ont été renvoyés l'an dernier avant la fin du premier jour. Au total, 62 % des jeunes reconnus mineurs n'ont pas bénéficié d'un administrateur ad hoc en 2007, calcule France terre d'asile. Il est temps, insiste-t-elle, que la France prenne les dispositions nécessaires pour, à défaut de proscrire l'enfermement des mineurs à la frontière, créer pour eux un lieu spécifique adapté à leurs besoins, avec du personnel formé, et interdire toute mesure à leur égard hors de la présence d'un administrateur ad hoc possédant les compétences adéquates.
Autre point critique : les demandes d'asile à la frontière. En 2007, 26,5 % de celles formulées par des mineurs isolés ont reçu un avis positif de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), contre 24,6 % en 2006 et 12,6 % en 2005. Un chiffre nettement inférieur à celui enregistré pour les adultes (45,5 %), ce qui prouve que les demandes sont appréciées, selon l'association, de manière trop restrictive.
L'admission sur le territoire au titre de la protection de l'enfance est encore plus marginale. Alors que les mineurs isolés se trouvant en situation de danger devraient bénéficier de mesures de protection de l'enfance, ils n'ont été que 6 en 2006 (5 en 2005) à avoir été admis sur le territoire à la suite d'une décision du juge des enfants : « Les signalements sont rares, tandis que les autorités judiciaires sont encore peu familières de ce type de demande. » Cette possibilité devrait clairement être indiquée aux administrateurs ad hoc et à la police aux frontières, estime France terre d'asile.
L'association demande également que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour rendre effectif le droit à la réunification familiale des mineurs isolés se présentant à la frontière, notamment en élargissant la compétence du juge des libertés et de la détention. En attendant d'autres méthodes que le très contesté examen osseux, le bénéfice du doute devrait profiter au jeune et une contre-expertise être possible.
A l'intérieur du territoire, la prise en charge fait autant défaut. Si leur nombre est difficile à déterminer parce qu'il n'existe pas de données centralisées, il y aurait aujourd'hui entre 4 000 et 6 000 mineurs isolés présents en France, avec de grandes disparités pour leur prise en charge : le département de Paris en accueillait 695 en 2008, tandis que le Loiret n'en suivait qu'une soixantaine. L'Etat « devrait s'assurer que chaque département prévoie dans son schéma départemental conjoint de prévention et de protection de l'enfance une partie consacrée à l'accueil d'urgence des mineurs isolés étrangers, comportant un protocole de signalement et permettant une protection effective ».
Les services de l'aide sociale à l'enfance ayant des pratiques différentes, certains imposant des conditions d'accueil spécifiques pour les « mineurs étrangers isolés proches de la majorité », ce qui constitue une discrimination, France terre d'asile demande également à l'Etat de garantir une égalité de traitement sur le territoire. Les freins à la mise en place d'une tutelle, en raison des incertitudes qui pèsent sur la situation du jeune, devraient être levés. La demande d'asile sur le territoire (taux d'accord de 22 % en 2008 devant l'OFPRA, contre 46 % devant la Cour nationale du droit d'asile) devrait être facilitée : « La création d'une section spéciale «mineurs isolés» au sein de l'OFPRA est indispensable » et les « pratiques de certaines préfectures tendant à priver les mineurs isolés étrangers de leur droit à demander l'asile doivent également faire l'objet d'une circulaire clarifiant les procédures à appliquer et leurs différentes étapes ». L'association demande au gouvernement et aux départements de créer des dispositifs conjoints dédiés aux mineurs demandeurs d'asile. Elle préconise de faciliter l'accès à la scolarité et à la formation professionnelle des moins de 16 ans, par « une délivrance plus étendue des autorisations de travail, non conditionnée à l'âge d'admission à l'aide sociale à l'enfance ».
Le refoulement des mineurs isolés vers des pays tiers ou de transit « devrait être proscrit » et le rapatriement dans le pays d'origine assorti de procédures spécifiques, « dont une évaluation préalable, permettant de s'assurer que chaque retour d'un mineur isolé est conforme à sa sécurité, à sa dignité et à son intérêt supérieur » (2). A ce titre, France terre d'asile demande au gouvernement de ne pas appliquer la « directive retour » définitivement adoptée le 9 décembre (voir ce numéro, page 20), « attentatoire aux droits fondamentaux des enfants ».
(1) Rapport alternatif au Comité des droits de l'enfant - Octobre 2008 - France terre d'asile - Disponible sur
(2) 37 % des mineurs isolés arrivés aux frontières ont été refoulés en 2007.