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Justice des mineurs : la commission « Varinard » propose de fixer à 12 ans l'âge de la responsabilité pénale

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Les conclusions tant attendues de la commission présidée par l'universitaire André Varinard, chargée de se pencher sur les modalités de la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, ont été remises le 3 décembre à la garde des Sceaux. Une réflexion nécessaire, selon Rachida Dati, afin de redonner plus de pertinence et d'efficacité à un texte qui a été « modifié à 31 reprises en 60 ans, dont 17 sur les 20 dernières années » (1). André Varinard, de son côté, a estimé que la commission ne présentait que des « modifications raisonnables » : « chaque proposition a été expertisée du point de vue de sa faisabilité, y compris en termes de postes indispensables », a-t-il assuré. D'ailleurs, a-t-il fait remarqué, « une plus grande maîtrise du temps éducatif, en substituant à un temps long souvent trop peu productif un temps plus court mais avec un suivi plus intensif, n'induit pas forcément des moyens supplémentaires ». Pour Rachida Dati, ce rapport jette « les bases d'une refondation de la justice pénale des mineurs », qu'elle a l'ambition de finaliser « avant la fin du premier trimestre 2009 ».

Fixer l'âge de la responsabilité pénale à 12 ans

La commission propose d'inscrire dans la loi que l'âge de la majorité pénale (2) est 18 ans - ce qui n'apparaît aujourd'hui clairement dans aucun texte -, et de fixer celui de la responsabilité pénale, qui ne l'est pas jusqu'à présent, à 12 ans, un âge que l'instance et Rachida Dati estiment - contrairement aux syndicats de magistrats et d'éducateurs (voir ce numéro, page 37) - « comme étant le plus pertinent au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile » (3). Il ne sera dès lors plus nécessaire d'établir que le mineur a agi avec discernement, comme c'est le cas actuellement. En cas de doute sur l'âge du mineur, « c'est l'intérêt de l'enfant qui prime, l'âge le plus bas résultant des investigations devant être retenu ». Toutefois, il n'est pas possible, selon le rapport, d'exclure de la sphère pénale les enfants de moins de 12 ans pour lesquels il conviendrait de créer un « statut particulier ». « Il ne s'agirait pas de prononcer une condamnation pénale mais de prendre quand même une sanction éducative à leur égard », a expliqué André Varinard, une proposition jugée intéressante par la ministre de la Justice.

En outre, le rapport affirme « l'impossibilité d'incarcérer un mineur de moins de 14 ans, sauf en matière criminelle ». Toutefois, précise-t-il, « les mineurs de 12 à 14 ans pourront faire l'objet d'obligations ordonnées à titre de mesures de sûreté » dans les mêmes conditions de mise en oeuvre de la procédure aujourd'hui applicable aux mineurs de 13 ans. Pour les faits les plus graves, la commission suggère des « placements spécifiques contenants », c'est-à-dire des placements à mi-chemin entre le foyer d'action éducative et le centre éducatif fermé. Il s'agirait de les placer dans des « structures d'accueil immédiat et mieux adapté » non privatives de liberté, mais « avec plus de contrôle, de surveillance », l'idée étant d'éloigner le jeune de son environnement quotidien.

S'agissant des mineurs âgés de 12 à 14 ans, « s'il faut acter qu'il est inacceptable qu'une infraction commise par un mineur n'entraîne aucune réaction, cela ne signifie pas obligatoirement une pénalisation automatique de la réponse », souligne le rapport. Aussi propose-t-il de déjudiciariser les premières infractions (« les moins graves ») et que « la réponse au premier acte de délinquance puisse être confiée, à l'initiative du parquet, à une instance ad hoc, émanation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans ce cas, le parquet classe sans suite la procédure à l'issue d'un rapport de prise en charge transmis par cette instance. »

Les mineurs délinquants étant souvent des mineurs en danger, la commission prône également le « maintien de la double compétence du juge des mineurs en matière civile et pénale », pour une appréhension globale de leur situation.

Renforcer la cohérence des sanctions

Sans revenir sur leur contenu, le rapport propose de supprimer le vocable de « mesures éducatives » au profit de la dénomination « sanctions éducatives ». Leur durée maximale pourrait être fixée à un an. Le dispositif graduel de réponses pénales prononcées par les juridictions comprendrait ainsi les sanctions éducatives et les peines. Une liste exhaustive de ces sanctions pourrait être élaborée et intégrée à un nouveau « code de la justice pénale des mineurs » permettant de renforcer les dispositions qui leur sont applicables et d'en donner une meilleure lisibilité. Quoi qu'il en soit, martèle la commission, l'objectif éducatif de toute réponse pénale doit être affirmé : « les juridictions devront d'abord envisager de prononcer une sanction éducative, et si celle-ci n'apparaît pas suffisante, alors elles pourront prononcer des peines », la possibilité de cumuler dans toutes les hypothèses ces deux réponses pouvant être envisagée, estime la commission, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement. Elle ajoute que le non-respect d'une sanction éducative pourrait être sanctionné par le prononcé d'une autre sanction éducative. Et, par ailleurs, dans l'hypothèse de récidive du non-respect de cette sanction, une infraction distincte pourrait être envisagée, « sanctionnée notamment par un placement de fin de semaine pour les moins de 14 ans ou par une incarcération de fin de semaine pour les plus de 14 ans ».

En tout état de cause, l'emprisonnement doit demeurer « exceptionnel », insiste la commission, qui dénonce le « caractère corrupteur de la prison, celle-ci apparaissant souvent comme une véritable «école de la récidive» ». Le caractère exceptionnel de l'incarcération pourrait être renforcé par la création d'une « sanction de placement séquentiel », adaptée « aux mineurs scolarisés mais livrés à eux-mêmes les fins de semaine », d'une « peine principale de placement sous surveillance électronique mobile » (4) ou encore d'une « peine d'emprisonnement de fin de semaine » (quatre week-ends successifs au maximum). Cette dernière constituerait « une mesure intermédiaire avant d'avoir à prononcer une incarcération définitive », qui s'exécuterait dans un établissement pour mineurs ou un quartier pour mineurs. Le rapport préconise aussi d'instaurer une « catégorie unique de suivi éducatif en milieu ouvert » - en lieu et place de l'ensemble des mesures actuelles de milieu ouvert (mesure de liberté surveillée, mesure d'activité de jour...) - qui pourrait « intégrer des obligations de faire (réparation ou activité de jour) ainsi que des mesures d'assistance et de surveillance qui seront décidées par le magistrat ». En cohérence avec le principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté et pour accompagner la réinsertion du mineur, l'instance souhaite également que les aménagements de peine soient plus souvent utilisés, comme le préconisait aussi le rapport Warsmann en juin dernier (5). Ainsi, dès lors que le reliquat de peine est inférieur à un an, elle suggère qu'un aménagement soit obligatoire et, s'il est supérieur à cette durée, l'aménagement ne s'imposerait qu'à compter de l'exécution des deux tiers de la peine. Dans ce cadre, la commission prône « l'attribution de moyens financiers supplémentaires destinés à renforcer la prise en charge des mineurs dont la peine a été aménagée ».

Au-delà de la hiérarchisation plus lisible des alternatives aux poursuites, la commission entend permettre de limiter le nombre de ces mesures ordonnées par le parquet, en instaurant une nouvelle mesure alternative aux poursuites appelée « avertissement final ». Celle-ci pourrait être délivrée par le procureur de la République et constituerait l'ultime réponse avant la judiciarisation de toute nouvelle infraction, c'est-à-dire la saisine du juge des mineurs (6).

Pour renforcer la cohérence des réponses pénales, la commission préconise une nouvelle architecture des formations de jugement des jeunes délinquants, ce qui permettrait, selon la garde des Sceaux, d'« organiser à la fois une gradation dans la solennité et les sanctions applicables » et de « faire prendre conscience [aux mineurs] de leur situation pénale et des sanctions qu'ils encourent ». A ce titre, le rapport propose donc notamment de créer un « tribunal correctionnel pour mineurs » composé d'au moins un juge des mineurs et qui serait compétent pour : les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, ceux poursuivis avec des majeurs et ceux âgés de 16 à 18 ans multirécidivistes ; les infractions commises par des jeunes majeurs au cours de l'année suivant leur majorité. Toutefois, a indiqué Rachida Dati, ces suggestions doivent être examinées avec « grand soin » car « il faudra veiller à concilier l'exigence de fermeté de la réponse pénale et les spécificités du traitement des mineurs ».

Améliorer la rapidité des réponses pénales

Pour la commission, la lisibilité de la justice pénale des mineurs passe aussi par une « accélération raisonnée » de la réponse pénale et, pour ce faire, le « préalable indispensable » est la « connaissance suffisante de la personnalité du mineur ». Aussi suggère-t-elle que les services de police ou de gendarmerie puissent recueillir dès l'enquête pénale, à la demande du parquet, les renseignements relatifs à la situation personnelle et familiale du mineur mis en cause afin d'identifier les situations les plus dégradées. Ou encore qu'un « examen systématique et complet de la personnalité du mineur lors de la première saisine du juge » (7) soit effectué par les services éducatifs dans un délai de trois mois, renouvelable une fois (au lieu de 6 mois renouvelable actuellement). Cela devra donner lieu à l'ouverture d'un dossier unique de personnalité. Des propositions que Rachida Dati juge « très intéressantes ». En outre, afin de ne pas faire « perdurer trop longtemps la sanction éducative sans risquer qu'elle perde de son sens, voire de stigmatiser un mineur aux yeux de la société », le rapport préconise le « réexamen tous les six mois de la situation d'un mineur pour lequel une procédure pénale est en cours ». Du côté de la procédure, notamment en matière correctionnelle, il recommande, entre autres, de ramener de deux à un an la durée des instructions lorsque des mineurs sont mis en examen.

Autre mesure visant à améliorer la rapidité des réponses pénales : permettre aux juridictions pour mineurs de délivrer un mandat au directeur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin de procéder sans délai au placement du mineur quel que soit son âge. Dans ce cadre, la commission préconise la « création de places d'accueil immédiat dans le dispositif de placement géré par la PJJ » ou bien « en internats scolaires permettant de mieux assurer une scolarité ou une formation professionnelle dans le cadre d'un suivi en milieu ouvert ou suite à un placement ».

A noter enfin : la commission recommande la « présence obligatoire des services éducatifs à toutes les audiences des juridictions des mineurs », présence aujourd'hui facultative.

Notes

(1) Voir ASH n° 2554 du 18-04-08, p. 5 et 33.

(2) C'est l'âge à partir duquel un jeune est jugé comme un adulte et non plus suivant les règles propres aux mineurs. A distinguer de l'âge de la responsabilité pénale qui est celui à partir duquel il peut être poursuivi pour les infractions pénales qu'il commet.

(3) Des propositions qui vont à l'encontre des recommandations du commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe - Voir ASH n° 2583-2584 du 28-11-08, p. 13.

(4) Le placement sous surveillance électronique mobile n'est aujourd'hui possible que dans le cadre d'un aménagement de peine.

(5) Voir ASH n° 2561 du 6-06-08, p. 17.

(6) Toutefois, le mineur qui dans un délai de deux ans après le prononcé d'un avertissement final ne commet pas de nouvelle infraction pourra se voir appliquer à nouveau des alternatives aux poursuites.

(7) S'agissant des mineurs déscolarisés, cette nouvelle mesure d'investigation devra toujours comprendre un bilan de la scolarité et de la formation.

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