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Affections de longue durée : les députés proposent de mieux cibler le dispositif et de le rendre plus équitable

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La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale a rendu public le 26 novembre un rapport sur les affections de longue durée (ALD) (1). Un sujet « central pour l'avenir de l'assurance maladie », estime-t-elle, « en raison des enjeux sanitaires et humains qu'il représente mais aussi de son poids financier » : en 2007, les dépenses en ALD ont représenté près de 71 milliards d'euros pour le régime général, soit environ 65 % du total des dépenses. La mission s'est ainsi penchée sur l'évolution du dispositif, de plus en plus coûteux, complexe et ne « [permettant] pas toujours d'assurer une prise en charge médicale optimale et une réelle équité dans la prise en charge financière ». Aussi plaide-t-elle pour le « recentrage » du régime des ALD et fait-elle un certain nombre de recommandations pour pallier ses insuffisances.

Un dispositif qui commence à s'essouffler

Fin 2007, un peu plus de 9 millions de personnes bénéficiaient du régime des ALD - qui ouvre droit à l'exonération du ticket modérateur -, dont 8 millions d'assurés pour le seul régime général. Un chiffre qui pourrait s'établir à 10 millions d'ici à la fin 2008 (soit 15 % des assurés), estime le rapport, pour passer à près de 12 millions en 2012. L'augmentation de la prévalence des ALD est liée à plusieurs facteurs dont l'importance varie selon les pathologies : les évolutions épidémiologiques ; la reconnaissance plus rapide de la maladie, grâce aux progrès de l'imagerie médicale et au développement du dépistage ; la propension à proposer l'admission des patients en ALD, notamment en raison du coût des traitements ; la plus grande efficacité des traitements qui permet d'allonger la vie des malades et conduit donc aussi à une augmentation des effectifs. Au total, les dépenses de remboursement pour les soins et prestations des patients en ALD se sont élevées, en 2007, à 70,7 milliards d'euros sur un total de 109,1 milliards pour l'ensemble des assurés relevant du régime général, se répartissant à 41 % pour les soins de ville et à 59 % pour les soins hospitaliers. Et, selon le rapport, d'ici à 2011, elles devraient passer à 89 milliards d'euros. Celui-ci note, en outre, la « surreprésentation des [personnes en] ALD dans les structures d'accueil médico-social » : 20 % d'entre elles y sont accueillies, contre 12 % des personnes qui ne sont pas en ALD.

Au-delà, la MECSS s'attarde sur l'aspect qualitatif des prestations qu'offre actuellement le régime des ALD. Certes, « l'admission en ALD donne accès à un régime préférentiel de prise en charge des prestations en nature, mais l'avantage différentiel qu'il procure est aujourd'hui plus faible », estime-t-elle. A l'origine, l'admission en ALD supposait la réunion d'une condition médicale et de coût des soins. Mais en 1986, le critère de coût a été supprimé et, en contrepartie, le champ de l'exonération ALD a été limité aux seuls soins en rapport direct avec la maladie exonérante (2). « L'abandon du critère de coût explique d'ailleurs en partie la dynamique du régime », souligne la mission, ajoutant que « l'application de ce critère serait au contraire certainement de nature à réduire la croissance constatée ». En outre, explique-t-elle, pour tous les assurés, « le remboursement des soins est toujours établi sur la base du tarif de la sécurité sociale et non sur la base des frais réels ». La prise en charge à 100 % « ne couvre ainsi pas la prise en charge des dépassements de tarifs de biens médicaux ni les dépassements d'honoraires », alors même que les patients en ALD « sont de gros consommateurs de soins ». Elle ne concerne pas non plus les actes et prestations non prévus au remboursement.

Par ailleurs, les assurés admis en ALD se voient de plus en plus appliquer des règles de droit commun : ainsi, ils ne sont pas exemptés du forfait de 1 € et des franchises médicales, et sont assujettis aux pénalisations en cas de non-respect du parcours de soins coordonné. Le reste à charge de ces assurés peut alors s'avérer important selon les maladies concernées, relèvent les députés, rappelant les remarques en la matière du rapport « Briet-Fragonard » sur le bouclier sanitaire (3) : par exemple, près de 16 % des personnes en ALD, contre environ 9 % des autres assurés, ont un reste à charge supérieur à 500 € par an en soins de ville.

Une charge qui pèse trop sur les régimes obligatoires

Selon la MECSS, « l'augmentation du nombre de personnes en ALD entraîne une modification de la répartition du financement des dépenses de soins entre l'assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires », au détriment de la première. Dans son rapport annuel 2008, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé cet effet de déport vers l'assurance maladie obligatoire à près de trois milliards d'euros en cinq ans. Selon lui, cette situation s'explique notamment par « la croissance rapide des dépenses des assurés en ALD » ; « le vieillissement de la population puisque le taux de prise en charge des dépenses croît avec l'âge : 77,7 % au-dessous de 60 ans et 83,7 % au-dessus » ; « l'augmentation des soins dans le secteur médico-social où le taux de prise en charge est plus élevé que le taux moyen en assurance maladie ».

Un recentrage nécessaire

Au regard de ces constats, la MECSS préconise une réforme des ALD, qui doit « s'inscrire dans la réforme globale de l'offre de soins en lien avec le développement des maladies chroniques ». L'objectif prioritaire étant de « rendre le système plus efficient, plus simple et plus juste ». Dans cet esprit, trois orientations pourraient être privilégiées, selon elle, à commencer par un meilleur ciblage du régime des ALD. Il s'agirait en effet de « réserver l'exonération aux patients atteints de maladies longues et coûteuses qui sont réellement exposés à des restes à charge importants ». Ce qui suppose que la Haute Autorité de santé effectue une « révision de la liste des ALD exonérantes et des critères d'admission et de sortie du régime. Il pourrait être [alors] envisagé un dispositif de sortie progressif, notamment à l'occasion du réexamen des protocoles de soins. » Les moyens ainsi dégagés devraient être, selon les députés, « redéployés pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques, développer la prévention et l'accompagnement des malades ». Le rapport suggère en outre d'« améliorer le remboursement de certains biens et services nécessaires à la prise en charge de la pathologie ».

S'agissant de l'amélioration de la prise en charge des maladies chroniques - qui concernent aujourd'hui 18,5 millions de personnes ne relevant pas des ALD -, la MECSS recommande plus particulièrement d'« accentuer les efforts de prévention et de lutte contre les facteurs de risque » et de « favoriser l'amélioration de la qualité des traitements », notamment en généralisant la diffusion de « guides médecins » et de « guides patients » pour chaque pathologie. Ou encore en instaurant un contrat thérapeutique ou un contrat de soins conclu avec le médecin, qui pourrait « favoriser l'adhésion au traitement et ainsi renforcer l'observance et l'efficacité ». Autre préconisation : favoriser la coopération entre les professionnels de santé et la délégation de tâches. Ce qui suppose de « développer des modes de prise en charge intégrée qui soient plus respectueux de la personne, permettant une meilleure orientation du patient dans le système de soins et un accès plus simple et plus facile aux soins », précisent les députés. Cette mesure pourrait être facilitée par les maisons de santé pluridisciplinaires et les futures agences régionales de santé (4), ajoutent-ils. Enfin, ils estiment souhaitable de renforcer l'accompagnement du patient, notamment grâce au développement de « téléservices associant des services d'assistance et de conseils téléphoniques s'appuyant sur des personnels paramédicaux et des sites Internet spécialisés ».

Une dernière solution - alternative ou de plus long terme que celle du recentrage du dispositif - consisterait, selon la mission, à rendre la prise en charge plus équitable en mettant en place le bouclier sanitaire proposé il y a plus de un an par le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (5). Mais, précise-t-elle, une telle mesure supposerait « la suppression du régime des ALD exonérantes et l'adoption d'un système unique de taux de ticket modérateur associé à un plafonnement du reste à charge des assurés ». Bien que ce ne soit « pas une solution miracle », avouent les députés, cela permettrait de rendre la prise en charge financière plus équitable qu'actuellement et de simplifier le système complexe des ALD. Dans le cas où le bouclier sanitaire serait mis en oeuvre sans prendre en compte le critère du revenu, « il serait souhaitable de renforcer l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé », estiment-ils.

Notes

(1) Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) On distingue les ALD exonérantes, qui figurent sur une liste fixée par décret (dite les « ALD 30 ») ou font partie des ALD « hors liste » et qui ouvrent droit à l'exonération du ticket modérateur, et les ALD non exonérantes, qui recouvrent les affections nécessitant une interruption de travail ou des soins d'une durée supérieure à six mois mais qui, malgré tout, n'entrent pas dans la catégorie des maladies exonérantes figurant sur une liste ou « hors liste ».

(3) Voir ASH n° 2525 du 5-10-07 p. 5.

(4) Voir ASH n° 2578 du 24-10-08, p. 5.

(5) Voir ASH n° 2525 du 5-10-07 p. 5.

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