Les établissements et services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sont très divers. Pour accomplir sa mission d'accueil et d'hébergement des jeunes qui lui sont confiés, le service départemental de l'ASE, placé sous l'autorité du conseil général, s'appuie notamment sur des structures publiques - comme les foyers départementaux de l'enfance qui constituent, selon les collectivités locales, des établissements publics autonomes ou des services non personnalisés du département. Il peut également faire appel à des assistants familiaux ou avoir recours à des établissements et services publics ou privés habilités par lui.
Lorsqu'un mineur fait l'objet d'un placement auprès de l'une de ces structures, il peut arriver qu'il commette des dommages à des tiers. Le service ou l'établissement d'accueil peut-il alors en être tenu pour responsable ? C'est une question à laquelle la jurisprudence s'intéresse depuis un certain nombre d'années. Et, du fait de la diversité juridique des structures de l'ASE - publiques ou privées -, tant le juge judiciaire que le juge administratif ont été amenés à s'interroger sur ce point. Une répartition des compétences s'est dès lors opérée entre les deux, répartition dont le tribunal des conflits a fixé les grands principes, dans une décision de 2001 (1) :
la juridiction judiciaire est compétente pour connaître de la responsabilité des organismes privés en raison des actes commis par les mineurs dont ils ont la garde ;
le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité des organismes de droit public en raison des agissements des mineurs dont ils ont la garde.
Il faut également relever que cette jurisprudence autour de la responsabilité des établissements et services de l'ASE s'est essentiellement développée dans le cadre de la procédure d'assistance éducative. Dans une moindre mesure, le juge administratif s'est également prononcé sur la question de la responsabilité de l'ASE lorsqu'un enfant est pris en charge à la demande de ses parents, c'est-à-dire notamment dans le cadre de la protection administrative. En effet, en France, le dispositif de protection de l'enfance repose sur une dualité de compétences : la protection administrative et la protection judiciaire dans le cadre de la procédure d'assistance éducative. La première est dans le giron des départements via, en particulier, leurs services d'aide sociale à l'enfance, et vise notamment à prendre en charge des mineurs en danger ou en risque de l'être, avec l'accord de leurs parents. Dans sa dimension judiciaire, la finalité de la protection de l'enfance est la même, mais la décision d'accueillir le jeune dans une structure de l'ASE est cette fois imposée aux parents par le juge des enfants (2). Selon l'article 375-3 du code civil, ce magistrat peut en effet, si la protection de l'enfant l'exige, décider de le confier à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou directement à un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge.
A noter : ce dossier ne traite pas de la protection judiciaire de l'enfance délinquante qui se traduit, à partir du moment où un mineur commet un crime ou un délit, par la mise en oeuvre, sur décision du juge des enfants, de mesures prévues par l'ordonnance du 2 janvier 1945 relative à l'enfance délinquante.
C'est dans le cadre de la procédure d'assistance éducative que la jurisprudence a été la plus foisonnante. Elle a progressivement posé, en cas de dommages causés par les mineurs accueillis, le principe d'une responsabilité du fait d'autrui à la charge des structures de l'ASE.
Puis, dans un second temps, les juges se sont interrogés sur les limites à apporter à ce principe dans des situations spécifiques, et ont cherché à mieux définir qui était l'autorité responsable.
Les établissements et services de l'ASE, tant publics que privés, qui accueillent des mineurs au titre de l'assistance éducative sont reconnus, depuis 1991, responsables sans faute des dommages causés par les mineurs qu'ils accueillent.
Depuis le célèbre arrêt « Bliek » du 29 mars 1991 (3), la Cour de cassation reconnaît la responsabilité sans faute d'un établissement social en raison des dommages causés par les publics qu'il accueille en se fondant sur le principe de la responsabilité du fait d'autrui prévu à l'article 1384, alinéa 1er du code civil. Selon ce texte, « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». En l'espèce, l'affaire ne se situait pas dans le cadre de l'assistance éducative mais mettait en cause un adulte handicapé accueilli dans un centre d'aide par le travail géré par une association, qui avait commis un incendie de forêt. Pour les hauts magistrats, l'association avait « accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé ». Dès lors, elle « devait répondre de celui-ci au sens de l'article 1384, alinéa 1er du code civil ».
Cette règle a ensuite été étendue au cadre de la procédure d'assistance éducative. Dans un arrêt du 10 octobre 1996 (4), la Cour de cassation a considéré que la décision du juge des enfants confiant à une personne physique ou morale la garde d'un mineur en danger par application des articles 375 et suivants du code civil - articles qui organisent la procédure d'assistante éducative - transfère au gardien la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler le mode de vie du mineur et donc la responsabilité de ses actes, celle-ci n'étant pas fondée sur l'autorité parentale mais sur la garde. Ce, toujours en application de l'article 1384, alinéa 1er du code civil.
Cette solution a été, par la suite, maintes fois réitérée, que le mineur soit placé sur décision du juge des enfants dans un établissement privé ou dans une structure publique (5).
Le principe d'une responsabilité sans faute acquis, la Cour de cassation a ensuite précisé, dans une décision du 26 mars 1997 (6), que seules la faute de la victime et la force majeure pouvaient exonérer les établissements et services de leur responsabilité. Puis, les magistrats ont été confrontés à des affaires qui les ont amenés à apporter de nouvelles limites à cette responsabilité, en particulier lorsque l'enfant rentre temporairement dans sa famille pendant son placement ou fait l'objet d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert.
Si le principe de la responsabilité sans faute s'applique aujourd'hui sans difficulté pendant la période où le mineur est accueilli dans un établissement au titre de l'assistance éducative, qui est responsable des dommages qu'il commet lorsqu'il rentre temporairement dans sa famille ?
Tout se joue autour de l'articulation de deux dispositions du code civil :
la première est, comme nous l'avons vu, l'article 1384, alinéa 1er du code civil sur la responsabilité du fait d'autrui ;
la seconde est l'article 375-7 du code civil qui énonce que « les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ».
En ce domaine, les chambres criminelle et civile de la Cour de cassation ont eu, jusqu'en 2008, des positions divergentes dans le cas d'enfants confiés à des établissements privés. Par un récent arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation s'est alignée sur la position du juge civil.
Depuis une décision du 6 juin 2002, la chambre civile de la Cour de cassation estime qu'« une association chargée par décision d'un juge des enfants d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur demeure, en application de l'article 1384, alinéa 1er du code civil, responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci habite avec ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative » (7). Dans cette affaire, la Cour a été appelée à se prononcer à la suite d'un incendie et d'un vol commis par un mineur de 16 ans dont la garde avait été confiée à une association au titre de l'assistance éducative mais qui, au moment des faits, était chez sa mère.
Saisie une seconde fois pour la même affaire, la chambre civile de la Cour de cassation a confirmé sa position. Dans un arrêt rendu le 15 décembre 2005, elle a à nouveau exclu la responsabilité de plein droit de la mère du mineur pour retenir celle de l'association en charge de la mission éducative. Et souligné par ailleurs que « c'est précisément parce que la mère ne semblait pas en mesure de faire face aux troubles de son fils » que le juge pour enfants avait confié ce dernier à l'association (8).
Jusqu'à son revirement de 2008, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré, au contraire, que la responsabilité d'un établissement d'aide sociale à l'enfance auquel un jeune avait été confié ne pouvait être engagée lorsque celui-ci commettait des dommages pendant ses séjours réguliers dans sa famille. Le point de départ de sa jurisprudence est un arrêt du 25 mars 1998 (9). Les faits étaient les suivants : un adolescent avait commis un viol aggravé sur sa demi-soeur alors qu'il se trouvait chez sa mère dans le cadre du droit de visite et d'hébergement organisé par l'établissement sous le contrôle du magistrat. Pour asseoir sa décision, la chambre criminelle s'est appuyée sur l'article 375-7 du code civil (voir page 20). Dans la mesure où le droit de visite et d'hébergement de cet enfant était organisé sous le contrôle du juge, la Cour a estimé que la responsabilité des parents pouvait être engagée pendant le temps où ils accueillent leur enfant.
Un arrêt du 8 janvier 2008 a mis fin à cette jurisprudence et, par là même, a unifié les positions de la chambre criminelle et de la chambre civile (10). Pour les hauts magistrats, les établissements privés accueillant des jeunes au titre de l'aide sociale à l'enfance sont désormais responsables des dommages causés par les mineurs qui leur sont confiés, y compris lors de leurs visites chez leurs parents. Pourtant, les faits étaient très similaires à la situation examinée en 1998. Un mineur avait été placé par une mesure d'assistance éducative dans un foyer d'accueil géré par une association. Un droit de visite et d'hébergement au profit de la mère avait été prévu dans l'ordonnance du juge. Au cours des vacances de Noël, ce jeune, qui séjournait au domicile parental, a commis des viols sur sa soeur pour lesquels il a été condamné pénalement. Qui de la mère ou de l'association était civilement responsable ? Opérant un revirement de jurisprudence, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré qu'« une association, chargée par décision du juge des enfants d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un mineur, demeure, en application de l'article 1384, alinéa 1er du code civil, responsable de plein droit du fait dommageable commis par ce mineur, même lorsque celui-ci est hébergé par ses parents, dès lors qu'aucune décision judiciaire n'a suspendu ou interrompu cette mission éducative ». Autrement dit, elle s'est alignée sur les arguments retenus depuis 2002 par la chambre civile.
La solution retenue a le mérite de la simplicité. Elle facilite l'indemnisation des victimes qui n'ont pas à prouver la faute du service, en l'occurrence un défaut de surveillance. En outre, selon Danièle Cristol, maître de conférences à l'université de Poitiers, « cela permet d'éviter d'avoir à se poser l'épineuse question de savoir qui est responsable pendant les périodes transitoires lorsque, par exemple, le dommage survient entre le moment où le mineur quitte l'établissement et celui où il rejoint le domicile familial et inversement. Il est en effet très délicat, dans ces hypothèses, d'établir à quel moment précis la charge de la responsabilité «change de main» » (11).
Pour autant, cet alignement ne va pas sans poser de questions sur la déresponsabilisation des parents qu'il entraîne dans ces situations, alors que des faits graves sont commis. Reste que, il est vrai, l'enfant faisait l'objet d'une mesure d'assistance éducative, ce qui suppose, par définition, que ses parents n'étaient plus en mesure de le prendre en charge, au moins momentanément.
Une autre limite à l'engagement de la responsabilité des établissements privés d'aide sociale à l'enfance est la nature de la mesure décidée par le juge. Si le placement d'un mineur au titre de l'assistance éducative entraîne la responsabilité sans faute de l'établissement d'accueil, qu'en est-il si le juge prononce uniquement une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert ? La Cour de cassation a répondu à cette question dans une décision du 19 juin 2008 (12).
Pour les juges, l'association à laquelle un mineur est confié dans le cadre d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) n'a pas la charge d'organiser, de diriger et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ce dernier, charge qui est un critère déterminant de l'engagement de sa responsabilité. La structure ne s'était vu confier qu'une mesure d'AEMO, dont l'objet est d'apporter aide et conseil à la famille et de suivre le développement de l'enfant. Par conséquent, une telle mesure n'est pas de nature à transférer à l'association tout ou partie de l'autorité parentale. En outre, lors des faits dommageables, elle n'avait aucun pouvoir effectif de direction et de surveillance sur le mineur, dont elle ne pouvait contrôler le mode de vie. L'association n'est donc pas responsable des dommages qu'il a causés.
Il n'est pas rare, lorsque le juge des enfants prononce une mesure d'assistance éducative et la confie à un département, que ce dernier délègue à son tour cette mesure à une association habilitée. La question s'est donc rapidement posée de savoir qui, du département ou de cette association, était, dans ce cas-là, responsable du dommage causé par un mineur accueilli dans ce cadre. En la matière, la jurisprudence est encore loin d'être simple, la chambre criminelle et la chambre civile de la Cour de cassation n'étant pas parvenues au même résultat.
La question de savoir qui, du département ou de la structure d'accueil, est responsable se pose également lorsque cette dernière est une structure publique juridiquement autonome du service départemental de l'ASE.
Dans une affaire soumise en 2000 à la chambre criminelle de la Cour de cassation, un juge des enfants avait confié un mineur à un service départemental de l'aide sociale à l'enfance et indiqué son souhait qu'il soit accueilli dans une structure privée nommément désignée. Au cours de ce placement, le jeune en question s'était rendu coupable de vol aggravé, de dégradations volontaires par incendie et de falsification de chèques. A qui pouvait être imputée la responsabilité ? Au département ou au foyer d'accueil ?
La chambre criminelle a considéré que « la charge d'organiser, de diriger et de contrôler le mode de vie du mineur a été transférée, en exécution des décisions du juge des enfants, à l'établissement éducatif où il a été placé et que cette institution devait en répondre au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil » (13). Autrement dit, le fait que le juge des enfants ait nominativement désigné cette structure privée dans son ordonnance a entraîné un transfert de responsabilité du département vers elle.
La chambre civile a abouti, dans un arrêt du 7 octobre 2004 (14), à une solution totalement inverse dans une situation, il est vrai, somme toute assez différente puisqu'il ne s'agissait pas d'une mesure d'assistance éducative. Malgré tout, on peut penser que la solution retenue pourrait également s'appliquer dans le cas d'une mesure d'assistance éducative.
Dans l'affaire qui lui était soumise, une mineure avait été confiée à la tutelle d'un département par une décision du juge des tutelles et placée par cette collectivité territoriale dans un foyer d'accueil géré par une association. Au cours d'une fugue, elle avait provoqué volontairement un incendie dans un immeuble en copropriété, y causant d'importants dommages. A la différence de l'espèce jugée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, c'est le département lui-même qui avait désigné une structure privée, ce qui est très courant en pratique. Pour la Haute Juridiction, le département est responsable puisque c'est lui qui a été chargé d'organiser, de diriger et de contrôler à titre permanent le mode de vie de la mineure, et qu'au moment de l'incendie volontaire qu'elle avait provoqué, aucune décision judiciaire n'avait suspendu ou interrompu cette mission éducative. En outre, la collectivité ayant conservé cette charge, elle s'en était acquittée par un placement provisoire en foyer d'accueil dans des conditions qu'elle avait déterminées et qu'elle contrôlait. Dès lors, le département est de plein droit responsable du fait dommageable imputable à la mineure.
Lorsque l'enfant est confié à une autre structure publique par le service de l'aide sociale à l'enfance, le département demeure responsable des dommages commis par le mineur accueilli. C'est ce qu'a décidé la cour administrative d'appel de Douai dans un arrêt du 30 mars 2006 (15). En l'occurrence, un mineur avait été confié au service de l'ASE d'un département et placé dans un centre départemental de l'enfance et de la famille de ce même département, qui constituait une entité juridique distincte. Au cours d'une fugue, il avait commis un larcin.
Le cadre de la procédure administrative de la protection de l'enfance semble avoir généré moins de contentieux que celui de la procédure d'assistance éducative. Une récente décision du Conseil d'Etat permet toutefois de faire le point sur la jurisprudence applicable dans ce cadre.
Quelle est la responsabilité encourue par les départements lorsqu'ils accueillent, à la demande ou avec l'accord des parents, des jeunes au sein de leur service d'aide sociale à l'enfance et que ces derniers commettent des dommages à des tiers ? Depuis une décision du 23 juillet 2003 (16), le Conseil d'Etat reconnaît le département responsable de plein droit pour les dommages causés par des enfants qui lui sont confiés dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. En l'espèce, un mineur, confié à une assistante familiale engagée par le département pour accueillir des enfants dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, avait provoqué un incendie causant des préjudices à des tiers.
Une décision du Conseil d'Etat du 26 mai 2008 est venue conforter cette jurisprudence en reconnaissant la responsabilité sans faute du département en cas de placement du mineur dans un établissement (et non une famille d'accueil) (17). Dans cette affaire, un jeune garçon de 16 ans avait été admis temporairement, à la demande de ses parents, dans un service de l'ASE d'un département. Pendant cette période d'accueil, l'adolescent avait commis le vol d'un véhicule, avec lequel il avait ensuite provoqué divers dommages. La responsabilité du département pouvait-elle être mise en cause ? Oui, a répondu la Haute Juridiction, « en raison des pouvoirs dont le département se trouve [...] investi lorsque le mineur est placé dans un service ou établissement qui relève de son autorité ». En effet, poursuit le juge, « la décision par laquelle le président du conseil général admet la prise en charge d'un mineur par le service de l'aide sociale à l'enfance du département a pour effet de transférer à ce dernier la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur pendant la durée de sa prise en charge ». Ce faisant, le Conseil d'Etat s'est aligné sur les arguments retenus par la Cour de cassation dans le cadre de litiges nés au cours d'une procédure d'assistance éducative (voir page 20).
Pour Danièle Cristol, cette décision, qui unifie les fondements de la responsabilité civile et administrative, « permet que des litiges de même nature soient réglés par application des mêmes principes, quel que soit l'ordre de juridiction compétent pour en connaître ». « La solution est d'autaut plus bienvenue que si la responsabilité sans faute, fondée sur la garde, n'avait été admise, la seule alternative pour la victime aurait été de se placer sur le terrain de la faute, ce qui aurait nécessité pour elle de prouver un défaut de surveillance du service de l'ASE. L'application d'une responsabilité pour faute aurait conduit les victimes [...] à être plus difficilement indemnisées que si le mineur était resté sous la garde de ses parents, le juge judiciaire ayant consacré, depuis 1997, une responsabilité de plein droit des parents du fait de leurs enfants mineurs » (18)
Toujours dans le droit-fil du raisonnement du juge judiciaire, le Conseil d'Etat a posé, dans la même affaire du 26 mai 2008 (19), les limites de cette responsabilité.
Ainsi, le département peut être exonéré de sa responsabilité ou la voir atténuée dans deux hypothèses :
en cas de faute de la victime ;
en cas de force majeure.
Les enfants accueillis à l'ASE peuvent l'être au titre :
de mesures administratives prises par le président du conseil général à la demande ou en accord avec la famille (accueils provisoires de mineurs, de pupilles de l'Etat) ;
de mesures confiées par le juge des enfants à l'ASE, à charge pour ce service de déterminer le mode et le lieu d'accueil (délégation à l'ASE de l'autorité parentale, placement à l'ASE au titre de l'assistance éducative ou de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante...) ;
de placement direct par le juge auprès d'un établissement ou auprès d'un tiers digne de confiance. Dans ce cas, le service d'aide sociale à l'enfance n'est que le payeur de la mesure.
En 2007, 141 000 enfants ont été accueillis par l'aide sociale à l'enfance (20). Parmi eux, 86 % lui ont été confiés à la suite de mesures de placement, administratives ou judiciaires, les autres étant placés directement par le juge auprès d'établissements ou de personnes de confiance, l'ASE assurant alors uniquement le financement du placement.
Dans la majorité des cas, les enfants sont confiés à l'ASE sur décision du juge des enfants - près de 91 000 jeunes en 2007 - et dans le cadre de la procédure d'assistance éducative - dans 93 % des situations.
Au 31 décembre 2007, plus de la moitié (55 %) des enfants spécifiquement confiés à l'ASE étaient hébergés en famille d'accueil, contre 39 % en établissement public relevant de l'ASE ou du secteur associatif habilité et financé par elle. Les autres modes d'hébergement (hébergement d'adolescents dans des appartements indépendants...) ne représentent que 7 % de l'ensemble.
(1) Tribunal des conflits, 17 décembre 2001, pourvoi n° 01-03275, disponible sur
(2) Récemment, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance a cherché à mieux coordonner protection administrative et judiciaire - Voir ASH n° 2502 du 6-04-07, p. 21 et n° 2505 du 27-04-07, p. 17.
(3) Cass. plén. 29 mars 1991, Bliek, requête n° 89-15231, disp. sur
(4) Cass. crim. 10 octo-bre 1996, association « Le foyer Saint Joseph », requête n° 95-84186, disponible sur
(5) Conseil d'Etat, 11 février 2005, requête n° 252169, disp. sur
(6) Cass. crim. 26 mars 1997, Le foyer Notre-Dame-des-Flots, disp. sur
(7) Cass. civ. 6 juin 2002, GMF et autres contre ADSSEA et autres, pourvoi n° 00-18286, disponible sur
(8) Cass. civ. 15 dé-cembre 2005, pourvoi n° 04-15798, disp. sur
(9) Cass. crim. 25 mars 1998, pourvoi n° 94. 86-137, disponible sur
(10) Cass. crim. 8 janvier 2008, pourvoi n° 07- 81.725, disponible sur
(11) Danièle Cristol - Revue de droit sanitaire et social n° 2 - Mars-avril 2008, p. 376.
(12) Cass. civ. 19 juin 2008, pourvoi n° 07-12.533, disponible sur
(13) Cass. crim. 15 juin 2000, pourvoi n° 99-85240 disponible sur
(14) Cass. civ. 7 octobre 2004, requête n° 03-16.078, disponible sur
(15) CAA, Douai, 30 mars 2006, requête n° 04DA00237, disp. sur
(16) Conseil d'Etat, 23 juillet 2003, pourvoi n° 203549, disponible sur
(17) Conseil d'Etat, 26 mai 2008, département des Côtes-d'Armor, requête n° 290495, disponible sur
(18) Revue de droit sanitaire et social n° 5 - Septembre-octobre 2008, p. 926.
(19) Conseil d'Etat, 26 mai 2008, département des Côtes-d'Armor, requête n° 290495, disp. sur
(20) DREES - Etudes et résultats n° 656 - Septembre 2008 - Les bénéficiaires de l'aide sociale départementale en 2007 - Disponible sur